Une rubrique régulière sur l’extrême droite dans le Progrès social

Progres_social

LeProgrès social est un nouveau quotidien national d’opinion indépendant, animé à la fois par des journalistes et des militants associatifs et syndicaux, et dont le premier numéro est sorti il y a deux mois. Dans son supplément du week-end « Les jours heureux », on trouve une rubrique "extrême droite", dont voici la présentation parue dans l’édition du 12 mars. On souhaite longue vie au Progrès social, que vous pouvez soutenir financièrement ici, et on ne manquera pas, à l’occasion, d’en faire partager les articles.

Pourquoi une rubrique « extrême droite » dans le Progrès social ? Et puis d’abord, quand on dit « extrême droite », de quoi parle-t-on ? Est-ce seulement d’une droite qui surenchérit sur les valeurs de la droite classique ? Non, car l »extrême droite s’oppose aux valeurs de la droite qui se revendique démocrate et républicaine. L’extrême droite est-elle homogène ? Non plus.

Comme le précise l’historien Jean-Paul Gautier dans Les  extrêmes droites  en France  (Syllepse, 2009), certains parlent de révolution tandis que d’autres agissent pour la contre-révolution. Les uns se revendiquent nationalistes, d’autres s’affichent européens ou régionalistes. Des désaccords existent sur la nature du régime à instaurer (monarchie, république), sur la forme de l’état (totalitaire ou décentralisé), sur l’organisation économique, sur l’Europe, la politique étrangère, la place de la religion dans la société. A ce titre, on peut parler des « extrêmes droites ».

En Europe occidentale, après le nazisme et les fascismes historiques, comme l’indiquent Jean-Yves Camus et Nicolas Lebourg dans Les droites extrêmes en Europe (Seuil, 2015), les droites – qui postulent à l’exercice du pouvoir – n’ont cessé de « réinventer leur radicalité ».  Cette radicalité a pris différentes formes depuis 1945 : néofascisme durant la décennie qui suivra la seconde Guerre mondiale ; vague antifiscale des années 1950-1970 ; national-populisme de la fin du XXe siècle ou néo-populisme – produit du 11 septembre 2001 – comme appropriation identitaire du « choc des civilisations » néo-conservateur.

LH poison2

Aujourd’hui, selon le politiste Cas Mudde, repris par J.-Y. Camus et N. Lebourg, l’extrême droite combine « le nationalisme (étatique ou ethnique) ; l’exclusivisme (dont le racisme, l’ethnocentrisme, ou l’ethnodifférentialisme) ; la xénophobie ; des traits antidémocratiques (culte du chef ; élitisme ; monisme ; vision organique de l’état) ; le populisme ; l’esprit anti-partis ; la défense de « la loi et l’ordre » ; le souci de l’écologie ; une éthique de valeurs qui insiste sur la perte des valeurs traditionnelles (famille, communauté, religion) et un projet socio-économique mêlant corporatisme, contrôle étatique sur certains secteurs et croyances fortes dans le jeu naturel du marché. » Les partis d’Europe occidentale qui ont connus des succès électoraux dans les trente dernières années rentrent, pour la plupart d’entre eux, dans cette « classification ». Front national compris. En Europe centrale et orientale, les extrêmes droites s’inscrivent dans la continuité des fascismes historiques.

Traiter des extrêmes droites dans les colonnes du Progrès social , ce sera déjà décrypter tout cela. Ce sera également (car il est impossible d’en faire l’économie) traiter des offensives croisées des fondamentalismes religieux qui prônent un monde théocratique, autoritaires, hiérarchisé – proche de l’extrême droite – ; distinguent les amis et les ennemis et mettent l’accent sur l’appartenance de l’individu à la communauté au détriment des concepts de citoyenneté, des droits individuels et de l’universalisme.

Enfin, il s’agira au travers de cette rubrique, à l’instar de Gaël Brustier dans La guerre culturelle aura bien lieu…  (Mille et une nuits, 2013), « d’éclairer le lecteur sur une hégémonie culturelle constituée en lui montrant comment le débat public s’est reconfiguré depuis les années 1970 et comment l’idéologie de la crise, l’occidentalisme, a fait son lit dans nos sociétés » .

Cette chronique contribuera-telle, face aux idées des extrêmes droites, de penser un autre avenir ? Permettra-t-elle de sortir des peurs, des pièges identitaires et des « paniques morales » dont la période est porteuse ? C’est, en tout cas, son ambition.
André Déchot