La Horde c’est quoi ?

1. D’où vient La Horde ?
2. Qu’est-ce que La Horde ?
3. Que propose La Horde ?

1. D’où vient La Horde ?

La Horde est née en 2012 d’un triple constat.

Premièrement, alors que l’extrême droite française a montré entre 2002 et 2012 qu’elle était capable de se rénover, tant dans ses représentant·es que dans ses modes d’action (apparition des Identitaires et d’Égalité & Réconciliation, arrivée de Marine Le Pen à la tête du FN, Manif pour Tous…), l’intérêt à son sujet a diminué, et on est souvent resté sur des représentations erronées. L’extrême droite a ainsi fini par se fondre dans le paysage, voire même à « disparaître » dans les esprits, alors qu’elle avait simplement évolué.

Deuxièmement, même si les réseaux Ras l’Front et No Pasaran ont à la même période pratiquement disparu, des groupes antifascistes ont continué à apparaître, parfois de façon éphémère et le plus souvent en réaction aux violences de groupuscules radicaux (Troisième Voie, Jeunesses nationalistes, etc.) qui avaient fait leur retour dans la rue. Mais l’audience de ces groupes antifascistes était essentiellement locale, ils ne se connaissaient pas entre eux et personne ne savait vraiment ce qu’ils faisaient. Pire, après la mort de Clément, la figure de « l’antifa » a fait irruption dans les médias : l’antifasciste y est caricaturé·e, en particulier par rapport à la violence, souvent de façon mal intentionnée, car l’extrême droite virtuelle y a fortement contribué.

Troisièmement, pour les individus comme pour ces groupes, il n’était pas facile de savoir vers qui se tourner pour être mis au courant des initiatives antifascistes, pour se procurer du matériel, pour comprendre la réalité de l’extrême droite actuelle et les dangers qu’elle représente.

2. Qu’est-ce que La Horde ?

La Horde est une plateforme qui n’a pas l’ambition de fédérer autour d’elle qui que ce soit : ce n’est ni un réseau, ni une organisation. Ce sont aux groupes antifascistes locaux de s’organiser par eux-mêmes, d’abord régionalement, puis à l’échelle hexagonale, et selon leurs propres modalités. Notre souhait le plus cher est qu’ils y parviennent, et ce d’autant plus que nous connaissons personnellement beaucoup de militant·es de ces groupes, et que nous pouvons favoriser les contacts, les rencontres.

En proposant une « vitrine » de l’antifascisme dans notre pays, nous risquons de donner l’illusion d’être plus que cela : mais nous sommes attaché·es d’une part à notre indépendance, et d’autre part à la construction d’un mouvement antifasciste qui parte de la base, du terrain. Pour qu’un mouvement antifasciste autonome se structure et se développe en France, il faudrait que l’antifascisme cesse d’être à la marge et que les militant·es révolutionnaires et progressistes comprennent sa nécessité en tant que lutte sur la durée, comme c’est le cas en Allemagne, en Italie, en Grèce ou en Espagne par exemple.

3. Que propose La Horde ?

Nous avons organisé notre activité sur trois axes :

3.1. Un site internet qui présente des éléments d’information sur une ligne éditoriale étroite : l’extrême droite.

Ce site est une modeste réponse militante à l’urgence d’offrir un espace de diffusion d’informations en contre-point des médias mainstream, de l’extrême droite elle-même (quand les deux ne sont pas intimement imbriqués par la concentration actuelle des médias) et des réseaux sociaux. Ces derniers devenus centraux, constituent des bulles étanches et mettent, pour la plupart, les collectifs antifascistes à la merci d’intérêts capitalistes antagonistes. Tout cela nous conforte dans l’idée qu’un portail permet au plus grand nombre un accès direct à une information antifasciste ancrée dans le réel des luttes. Parce qu’il relaie depuis plus de 10 ans les initiatives des groupes antifascistes locaux, notre site permet un archivage de l’histoire récente du mouvement antifasciste hexagonal et donne une visibilité aux groupes locaux qui font le travail de terrain en relayant leurs publications et en faisant connaître leurs initiatives. C’est d’ailleurs pourquoi nous mettons aussi à disposition une carte des groupes pour permettre à toutes celles et tous ceux qui le souhaitent de les rejoindre puisque l’antifascisme est l’affaire de tou.te.s. Nous menons un travail de suivi de l’actualité de l’extrême-droite et du mouvement antifasciste, mais également un travail autour des idées, des arguments, des analyses, des productions documentaires et de l’histoire de notre lutte. Nous prolongeons ce travail mémoriel à travers une éphèméride. Enfin nous alimentons un agenda de la lutte qui regroupe les différentes initiatives antifascistes.

3.2. Du matériel :

  • des autocollants permettant à toutes et tous d’assurer une « présence » antifasciste minimale localement, en proposant des modèles variés afin de coller à différentes situations (en milieu urbain ou rural) et différentes façons d’aborder la lutte.
  • des outils pédagogiques : une cartographie régulièrement mise à jour pour mieux comprendre l’extrême droite, une chronologie du FN-RN depuis sa création, des argumentaires, un livre sur l’histoire du mouvement antifasciste allemand, un livre sur l’antifascisme en 10 questions…

L’ensemble de ce matériel peut être commandé sur notre site sans qu’aucune donnée personnelle ne circule sur internet.

3.3. Des interventions à destination de toutes celles et tous ceux qui se posent des questions sur l’extrême droite et l’antifascisme.

Nous animons des formations internes ou ouvertes à un public plus large, toujours à la demande des groupes de terrain. Nous avons aussi développé un jeu de société coopératif ("Antifa le Jeu") afin de proposer une expérience « immersive » de la lutte antifa. Nous sommes présent·es à travers des tables d’infos dans des évènements, souvent liés à la contre-culture. Nous essayons d’entretenir un maximum de contacts avec les groupes antifascistes de terrain, le plus largement possible, dans un esprit unitaire.

4. Quel antifascisme ?

Notre conception de l’antifascisme est issue du mouvement antifasciste radical des années 1980 et 1990.

Si, contrairement à ce qu’affirment ses détracteurs, l’antifascisme n’est pas une lutte du passé, comme toutes les luttes, il s’inscrit dans une histoire, et pas besoin pour cela de remonter aux années 1930. Si les militant·es révolutionnaires des années 1960 et 1970 ont lutté contre l’extrême droite, l’antifascisme contemporain, en tant que mouvement spécifique, est né au milieu des années 1980, au moment de la percée médiatique et électorale du Front national.

Mais dès l’origine, cette opposition à l’émergence d’un courant politique xénophobe, réactionnaire et nationaliste s’accompagne d’une dénonciation tout aussi forte du racisme d’État, et les groupes de l’époque, Scalp ou autres, se mobilisent aussi bien au sein des luttes de l’immigration qu’aux côtés des victimes des crimes sécuritaires. Porté par une contre-culture populaire, celle du rock alternatif, cet antifascisme autonome connaît un développement et différentes tentatives de coordination qui donnent naissance, au début des années 1990, au réseau No Pasaran : une partie des membres de La Horde en est issue.

Dans les années 2000, la volonté de dépasser l’antifascisme pour se concentrer sur d’autres thématiques rend petit à petit cette lutte moins visible : à partir du milieu des années 2000 puis dans les années 2010, le retour des groupuscules nationalistes violents (dont l’un des membres tue en 2013 notre camarade Clément Méric), la reprise en main du FN par Marine Le Pen, la poussée réactionnaire et homophobe portée par la manif pour Tous, le développement de nouveaux discours racistes (islamophobes, anti-migrants) redonnent du sens à la lutte contre l’extrême droite et ses idées.

De nouveaux collectifs locaux voient alors le jour, associant le plus souvent, comme par le passé, confrontation directe avec l’extrême droite, projets alternatifs et contre-culturels et solidarité avec les réfugiés et les victimes des violences policières. Une autre partie des membres de La Horde a rejoint la lutte antifasciste à cette époque. Au sein de notre collectif cohabitent ainsi plusieurs générations : cela empêche les ancien·nes de croire qu’illes ont tout vécu, et les plus jeunes de réinventer la roue !

La société française contemporaine s’est constituée, à la Libération, sur le mythe d’une France résistante, et pour cette raison tous les partis politiques se prétendent « antifascistes ». C’est pourquoi, pour affirmer notre distance à l’égard de cet antifascisme républicain et pour être capable d’analyser l’extrême droite dans toutes ses dimensions (et pas seulement comme simple ennemi de la démocratie libérale), nous sommes très clair·es sur nos positions non seulement à l’égard du racisme de l’État, mais aussi quant aux opérations répressives de l’État contre l’extrême droite : les procédures judiciaires (interdiction, dissolution...) ne sont pas des armes politiques au service de l’antifascisme, mais des outils au service de l’État qui protège ainsi le modèle de société qu’il représente.

De même, nous ne considérons pas le vote comme l’arme la plus efficace contre l’extrême droite, car il délègue à d’autres le soin de lui faire barrage : pas question de signer un chèque en blanc aux partis de droite comme de gauche qui ont montré des années durant de quelle façon ils recyclaient les idées de l’extrême droite une fois arrivés au pouvoir !

Autonome donc, notre antifascisme se veut aussi internationaliste, car c’est évidemment la meilleure réponse aux logiques nationalistes : abolition des frontières, libre circulation, solidarité internationale, rejet des logiques de guerre, telles sont les revendications indissociables de notre lutte antifasciste. L’extrême droite se développe dans chaque pays de façon différente, parce qu’elle est le produit de la société qui la voit naître : c’est par la connaissance de la diversité des situations que l’on peut mettre en perspective sa propre situation, les enjeux de l’antifascisme ici et là-bas et organiser des réseaux de solidarité antifasciste internationale.