Civitas organise ce week-end sa deuxième "fête du pays réel", qui devrait rassembler bon nombre de sectes pétainistes et traditionalistes qui gravitent autour du parti catholique intégriste présidé par Alain Escada. Certains des invités sont des habitués qu’on ne présente plus (l’abbé Beauvais, Pierre Hillard, Carl Lang) mais quelques nouveaux venus y prendront aussi la parole. C’est le cas d’Olivier Wyssa, nouvellement nommé en janvier 2018 délégué général de Civitas aux Affaires internationales : l’occasion pour nous de revenir sur son long parcours à l’extrême droite, car Wyssa a beaucoup d’amis, mais peu vraiment recommandables !

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Olivier Wyssa

Selon ses propres dires, Olivier Wyssa, né en Suisse en 1955, aurait commencé son engagement nationaliste adolescent, à l’âge de 16 ans, en fondant le Nouvel Ordre social (NOS), groupuscule lycéen et étudiant se réclamant du journaliste pro-nazi et antisémite Georges Oltramare [1], du moins selon l’essayiste d’extrême droite Daniel Cologne. Il est également capitaine de réserve de l’armée helvétique, et titulaire en 1983 d’un brevet d’avocat.

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Jean-rené Souetre

L’ami du FN

Après avoir obtenu sa naturalisation française par mariage, c’est par l’intermédiaire de Jean-René Souetre, un ancien de l’OAS devenu par la suite mercenaire aux côtés de Bob Denard, que Wyssa finit par rejoindre le FN en 1990. « Le Front national est très tolérant. Ma double nationalité n’a jamais dérangé personne » osera-t-il déclarer sans rire au site Swissinfo dix ans plus tard.

Quand il était membre du Comité central et du Conseil scientifique du FN, il s’est essentiellement battu au sein du parti pour la reconnaissance de la lutte contre l’avortement : avec Martine Lehideux et Myriam Baeckroot (qu’il a aujourd’hui retrouvées au sein du Parti de la France), il s’est démené pour que l’abrogation de la loi Veil fasse partie des « 300 propositions » du FN, son programme de 1993. Mais, au fil des années, Wyssa déplorait que cette thématique, tout comme les références explicitement chrétiennes, disparaissent petit à petit du discours frontiste. Autre combat cher à l’avocat Wyssa, celui de la « liberté d’expression », dont on sait ce qu’elle veut dire pour l’extrême droite, à savoir essentiellement le droit revendiqué de pouvoir être raciste ou de pouvoir contester la réalité de la Shoah.

L’ami des grandes fortunes

Wyssa a également été responsable du FN pour le département de l’Ain, et habite le petit village de Crozet, dans le Pays de Gex. Une région paisible, aux portes de Genève : bien pratique, car son engagement au service de « la France aux Français » ne l’empêche pas de poursuivre sa carrière d’avocat d’affaires… en Suisse (où il a fondé son cabinet en 1992), prodiguant aux contribuables fortunés ses conseils en matière d’évasion fiscale.

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Pascal Junod

Il partageait dans les années 2000 son cabinet avec Pascal Junod : responsable de la Nouvelle droite en Suisse romande, organisateur dans les années 1980 au « centre culturel » Excalibur de diverses réunions des cercles Proudhon et Thulé et de l’association des Amis de Robert Brasillach, puis secrétaire général de l’UDC genevoise, Junod est à l’initiative de plusieurs conférences avec le négationniste Roger Garaudy jusqu’en 2002 (il fut aussi l’avocat d’Aldo Farraglia, libraire de Genève condamné en 1996 pour avoir diffusé l’ouvrage de Garaudy). Également membre du cabinet, Philippe Ehrenström, collaborateur à la revue Krisis dirigée par Alain de Benoist et lui aussi membre de l’UDC genevoise, était présent à la convention du FN en février 2007 pour expliquer le fonctionnement du référendum d’initiative populaire, probablement par l’intermédiaire de Wyssa.

L’ami de Gollnisch

Au sein du FN, Olivier Wyssa est proche de Bruno Gollnisch : il fut d’ailleurs le secrétaire général de l’association « Les Amis de Bruno Gollnisch » lors de la campagne pour la succession de Jean-Marie Le Pen à la tête du FN, parce que Gollnisch est selon lui « un farouche défenseur de la Vie et de la Famille, valeurs qu’il n’hésite pas à soutenir haut et fort malgré la mode décadente du politiquement correct » et qu’il « travaille à la restauration d’un ordre naturel inscrit dans toutes les consciences droites et dans les valeurs qui ont fait notre civilisation. »

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Autant dire que quand Marine Le Pen est élue présidente en janvier 2011, c’est la déception pour Wyssa, qui ne se reconnait pas dans ce qu’il appelle une « orientation hyperrépublicaine, laïciste et étatique » que suivrait selon lui le FN mariniste. Le soir même du congrès de Tours, il écrit sa lettre de démission en tant que secrétaire départemental de l’Ain (département où il est élu au Conseil régional Rhône-Alpes sans interruption depuis 1992), et quelques temps plus tard, il est convoqué devant la commission de discipline du parti.

L’ami de Gabriac

La même année, il est exclu du FN pour avoir retiré sa candidature aux cantonales dans l’Ain (une initiative qualité de « sabotage » par la direction du FN), trois semaines après que Marine Le Pen a exclu Alexandre Gabriac, comme lui conseiller régional en Rhône-Alpes, suite au scandale engendré par la publication de photos le montrant faisant un salut nazi (scandale que Wyssa qualifia alors de « lynchage médiatique »). Wyssa avait alors dénoncé la « logique de purge » de celles et ceux qui avait, comme Gabriac, soutenu Bruno Gollnisch. Wyssa retrouve ensuite ses amis de l’Œuvre française Gabriac et Yvan Benedetti au XIVe Forum de la Nation, le 15 octobre 2011 à Lyon, une réunion qui s’est conclu par un hommage privé au maréchal Pétain.

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Forum de la Nation, Lyon, octobre 2011.

Lors de son intervention à la tribune, après avoir remercié Pierre Sidos pour son invitation, Wyssa déclare ne pas être « dépaysé », retrouvant dans l’assemblée plein d’anciens amis, et félicite Gabriac pour la création des Jeunesses nationalistes, aujourd’hui dissoutes. Wyssa se sent d’ailleurs suffisamment proches du groupuscule pour se retrouver l’année suivante à tenir la banderole de tête lors d’une manifestation dans les rues lyonnaises en janvier 2012 :

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Wyssa apprécie la camaraderie viriledu groupuscule, comme le montre cette photo prise quelques années plus tard où on le voit prendre la pose en 2014 lors d’une séance de boxe dans une cave toujours en compagnie de Gabriac et de Benedetti.

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A : Alexandre GAbriac. B : Yvan Benedetti. C : Olivier Wyssa.

Il est vrai que Wyssa est lui-même, au-delà de son imposant physique, un amateur d’arts martiaux, puisqu’il est ceinture noire 1er dan d’Aïkibudo et de Kobudo, et qu’il a même été président d’un club en Suisse dans les années 1990.

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Les seuls hommes en robe que Wyssa est susceptible d’apprécier…

En 2012, tout en conservant son mandat au conseil régional, mais chez les indépendants (curieusement, il apparait à cette époque toujours comme vice-président du groupe FN !) Wyssa se rapproche de plus en plus de Carl Lang, comme le montre sa présence en mars à Paris au meeting de l’Union de la Droite Nationale, pour soutenir la candidature de Carl Lang, président du du Parti de la France, à l’élection présidentielle d’avril 2012.

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Là encore, il se réjouit d’y retrouver plein d’anciennes connaissances, des cadres FN déçus par la ligne marinisme pour la plupart. Pour l’anecdote, signalons que Wyssa avait été sollicité en 2011 par Marine Le Pen pour qu’il lui apporte son parrainage d’élu, en échange de son maintien au sein du groupe FN au conseil régional ! Une proposition évidemment rejetée par l’intéressé. Wyssa est aujourd’hui membre du bureau politique du Parti de la France.

L’ami des fascistes européens

En 2015, il renonce à se représenter aux élections, après plus de vingt ans passés au conseil régional de Rhône-Alpes. On le retrouve en revanche à Bruxelles pour la fondation de l’Alliance pour la Paix et la Liberté (APF en anglais), autour de personnalités de l’extrême droite radicale telles que Roberto Fiore (Forza Nuova, Italie), qui en est le président après avoir dirigé le FNE, Nick Griffin (anciennement BNP, Royaume-Uni), Udo Voigt (NPD, Allemagne) et Georgios Epitideios (Aube dorée, Grèce). Wyssa était déjà présent l’année précédente, en décembre 2014, à Milan, où il partageait la tribune avec les Italiens Roberto Fiore et Maria Teresa Baldini, et l’Espagnol Gonzalo Martin de Democracia Nacional.

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A : Roberto Fiore. B : Maria Teresa Baldini. C : Olivier Wyssa. D : Gonzalo Martin

En 2017, il renoue avec l’engagement associatif, et rejoint la Coalition pour la Vie et la Famille, avant de rejoindre son ami Alexandre Gabriac à Civitas, et de prendre ses fonctions de délégué général de Civitas aux Affaires internationales : un poste qui lui convient bien, au vu des nombreux contacts qu’il a pu prendre parmi les groupes néofascsites ou néonazis qu’il a pu rencontrer aux côtés de Gollnisch quand il était au FN, ou plus tard au sein de l’APF.
La Horde

Notes

[1Né en 1896, Georges Oltremare se lance en politique en lançant son propre parti fasciste, l’Ordre politique national, qui fusionne ensuite avec un autre mouvement pro-patronal pour former l’Union nationale, qui avait pour mot d’ordre « une doctrine, une foi, un chef », et qui défilait en chemises grises dans les rues de Genève. Surnommé « Le petit Duce de Genève », il se rallie au nazisme en 1938. Il s’installe en France en 1940, sous le pseudo de Charles Dieudonné, anime des émissions sur Radio Paris (dont « Les Juifs contre le France »), organise le fameux déjeuner du 20 mars 1942 de l’Association des journalistes antijuifs auquel participent, entre autres, Édouard Drumont, Céline, Henry Coston, Robert Denoël… Extradé vers la Suisse en 1945, il est arrêté puis relâché, avant d’être à nouveau arrêté en 1947, puis condamné à mort par contumace en 1950 : il trouve alors refuge d’abord dans l’Espagne franquiste, puis en Egypte.