RépressionProcès de Budapest : décryptage d’une criminalisation de l’antifascisme

Lu sur le Numéro Zéro. Le Comité Antifasciste de Saint-Étienne propose un décrytage du procès des antifas de Budapest, où comment la criminalisation et répression des antifascistes se coordonne désormais au niveau européen. Solidarité antifasciste internationale avec Gabriele, Maja, Ilaria, Tobi et tous.te.s les autres !

Lundi 29 janvier 2024 s’est ouvert, à Budapest, le procès de trois militant.es antifascistes accusé.es d’avoir pris part à l’agression de néonazis lors d’un rassemblement organisé en Janvier 2023. Trois personnes ont été arrêtées le 11 février 2023 alors qu’avait lieu ce weekend là une manifestation contre la tenue d’un événement commémoratif nazi "le Jour de l’Honneur". Deux d’entre elleux, Tobi et Ilaria, sont détenu.es dans les geôles de Viktor Orban, dans d’infâmes conditions, depuis plus d’un an, en attente de leur jugement.

Le "Day of Honnor"

Le Jour de l’Honneur est organisé chaque année en Hongrie, depuis 1997, à l’initiative de Ivan Gyorkos, créateur d’un groupe paramilitaire d’extrême droite (Le Front National Hongrois). Cet événement commémore la tentative d’évasion des troupes nazies assiégées, en 1945, par l’Armée rouge à Budapest.

Aujourd’hui cet événement commémoratif et révisionniste est organisé par des groupes néo-fascistes hongrois tel que Legio Hungaria ou la branche Hammerskins hongroise. Il se déroule sur plusieurs jours, dans la forêt de "Normafa" proche de Budapest.

Au programme : des prises de parole, des concerts de Rock Against Communism (RAC), avec des groupes venus de Hongrie et de toute l’Europe et enfin une randonnée intitulée "Breakout 60". Le parcours de cette dernière suit l’itinéraire emprunté par les troupes nazies lors de leur tentative d’évasion sur près de soixante kilomètres. Lors de cette randonnée, nombreuses sont les personnes habillées d’uniformes nazis et arborant fièrement les symboles SS. Alors qu’iels étaient des centaines il y a quelques années, iels sont maintenant près de 2500 à s’y retrouver. Les personnes qui terminent la randonnée dans le temps imparti reçoivent des répliques de la croix de fer ou de croix gammée. L’événement n’est pas légalement répréhensible puisqu’il est présenté comme une reconstitution historique.

Face à la tenue d’un tel événement à Budapest, des contre manifestations sont organisées par les antifascistes hongrois.es.

L’enquête

A l’issue des contre-rassemblements, trois personnes ont été arrêtées à Budapest. Parmi celles-ci : Ilaria, originaire d’Italie et Tobias, originaire d’Allemagne. Iels sont notamment accusé.es d’avoir commis des violences sur des néonazis et d’appartenir à une organisation criminelle.

D’autres sont recherché.es en Italie et en Allemagne, où le "Bureau centrale sur l’extrémisme" du Land de Saxe, prend les devants et ouvre une enquête à l’encontre de sept personnes. Pour la police allemande, le lien entre cette affaire et le Antifa-Ost, est évident. Lors de ce procès qui s’est déroulé au printemps 2023 contre le mouvement antifasciste allemand, quatre personnes ont été condamnées à des peines de prison. La police allemande collabore donc activement avec les autorités hongroises. Une chasse à l’homme est lancée, avec l’aide de néonazis et de Bild, un média national, qui publie les identités et photos des individus recherchés, de nombreuses perquisitions sont réalisées.

Le 21 novembre Gabriele est arrété à Milan alors qu’il était sous le coup d’un mandat d’arrêt européen. Il est aussi accusé d’avoir participer à des affrontements avec des néonazis ainsi que d’appartenir à une "organisation de malfaiteurs". Il est assigné à résidence en attente de son procès concernant l’extradition. Compte tenu des révélations d’Ilaria sur sa situation en détention, le juge chargé de l’enquête questionne le gouvernement hongrois sur les conditions de détention ainsi que sur le déroulement du procès et l’indépendance de la justice. Le jugement, après plusieurs reports, sera rendu le 13 février. Maja est également arrété.e au début du mois de décembre, en Allemagne. Iel est actuellement placé.e à l’isolement dans une geôle proche de Dresde, dans l’attente du jugement concernant l’extradition.

L’extradition des camarades vers la Hongrie aurait des conséquences déplorables sur le jugement et sur les conditions de détention, dans un pays au climat politique dégueulasse.

Treize personnes recherchées pour cette affaire sont encore en cavale.

Le procès

Lors de la première audience, Lundi 29 janvier, 3 personnes ont été présentées au juge. Selon le système juridique hongrois, les accusé.es doivent choisir en début de procès, s’iels se déclarent innocent.es ou s’iels reconnaissent leur culpabilité et s’exposent à la peine maximale demandée par l’accusation.

Tobias, accusé d’être membre d’une organisation criminelle, s’est déclaré coupable, en contestant la requête de l’accusation : trois ans et six mois d’emprisonnement dans une prison de haute sécurité. Le juge a finalement tranché sur trois ans, dont deux ans dans une prison de haute sécurité suivis d’une interdiction de territoire de cinq ans en Hongrie.

La camarade allemande, placée sous contrôle judiciaire en Allemagne, s’est déclarée innocente. Les accusations à sont encontre sont les mêmes que Tobias.

Enfin, Ilaria, s’est également déclarée innocente. Elle a notamment souligné le fait qu’elle n’a pas eu accès aux documents traduits et qu’elle n’a pu visionner les images et vidéos servant de preuves pour l’incriminer. Accusée de deux agressions aggravées par l’appartenance à une organisation criminelle, l’accusation a requis 11 ans d’emprisonnement. Les images de son arrivée au procès, enchaînée aux mains et aux pieds "comme un animal" ont fait parler en Italie, à gauche mais aussi à droite. La cheffe du gouvernement, Meloni, a d’ailleurs questionné Viktor Orban sur ce sujet .

La prochaine audience est prévue le 24 mai pour Ilaria et la camarade allemande.

La fascisation des politiques et l’expansion des idées réactionnaires s’accompagnent de la criminalisation des idées et initiatives antifascistes, et pas seulement dans les pays d’Europe de l’Est où les politiques d’extrême-droite sont répandues. Les gouvernements et leur police ont maintenant recours à des armes juridiques qui étaient jusque là utilisées contre les organisations criminelles ou terroristes. Cela conduit à d’énormes enquêtes où les personnes sont perquisitionnées, mises sur écoute, arrêtées et les organisations dissoutes. En Allemagne cela s’illustre par le procès Antifa Ost, qui, après plusieurs années d’enquêtes et la tentative des autorités d’établir des liens entre des personnes et des affaires, a envoyé quatre militant.es derrière les barreaux. En France c’est avec l’affaire du 8/12 ou la dissolution de la GALE (Groupe Antifasciste Lyon et Environs) que les autorités tentent de dissuader les mouvements d’opposition. L’affaire de Budapest souligne aussi la coopération entre les autorités de différents pays et témoigne de la nécessité de s’organiser par delà les frontières.

Par ce texte nous tenons à apporter notre soutien aux camarades antifascistes qu’iels soient emprisonné.es, en Allemagne, en Hongrie et partout ailleurs, menacé.es d’extradition ou en cavale.

Ni prison, ni extradition, libérez-les tou.tes.

Texte inspiré par les sites d’info www.basc.news ou sur Instagram @freebudapesttwo et par les traductions du site attaque.noblogs.org

Source: https://lenumerozero.info/Proces-de...