TV Libertés : petit business entre amis

TVLibertés_Bouledogue

On avait déjà parlé de TV Libertés, ce projet de télévision "professionnelle" lancée par des militants du milieu identitaire ou issus de la Nouvelle Droite, projet qui devait être le fer de lance d’une reconquête du champ médiatique par l’extrême droite. Mais la création d’une discrète société parallèle, Bouledogue Médias, semble laisser penser que c’est aussi une histoire de gros sous, au dépens des pigeons du milieu nation régulièrement sollicités pour soutenir cette webTV…

TV Libertés se présente comme une association de nationalistes développant leur propre télévision en ligne à partir des dons réalisés par leurs supporters. « L’indépendance a un coût  », « Chaque émission a un coût de 2000 euros » ne cessent de marteler le jingle de lancement des vidéos diffusés. Chaque internaute est ainsi invité à cotiser en ligne à l’Association de Soutien au Nouvel Audiovisuel, association qui aurait pour tâche d’être le soutien financier de l’Association TV Libertés, une organisation basée au 15 bis rue Danton au Kremlin Bicêtre et dirigée par Philippe Milliau .

Locaux TV LIbertés
TV Libertés et Bouledogue médias partagent la même adresse, au 15bis rue Danton, au Kremlin-Bicêtre (94).

Mais peut être que les dons bénévoles et les vocations militantes ne sont en réalité qu’un paravent commode pour des affaires plus juteuses… Depuis décembre 2015, on peut en effet trouver logée à la même adresse et dirigée par le même Philippe Milliau une Société par Actions Simplifiée nommée « Bouledogue Médias  » au capital de 200 000 euros. La création de cette société de presse qui a pour objet officiel la production de films, d’écrits, et la réalisation d’opérations de « marketing direct » et de « levage de fonds » nous en dit plus tout à la fois sur les ambitions politiques des fondateurs de TV Libertés et sur leurs ambitions pécuniaires. Bouledogue Médias unifie dans son actionnariat plusieurs personnalités de la fachosphère et les lie à des représentants des milieux d’affaires réactionnaires.
Une société pilotée par une association ?

CourrierTVL
Comme le montre ce courrier, TV Libertés a recours à toutes les techniques marketing possibles pour faire sortir le porte-monnaie de ses téléspectateurs…

Pour mener à bien le projet de créer une Agence de presse et de levée de fonds d’extrême droite, Philippe Milliau a mis au point un montage assez hétérodoxe. Au moment du dépôt des statuts, l’association TV Libertés était le seul actionnaire effectif de la Société Bouledogue Médias. Selon les statuts de cette dernière, d’autres actionnaires doivent alimenter le capital de l’entreprise dans les prochains mois. Mais quoi qu’il en soit, l’association TV Libertés restera l’actionnaire principal avec 34 000 euros de parts.

Résumons pour ceux qui sont perdus dans ce jeu de poupées gigognes : l’association TV Libertés dirigée par Philippe Milliau est l’actionnaire principal de la société Bouledogue Médias, société dirigée par le même Philippe Milliau. Il est légal en France qu’une association prenne des parts dans une Société par Actions Simplifiée ; mais il n’est en revanche pas certain que le fisc juge le montage très correct, car le gérant et le président de la société sont ici une seule et même personne.

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De gauche à droite : Philippe Millau, Moureu et Posokhow.

Pour parer à cet éventuel problème légal, Philippe Milliau semble avoir pris les devants. Il a associé au montage financier un avocat renommé, Patrick Moureu, spécialisé en droit des affaires et qui défend déjà des laboratoires pharmaceutiques et des entreprises du BTP. Il s’est également adjoint les services d’ André Posokhow , ancien commissaire aux comptes retraités et aujourd’hui soi-disant consultant « en immigration » du site Polémia.

Pour ceux qui se laisseraient berner par les sirènes du « ni de droite, ni de gauche » ou de « la dissidence », le reste de l’actionnariat de Bouledogue Médias lève tout doute sur l’ancrage fasciste de la nébuleuse TV Libertés, une télévision sur laquelle œuvre déjà régulièrement Jean-Yves Le Gallou, Alain de Benoist et Gilbert Collard, mais qui à travers Bouledogue Médias s’allie à différentes franges de la nébuleuse fasciste.
Les bons comptes font les bons amis
Parmi les actionnaires de Bouledogue Médias, on trouve beaucoup de vieux brisquards de l’extrême droite, en particulier des « historiques » du Front, dont une bonne partie a suivi Bruno Mégret lors de la scission à la fin des années 1990.

Michel Bayvet+Martial Bild_26 janvier 2009_Marche pour la Vie
MIchel Bayvet (entouré, à gauche) et Martlal Bild (entouré à droite) lors de la marche anti-IVG du 26 janvier 2009.

Parmi eux, on trouve par exemple Michel Bayve t : adhérent depuis la création du parti en 1972, il en a été membre du bureau politique, et conseiller régional en Ile-de-France tout au long des années 1990. Il est également le président du Front Anti-Chômage (FAC) créé en 1987 pour mettre en relation employeurs et militants ou sympathisants FN au chômage. Ce militant de la première heure, flamme d’honneur du FN, a quitté le Front en 2009 pour protester contre le soi-disant tournant libéral pris par Marine Le Pen à la direction du FN. Président d’honneur de la Ligue pour la Vie et un temps trésorier de l’AGRIF (remplacé depuis par Myriam Baeckeroot), il est aussi très proche des catholiques intégristes et des anti-IVG : on avait entendu parlé de lui en avril 2014 lorsqu’il s’était fait expulsé de la place Vendôme aux côté des « sentinelles » opposées au mariage pour tous. C’est aussi ainsi sans surprise qu’on le retrouve dans les manifs anti-IVG aux côtés de Martial Bild , un des fondateurs de TV Libertés.

Gilles Neret Minet
Gilles Neret Minet

Gilles Neret Minet , lui aussi, est un militant de longue date : membre du comité central en 1974 (comme son épouse Catherine quelques années plus tard), ce proche de Jean-Marie Le Pen fut également sur la liste pour les élections européennes de 1984. C’était surtout une figure du Front National à Neuilly, où il se présenta sous l’étiquette FN dès 1978 et fut conseiller municipal. Entre deux ventes d’objets de la marine, ce commissaire priseur a investi 15 000 euros dans l’aventure.
Du FN au MNR
On retrouve également parmi les actionnaires des « félons », ces militants FN qui avaient suivi Bruno Mégret lors de la scission du parti en 1999. Ainsi, parmi les actionnaires, Jean Luciani fut conseiller régional FN d’Ile-de-France de 1992 à 1998, avant de passer au Mouvement National Républicain (MNR) de Mégret où il fut responsable de la commission de conciliation et de discipline. Cet ancien colonel du 1er REP d’Indochine est très actif dans les réseaux militaires nostalgiques de la période coloniale.

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On retrouve également dans l’actionnariat de Bouledogue Médias Gilles Barial  : candidat FN aux législatives 1997 en Seine-Saint-Denis, conseiller municipal de Romainville, il fut en 2002 candidat MNR aux législatives en Seine-Saint-Denis. Surtout, il est actionnaire de la SCI Marignane, qui est propriétaire de l’immeuble du 15 rue de Cronstadt dans le XVe arrondissement de Paris, où est toujours domicilié le MNR. Se définissant comme un « national communautaire », il a été baptisé « l’Extrémiste » par le très modéré Parisien en 2007, en raison notamment de son opposition aux rénovations urbaines à Romainville. Pour l’anecdote, signalons qu’il a passé une petite annonce dans Rivarol pour la vente de son propre appartement justement à Romainville : des travaux étaient sûrement à prévoir ! Pour en revenir à Bouledogue Médias, Barial siège en tant qu’administrateur de la société aux côtés d’ Olivier Morize , qui a sympathiquement mis 10 000 euros au pot commun.

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FAL, MJR… Ça nous rajeunit pas, tout ça !

Cet Olivier  Morize n’est pas non plus un inconnu : militant à la charnière des années 1960-1970 du Front d’Action lycéen et du Mouvement Jeune Révolution (MJR), groupuscule solidariste fondé par des anciens de l’OAS, il a ensuite été candidat FN en 1985 à St Thégonnec (29) puis conseiller régional FN de Bretagne de 1992 à 1998, avant de passer lui aussi au MNR.
Des identitaires et des activistes anti-hallal
D’autres noms appartiennent à une frange plus radicale de l’extrême droite, ou évoluent dans des cercles plus confidentiels. Ainsi, Véronique Monvoisin , fondatrice de la SARL qui édite la Nouvelle Revue d’Histoire créée et dirigée par Dominique Venner (jusqu’à son suicide dans Notre-Dame il y a trois ans), est très proche de Terre & Peuple, ce qui est également le cas de Jean-Claude Carrega , cofondateur de l’association Domus qui gère la Domus Europa, une propriété située à Ventabren (Bouches-du-Rhône) dans laquelle se déroulent de nombreuses activités de Terre & Peuple, mais aussi du GRECE ou d’Europe Jeunesse (une structure scout qui accueille de nombreux enfants de militants nationalistes).

Georges Gourdin
Georges Gourdin

TV Libertés se lie aussi les services d’un membre renommé du bureau directeur du Bloc Identitaire en la personne de Georges Gourdin . Cet identitaire historique qui se définit avant tout comme « un français de souche » a déjà été inspirateur de plusieurs sites web d’extrême droite dont Nice Provence Infos. Plusieurs actionnaires sont ainsi censés apporter leur expertise en matière de diffusion et de propagande. C’est également le cas de Diane Sophie Stève qui dirige une société de drones baptisée Twintech et spécialisée dans la capture vidéo aérienne. De quoi nous assurer de belles prises de vue en survol du Puy de Fou. Sans doute sa sœur jumelle, Lise-Mare Steve , par ailleurs musicienne, pourra égayer ces vidéos avec quelque musique médiévale.

Alain de Peretti Della Rocca
En haut à gauche : Alain de Peretti, lui aussi, aime bien faire cracher au bassinet, et la demande de don est l’un des activités principales de Vigilance Halal. En haut à droite, avec Renaud Camus, le théoricien du "grand remplacement". En bas : petit renvoi d’ascenseur, avec une grosse pub pour TV libertés dans la propagande de Vigilance Halal.

Cet attelage aura de quoi satisfaire cet amateur du terroir que reste Alain de Peretti Della Rocca . Le président de l’association Vigilance Hallal et de l’association Traditions Terroirs Ruralité est également actionnaire de la structure. Il y a investi 6000 euros, là aussi à travers un montage juridique qui ne cessera de fasciner puisque c’est son laboratoire privé proposant des médicaments phyto permettant de traiter les animaux qui apportent des parts à la société Bouledogue Médias. De quoi se demander ce que cette société de presse à finalité nationaliste pourra bien apporter à nos amis chiens, chats, chevaux à moins que le public visé ne soit – encore et toujours - surtout les rats.
La Horde