FN_sale_gueule

Alors que la semaine passée, deux villes étaient passées dès le premier tour des élections municipales aux mains de l’extrême droite (Orange pour Bompard et sa Ligue du Sud, Hénin-Beaumont pour le Front national), onze autres villes vont désormais être gérées par le FN et ses alliés (le Huffington Post a publié une carte de ces villes ici), en plus de Bolène, remportée au second fou par Marie-Claude Bompard. Pour rappel, le FN n’avait réussi en 2008 à obtenir que 80 conseillers municipaux sur toute la France : ils sont très probablement désormais plus d’un millier (1290 d’après les chiffres du ministère de l’Intérieur)… C’est encore un peu tôt pour véritablement pouvoir décortiquer la raison de ce succès à l’échelle locale, et nous laisserons les collectifs locaux le faire : nous publierons régulièrement leurs analyses, ainsi que toute information utile sur les premiers pas municipaux de cette nouvelle génération frontiste.

Première remarque : du côté des cadres du FN et de ses personnalités médiatiques, c’est plutôt la panade. Côté succès, logiquement, Steeve Briois a récolté les fruits d’un travail de terrain de plusieurs années sur Hénin-Beaumont et David Rachline (dont on avait déjà parlé ici) sa légitimité en tant qu’« enfant du pays » à Fréjus. Le cas de Robert Ménard est plus étonnant, mais sa volonté de brouiller les cartes en jouant sur l’ambiguïté de ses relations avec le FN a peut-être joué en sa faveur. En revanche, Louis Aliot et Florian Philippot se sont faits battre sur des terres qui semblaient acquises au FN : pour expliquer ces échecs, Philippot évoque « le hasard »… On peut noter que les seuls élus nationaux du Front national, les députés Marion Maréchal-Le Pen et Gilbert Collard, pourtant en position éligible sur des villes qui pouvaient basculer, ont tous les deux été battus. Pour se consoler, ils peuvent toujours se dire qu’ils vont pouvoir garder les mains propres et continuer à s’agiter sur le plan national.

Deuxième remarque, qui vient renforcer la première : les vainqueurs dans les plus petites villes sont quasiment tous des frontistes de fraîche date. Alors qu’en 1995, les maires FN étaient tous des cadres importants du partis, voire des militants de la première heure, ce n’est plus le cas aujourd’hui. Lorsque Marine Le Pen déclare que les villes ne seront pas des "laboratoires idéologiques", elle montre bien que la stratégie municipale du FN est avant tout une étape de plus vers la normalisation et l’institutionnalisation de son parti, en vue de sa progression à l’échelle nationale. De son point de vue, moins les villes FN feront parler d’elles, et mieux ça vaudra. Cela sera peut-être vrai du point de vue de la mise en pratique des projets les plus directement discriminants (comme la préférence nationale), mais l’amateurisme de ses équipes risquent de coller à la peau du FN l’image d’incompétence qu’il traîne déjà… Encore vaudrait-il pour cela que les gens aient un peu de mémoire.

Enfin, dernière remarque : on le savait déjà, mais c’est toujours sur la misère que le FN prospère, et les villes emportée sont le plus souvent à la dérive, tant sur le plan économique que social. Le cas le plus symptomatique est certainement la principale victoire du Front national (150000 administrés !) dans le 7e secteur de Marseille, les quartiers nord, emporté par Stéphane Ravier, celui qui, singeant les antifascistes, déclarait durant sa campagne "Pas de racailles dans les quartiers, pas de quartier pour les racailles"… La victoire de Fabien Engelmann à Ayange, dans le bassin ouvrier lorrain sinistré par la crise, est elle aussi le signe que le FN, en dépit d’un discours anti-social assumé, apparaît désormais comme une alternative possible aux politiques actuelles.