Lu sur le site Novara Wire (traduction : La Horde)

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Samedi 30 janvier, plusieurs groupes d’extrême droite vont descendre sur la ville portuaire de Douvres. Leur but : ineiger à la haine raciale, en premier lieu à l’encontre des musulmans, en tirant profit de la soi-disante « crise des migrants » pour réclamer des contrôles durs aux frontières et en appeler à l’unité des "blancs". En réponse, des antifascistes de tout le pays feront le déplacementafin de s’opposer à l’extrême droite et son message. NovaraWire a envoyé un journaliste interviewer Sam [1] du Réseau Antifasciste (AFN), qui regroupe des militants antifascistes du Royaume-Uni, à propos de l’évolution de l’extrême droite et du développement de l’antifascisme basé sur les communautés.
Novara Wire : Vous organisez la deuxième mobilisation antifasciste que nous avons vue à Douvres ces derniers mois. Pourriez-vous nous en dire un peu plus sur les organisations contre lesquelles vous vous mobilisez ? Qu’est-il arrivé la première fois ?

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Sam   : Nous nous mobilisons contre une coalition de groupes d’extrême droite [2] qui s’est développée comme réponse réactionnaire à la crise des migrants. La coalition est composée de presque tous les groupes de l’extrême droite ayant une présence dans les rues, à l’exception de Britain First. Les deux principaux groupes à l’origine de cette manifestation sont les North West Infidels et la South East Alliance (SEA), bien que le National Front soit également fortement impliqué, en particulier l’organisateur du Kent Mark Freeman. Ils ont mobilisé presque tous les groupes qui sont séparés de l’English Defence League (EDL) et une poignée de groupes néonazis. Ils ont également été en mesure de mobiliser une partie des groupes les plus violents de l’EDL qui ne semblent pas être dérangés par le fait de travailler avec les néonazis.

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La dernière fois que nous étions à Douvres, il y avait environ 200 fascistes de plus de 13 groupes différents opposés à environ 150 antifascistes, principalement de l’AFN mais incluant aussi quelques personnes du coin. Nous avons occupé le point de ralliement de l’extrême droite et nous avons ensuite été attaqué-es par les fascistes qui s’étaient réunis dans un pub à proximité. Nous avons repoussé avec succès l’attaque fasciste avant que la police intervienne. Bien en sécurité derrière les lignes de police, l’extrême droite a commencé à nous jeter des matériaux de construction, occasionnant quelques blessures légères. Nous étions cerné-es par la police, mais nous sommes sorti-es du confinement et avons bloqué la route prévue pour la manifestation de l’extrême droite. Nous avons ensuite été à nouveau entouré-es par la police ce qui permit à l’extrême droite de nous contourner. Ensuite, l’extrême droite franchit les lignes de la police et attaqua à nouveau notre groupe, en lançant divres objets dans notre direction alors que nous étions encerclé-es par la police.

Quand tout ceci débuta, nous avions perdu une partie de nos soutiens les moins radicaux, ce qui nous ramena à 80 personnes tentant de tenir la rue. Nous rendant compte que nous étions nettement en infériorité numérique et n’ayant pu empêcher les fascistes de marcher jusqu’au rond-point à l’entrée du port, nous avons décidé de sortir de la zone.

C’etait en fait la deuxième fois que nous nous étions mobilisé-es à Douvres, la première fois que nous étions en ville c’était en janvier 2015 et à cêtre occasion il y avait beaucoup moins de monde des deux côtés. Il y avait beaucoup de cris et une bagarre massive sur le front de mer, mais pas de quoi écrire grand-chose sur le sujet ! Cependant, il y avait une manifestation d’extrême droite quelques mois auparavant au cours de laquelle Nick Griffin [l’ancien chef du British National Party] avait parlé et coutre laquelle rien n’avait été organisé.
Quelle est l’ampleur de la menace de la droite violente actuellement ? Quelle est l’importance de cette mobilisation ?
Eh bien, l’extrême droite ne se trouve nulle part dans une position où elle puisse s’emparer du pouvoir, mais elle est une menace que la gauche doit prendre au sérieux. Même si elle se déroule en janvier, la manifestation à venir pourrait être la mobilisation antifasciste la plus importante devant avoir lieu cette année et elle est probablement plus importante que toutes les autres mobilisations depuis le moment où l’EDL était à son apogée.

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Comme nous avons pu le faire nous-mêmes pour la France, l’AFN a réalisé une cartographie de l’extrême droite britannique (cliquez pour agrandir).

Après l’effondrement du British National Party (BNP) et la disparition de l’EDL, l’extrême droite a connu une période de regroupement. La SAE est dirigée par un chypriote grec, Paul Prodromou, qui est obsédé par l’idée de l’« unité » de l’extrême droite ; il a essayé pendant des années de réunir tous les éléments disparates de l’extrême droite, souvent avec peu de succès. Mais la dernière mobilisation à Douvres a été la première initiative dans laquelle il a été impliqué qui a attiré un nombre significatif de personnes, et la droite pense que ce fut une grande victoire pour eux. S’ils obtiennent ce qu’ils pensent être une nouvelle victoire à Douvres, ils seront potentiellement plus unifiés ; les liens organisationnels développés lors de la dernière manifestation à Douvres seront renforcés, et il y a un risque que se développe quelque chose de plus durable à partir de cette coalition.

Une autre chose que les gens doivent prendre au sérieux est le risque de développement par l’extrême droite de sa capacité de violence contre la gauche. La dernière manifestation à Douvres eut lieu environ un mois après que des sympathisants de la SEA basés à Londres ont organisé une attaque contre des fans de football de gauche à Thamesmead, laquelle fit annuler un match. Si ceci n’avait pas eu lieu, ils n’auraient probablement pas été aussi confiants lorsque nous avons pris leur lieu de rassemblement. A la suite des précédentes manifestations à Douvres, les groupes d’extrême droite se sont mobilisés pour s’opposer à des actions de solidarité envers les réfugié-es, à Portsmouth et à Bristol en particulier. Ils ne se seraient pas à sentis suffisamment en confiance pour le faire sans ce qu’ils ont considéré comme étant des victoires à Thamesmead et à Douvres.

S’ils obtiennent ce qu’ils pensent être une nouvelle victoire à Douvres, il y a un risque très réel de voir s’accroître la violence de l’extrême droite envers la gauche, et Pas seulement sur le terrain de l’antifascisme. Si nous arrivons à une nette victoire à Douvres, nous pourrons mettre un terme au processus de regroupement de l’extrême droite et frapper un grand coup contre leur capacité à s’organiser contre nous. Je n’oublierai jamais l’air timide de Prodromou quand il se cachait dans un fossé lors de la première manifestation à Douvres où nous nous sommes opposés. Nous voulons que l’ensemble de l’extrême droite soit ainsi intimidée, tout le temps.
L’un des développements positifs de l’AFN l’année dernière fut le développement des relations avec d’autres, peut-être des organisations moins radicales, et une réelle tentative de développer une approche mixte de la mobilisation antifasciste. Comment ce processus se développe-t-il ?

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Tout d’abord, je pense que nous avons toujours préconisé une approche mixte de mobilisations antifascistes. Si vous regardez nos grandes mobilisations au cours de ces dernières années, elles ont généralement toutes été basées sur les communautés dans lesquelles nous avons encouragé les gens à s’engager directement. Je pense ici à la « Marche pour l’Angleterre » à Brighton et des choses comme les tentatives de l’EDL de défiler à Tower Hamlets et à Walthamstow. Quand la SAE protesta à Cricklewood, dans le nord-ouest de Londres, nous avons travaillé avec des groupes communautaires et des syndicats dans un groupe appelé North West London United.

Plusieurs choses se sont produites l’année dernière qui furent vraiment positives. L’une fut que des groupes de la gauche autonome/activiste rejoignirent l’AFN, l’autre fut un afflux de socialistes et de syndicalistes à la suite de la victoire à Liverpool contre le groupe de jeunes néonazis de National Action. Arrêter la « Marche de l’homme blanc » de National Action était exactement le genre de mobilisation que nous voulions organiser : une grande mobilisation de la communauté soutenue par des antifascistes militants qui ont collectivement recours à l’action directe pour empêcher que l’extrême droite prenne la rue.

Curieusement, c’est ce que les meilleurs activistes d’Unite Against Fascism (UAF) essayaient de faire, à ce qu’ils-elles nous ont dit. A présent, l’UAF a perdu beaucoup de son influence dans le sillage de la crise de viol au Socialist Workers Party (SWP), beaucoup de ces antifascistes ont commencé à travailler avec l’AFN et nous avons également d’assez bonnes relations avec quelques sympathisants de base de l’UAF. L’effondrement du SWP a vraiment touché l’UAF et il a créé une sorte de vide organisationnel dans l’antifascisme britannique qui nous essayons de combler. Nous avons besoin de plus de soutien du mouvement ouvrier, mais nous nous en sortons bien.
Que peuvent faire les gens pour aider et comment peuvent-ils se rendre à Douvres ?
Les gens devraient soutenir leurs groupes antifascistes locaux : s’impliquer, donner du temps et de l’argent, mais surtout s’assurer de se rendre à Douvres. Nous avons besoin d’autant de personnes que possible à Douvres pour nous assurer d’être plus nombreux que ce qui pourrait être une grande mobilisation de l’extrême droite. La dernière fois l’extrême droite avait des gens venant de l’Ecosse pour soutenir leur défilé, nous devons au moins arriver à ce point et faire en sorte que tout le monde vienne.

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À l’heure actuelle il y a des cars qui vont de Londres, Brighton et Berkshire [à partir d’Oxford] et d’autres sont en cours de planification. Si des gens ne peuvent pas se rendre à l’un de ces endroits, les billets sont relativement bon marché. Les antifascistes de Manchester organisent aussi des transports et je suis au courant d’autres groupes qui préparent des choses dans leurs zones. Les gens devraient contacter le groupe antifasciste le plus proche, s’il n’y a pas il faudrait étudier la possibilité de s’y rendre en groupe là-bas en conduisant. Il y a aussi les transports publics à Douvres et si quelqu’un désire venir depuis la France, ce n’est qu’un court trajet en ferry.
Enfin, à quoi pouvons-nous nous attendre de l’extrême droite cette année ? Comment se développe l’AFN pour y faire face ?
Le groupe à surveiller de plus près est probablement Britain First. Ils ne vont jamais unifier l’extrême droite, mais ils sont capables d’attirer des électeurs mécontents de l’UKIP et le genre de personnes qui se sont rendues aux manifestations de l’EDL mais qui n’aiment pas les néonazis. Pegida UK sera un flop (à nouveau), le BNP continuera à décroitre, le National Front connaitra probablement une nouvelle scission et National Action continuera à prétendre que plus de 3 millions de personnes n’ont pas vu une vidéo de Noirs leur jetant des bananes. Pour ce qui est du reste des groupes participants à Douvres, cela dépendra beaucoup de ce qui se passera le 30.

L’une des grandes tendances de l’extrême droite au cours des dernières années a été l’implication de personnes dans l’EDL, avant de dériver plus à droite. Il n’y a pas vraiment de nouvelles personnes s’impliquant dans l’EDL maintenant, mais beaucoup de gens qui sont passés par eux continue leur chemin encore plus à droite. Nous pouvons nous attendre à voir des groupes néonazis apparaître et l’EDL se rapprocher encore plus de la liquidation. Nous pouvons également nous attendre à plus de violence contre la gauche. L’année dernière, il y eut une série d’attaques d’extrême droite sur des cibles de gauche et antifascistes et nous pouvons nous attendre à ce qu’elles continuent et qu’elles augmentent en intensité, à moins que la gauche commence à prendre au sérieux l’antifascisme.

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L’AFN continue à s’organiser contre l’extrême droite, à suivre leur activité et à intervenir si nécessaire. Nous avons grandi et au fur et à mesure que nous serons plus organisés et que plus de personnes s’impliquent nous aurons plus de succès. Nous avons démontré ce que nous pouvons réaliser avec des ressources beaucoup moindre que celle que l’UAF avait à disposition - imaginez ce que nous pourrions réaliser avec un niveau similaire de soutien du mouvement syndical.

Notes

[1Ce nom a été changé

[2Liste complète des groupes d’extrême droite attendus à Douvres : National Front, South East Alliance, North West Infidels, East Kent Patriots, English Volunteer Force, Scottish Defence League, Right Wing Resistance, Berkshire Infidels, Bristol United Patriots, Bishop Auckland Against Islam, West Midlands Infidels, North East Infidels, Misanthropic Division, National Action, National Rebirth of Poland, et d’autres groupes actuels ou anciens de l’EDL