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Un association inconnue jusqu’à très récemment, le Cercle d’Études pour la Renaissance Française (CERF), organise ce 26 mai à Tours une « université de printemps » avec toute une palette d’invités, tous issus de l’extrême droite ou de la droite extrême, que le site tourangeau d’infos alternatives La Rotative avait présentés il y a quelques jours. Intrigués, nous avons cherché à savoir qui étaient les animateurs de cette énième tentative de faire "l’union des droites", décidément très en vogue en ce moment.

"OZ ta droite", "Appel d’Angers", "Amoureux de la France", Cocarde étudiante… Les initiatives cherchant à créer des passerelles entre la droite et l’extrême droite ne manquent pas. Le Cercle d’Études pour la Renaissance Française (CERF) a le même objectif, mais s’inscrit plutôt dans la même démarche que l’Institut de formation politique (IFP) qui existe depuis 2004 ou l’ISSEP (Institut des Sciences sociales, économiques et politiques) de Marion Maréchal Le Pen, qui doit ouvrir à la rentrée à Lyon, à savoir faire l’union des droites à travers des outils de formation communs. Mais dans le cas du CERF, ce sont de tout jeunes militants qui sont à la manœuvre…

Un CERF ? Plutôt un faon

Officiellement créé en février 2018, et domicilié à Nantes, le Cercle d’Études pour la Renaissance Française se singularise donc par la jeunesse de ses membres fondateurs, qui, en septembre 2017, décident de « se réunir pour créer une association transpartisane n’ayant qu’un seul but : se former », en « mettant leur ego de côté », ce qui explique sûrement qu’ils aient préféré sur leur site ne mettre que leur prénom et une initiale.

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LA fine équipe du CERF : A. Maxime Ango - B. Clément Delprat-Lebreton - C. Melvin Tallier - D. Lucas Chancerelle - E. Louis-Marie Mauduit

Cette modestie les honore, mais nous estimons intéressant de vous révéler qui ils sont, car cela permet de mieux prendre la mesure des alliances troubles que la droite et l’extrême droite nouent actuellement, en dépit des positions officielles de leurs dirigeants… Dans un clip de présentation, le secrétaire du CERF présente ses membres fondateurs comme « d’origine politique tout à fait différente » : une petite présentation de ses cinq animateurs montre quand même un solide ancrage à la droite de la droite.

La moitié de l’équipe au Front national…

Le président du CERF est Maxime Ango-Bonnefon . Né en 1988 en Bretagne (mais ayant grandi dans les Yvelines), c’est l’aîné du groupe : ce fervent catholique se rapproche du Front national en 2005, juste à temps pour suivre la calamiteuse campagne présidentielle de Jean-Marie Le Pen menée en 2007 par sa fille Marine. Après avoir décroché son bac en 2009, celui qui se rêve dans la marine marchande fait finalement un BTS de conception de produit industriel au lycée Tristan-Corbière de Morlaix. En 2010, ce militant plutôt traditionnaliste, grand admirateur de Jean-Marie (« C’est un homme qui me fascine par son discours et son courage » déclara-t-il à Ouest France) adhère cette année-là officiellement au Front national et choisit logiquement Bruno Gollnisch contre Marine Le Pen comme futur président du FN. Malgré cela, on le retrouve nommé en octobre 2011 à la direction des « Jeunes avec Marine » qui doit remplacer le FNJ durant la campagne présidentielle qui s’annonce, et permanent salarié du parti. Il collabore également avec Yann Le Pen, la mère de Marion Maréchal-Le Pen, à la direction nationale des grandes manifestations, et a été candidat pour les cantonales de 2011, obtenant 774 voix dans le canton de Paimpol.

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Maxime Ango-Bonnefon (au centre) avec Julien Rochedy et Paul-Alexandre Martin, à l’époque des Jeunes avec Marine.

Pour mieux cerner son profil politique, on peut rappeler qu’en février 2012 à la convention des « Jeunes avec Marine », devant l’ensemble des militants du FNJ, il avait expliqué que « défendre la tradition et les valeurs, c’est jeune ! », mais il avait aussi affirmé sans complexe sa proximité avec la cause royaliste, en multipliant les allusions aux « grands rois qui ont fait la France », allant même jusqu’à citer la première strophe de « La Royale », l’hymne des militants de l’Action française [1].

C’est donc assez logiquement qu’on le retrouve directeur de campagne de Marion Maréchal-Le Pen, qui ne cache pas ses sympathies pour l’AF lors des législatives de 2012, puis son assistant parlementaire en juin 2012. On le voit à ses côtés à Carpentras, pour la commémoration de l’appel du 18 juin, lui qui, à la convention du FNJ de 2012, n’avait pas été capable de prononcer le mot « résistance » quand il faisait la liste de tous les morts « tombés pour la France » depuis mille ans, préférant parler de « tous ceux de la Seconde Guerre mondiale », sans distinction. Par la suite, on n’a plus beaucoup entendu parler de lui : le retrait (probablement momentané) de la vie politique de Marion Maréchal l’a laissé un peu orphelin, et cela explique sans doute son engagement actuel.

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Ango avec Marion Maréchal-Le Pen à Carpentras, le 18 juin 2012.

De son côté, Lucas Chancerelle , porte-parole du CERF, élevé dans une famille frontiste de Lorient, est lui aussi au FN, mais seulement depuis 2015, étant plus jeune qu’Ango de dix ans. Peintre amateur et community manager de profession, Chancerelle n’a que des responsabilités très locales au sein du parti frontiste, étant responsable de la 1ère circonscription du Morbihan depuis octobre 2017, et « attaché de presse » auparavant des candidats locaux aux élections législatives. 

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Enfin, le trésorier, Clément Delprat-Lebreton , s’il n’a pas de responsabilité connue au sein du parti de Marine Le Pen, semble assez proche du député européen FN Gilles Lebreton avec qui il partage, outre le même patronyme, un intérêt pour le droit social (il est juriste, Lebreton est prof de droit), une origine bretonne et surtout une même volonté de créer du lien entre le FN et la droite « souverainiste », puisque Gilles Lebreton, après avoir commencé au Rassemblement du peuple français (RPF) de Pasqua et Villiers, a rejoint le SIEL dès 2012 (il en est par la suite devenu le vice-président), avant de rejoindre le FN en 2014.

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Clément Delprat Lebreton sur TV Libertés, en compagnie de Martial Bild et Elise Pascal.

Pas grand-chose à mettre à l’actif de Clément Delprat-Lebreton, si ce n’est une vidéo assez ridicule où il se filme lui-même devant le Château du Tertre à Nantes, occupé par des étudiant·e·s et des militant·e·s pour accueillir, entre autres, des mineurs étrangers : tant de solidarité le révolte, et notre petit Clément, tout énervé, tenait à le faire savoir à qui voulait l’entendre.

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… et le reste à la droite de la droite

Le secrétaire général du CERF, Melvin Tallier , né en 1996 à Saumur, vient lui d’un obscur mouvement politique, « Rebâtir la France » qu’il a rejoint en 2016. Ce mouvement est dirigé par le général Didier Tauzin. Officier du 1er RPIMa au Rwanda à l’époque du génocide perpétré par les Hutus contre la population tutsie (entre 1994 et 1996), il a toujours nié, contre toute évidence, l’implication de l’armée française dans ce génocide… À la retraite depuis 2006, il est actif depuis sur le plan politique, « pour défendre la France » évidemment. On le voit ainsi dans les rangs de la « Manif pour Tous », et il annonce dès février 2013 son intention de se présenter aux élections présidentielles de 2017, malheureusement pour lui dans l’indifférence générale.

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En mars 2014, l’association France Terre d’Espérance voit le jour, avec comme objet plutôt vague de « promouvoir et soutenir, en France, une pratique politique et sociale respectueuse de l’homme » : mais la seule activité connue de cette association présidée par Benoist de la Roque, petit patron et ancien officier au ministère de la Défense, est l’organisation de plusieurs conférences du général Tauzin.

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En janvier 2015, ce dernier publie un livre, Rebâtir la France (qui sera réédité l’année suivante avec en sous-titre, « un projet présidentiel »), puis fonde dans la foulée le mouvement éponyme : en novembre 2015, France Terre d’Espérance fait évoluer son projet en se concentrant sur « l’œuvre sociale », tandis que Rebâtir la France, officiellement créé en janvier 2016, se concentre sur le projet politique. Tauzin, comme tous ceux qui, à l’extrême droite, se croient un destin particulier, est persuadé de « représenter un danger pour tout ce monde politiquement et mécaniquement correct », sans qu’on sache vraiment pourquoi : en effet, son programme est ultra-libéral sur le plan économique, conservateur sur le plan social, et hostile à l’immigration, bref, totalement dans l’air du temps. Cette opprobre qui ne vient pas sera vécu par procuration en affirmant un soutien inconditionnel à un autre général, Christian Piquemal, qui s’était associé à une manifestation de Pegida France à Calais le 6 février 2016. 

Après avoir tenté en vain de rassembler sur son nom pour l’élection présidentielles de 2017 (il se présente ensuite aux législatives en Charente, mais n’obtient que 3,6% des voix), vexé peut-être qu’il est de n’avoir pas été unanimement reconnu comme le sauveur de la France, il n’a plus fait parler de lui. C’est peut-être d’ailleurs la raison pour laquelle le jeune Melvin Tallier, qui a pompeusement été nommé « Coordinateur National du mouvement des Jeunes », a finalement préférer voler de ses propres ailes.

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Melvin Tallier avec Tepa sur Patriotes.info, qui remplace MetaTV.

Enfin, le benjamin du groupe, Louis-Marie Mauduit , originaire de Brest, étudiant en 2e année de licence de droit à la fac de droit de Vannes, où il est militant du syndicat étudiant de droite REP, est membre des Jeunes Républicains du Morbihan. C’est aussi un petit comique : lors de la 5e édition du concours d’éloquence et de plaidoiries de sa fac, il avait plaidé : « Un idiot peut-il être consacré ? » C’est peut-être bien au CERF qu’on trouvera la réponse…

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En haut, avec les jeunes Républicains pout soutenir Christine Penhouet ; en bas, avec ses amis du REP.

Mauduit est assez représentatif d’une nouvelle génération qui émerge depuis quelques temps au sein des Jeunes Républicains : de plus en plus de jeunes de la droite "classique" n’hésitent plus à afficher leur proximité avec l’extrême droite. Dernier exemple en date, Erik Tegnér, ex-président des Jeunes avec Calmels (vice-présidente des Républicains), qui a fait sensation dans la fachosphère en lançant un appel à l’union des droites dans le journal national-conservateur L’Incorrec t, à qui il n’hésite pas à déclarer : " je pense qu’il est nécessaire de dépasser cette opposition artificielle entre droite et « extrême-droite » pour construire, ensemble, un projet idéologique fort pour les Français." On ne peut pas être plus clair…

« Cerf, Cerf, ouvre-toi, ou le ridicule te tuera… »

Pour l’instant, la grande œuvre du CERF se résume à l’élaboration d’une « charte », qui se veut à même de « fédérer tous les Français », et, dans la droite ligne du « souverainisme », « qu’ils soient de gauche ou de droite », mais bon quand même plutôt de droite ! En effet, à la lecture, le texte n’est finalement qu’une liste de tous les poncifs nationalistes et réactionnaires déjà entendus. Nos cerfistes prétendent avoir mis plus d’un an à accoucher de leur texte : on espère franchement que ce n’est pas le cas. Reste à voir ce qu’il va sortir de leur "université de printemps" prévu ce week-end à Tours : car, et c’est là tout le paradoxe de cette "droite hors les murs" qui ne cessent d’appeler à "l’union" et au "rassemblement", chacun dans son coin pense avoir trouvé la formule pour rassembler, mais chaque initiative ne fait finalement que morceler un peu plus ce courant en une myriade de petits collectifs qui peinent, et c’est heureux, à se fédérer entre eux.
La Horde

Notes

[1« Nous recevons en héritage, le champ moins riche et moins grand qu’autrefois »