Depuis quelques semaines, la Division Nationaliste Révolutionnaire (DNR) fait parler d’elle à Tulle en Corrèze, ce soit-disant groupuscule souhaitant ouvrir un local dans cette ville pour le mois de mars. Alors que des groupes d’extrême droite se sont donnés le mot pour ouvrir un peu partout dans l’Hexagone des locaux, comme les « Bastions Sociaux » de Lyon, Strasbourg, Chambéry ou Aix en Provence, ou l’Alvarium à Angers, cette nouvelle initiative ne verra finalement pas le jour, du moins dans l’immédiat. Mais elle nous donne l’occasion d’une part de faire le point sur la réalité de cette DNR inconnue jusqu’à présent, et d’autre part de distinguer et mettre en perspective ces ouvertures de lieux nationalistes.

Qu’est-ce que la DNR ? Autant qu’on en sache, pas grand-chose. Le peu de choses que l’on sait de la Division Nationaliste Révolutionnaire de Tulle, c’est qu’elle est principalement animée par une personne, Romain Bellonie , rejoint il y a peu par l’ancien secrétaire départemental du Front National de la Jeunesse de Corréze Sébastien Dudognon , qui a donné à la DNR un peu de visibilité.

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La DNR au grand complet…

En février 2017, une page Facebook intitulée « Division Nationaliste Révolutionnaire » est ouverte (à noter que les DNR ne sont pas, comme on a pu le lire parfois, un reboot des Jeunesses Nationalistes Révolutionnaires de Serge Ayoub, dissoute en juillet 2013 après le meurtre de Clément Méric). Dès son lancement, du matériel (t-shirts et affiches) était proposé à la vente par Romain Bellonie, aisément reconnaissable sur les photos qui présentaient ses produits. Dans le même temps, à Tulle, des tags et des affiches DNR ont commencé à apparaître sur les murs, mais sans que la DNR ne produise aucun texte présentant sa raison d’être, en dehors du slogan « défends ta terre, rejoins-nous ».

dnr à tulle

D’autres ont voulu suivre son exemple, et une éphémère DNR à Strasbourg a vu le jour en août 2017, animée par une bande de skinheads d’extrême droite qui voulait se donner une identité politique à moindre frais, mais tout cela n’a pas été très loin.

dnr alsace

Romain Bellonie : DNR ou MDR ?

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Le leader de la DNR de Tulle a un parcours qui en dit long sur la faible maturité politique du groupuscule. Ainsi, en 2012, Romain Bellonie est signataire d’une pétition « Vive le PCF 2012 » lors du 36ème congrès du Parti Communiste : en commentaire, il précisait qu’il avait eu du mal à créer la Jeunesse Communiste en Corrèze…

commentaire bellonie petition pcf 2012

Ses aptitudes au combat et son physique massif lui permettent ensuite de démarrer une petite carrière de cascadeur : on le retrouve ainsi dans la série TV No Limits (2013), des longs-métrages comme Le Transporteur - héritage (en 2015) ou Raid Dingue (2016), et dans des vidéos faites maison où il joue la star dans des scènes de combat simulé avec ses frères Alexandre et Michael. Avec eux, il donne également tout près de Tulle des cours de pancrace dans une petite association, Fight Club 19, dont il est le président.

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En 2015, Bellonie veut faire comme les grands et monter un groupe nationaliste. Si on en croit ses premiers essais de logos, les DNR auraient pu tout aussi bien s’appeler "Mafia spartiate", mais bon peut-être lui-même s’est-il rendu compte que ça ne voulait vraiment rien dire…

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Tout ça pour dire qu’on pourrait, si on s’en tient à Bellonie, considérer que les DNR, c’est quand même pas très sérieux, et que si le groupe peut potentiellement représenter un danger physique du fait du gabarit de ses trois ou quatre membres, difficile de le considérer comme une structure politique. Ça ressemble davantage à un délire de potes certainement racistes et fachos, mais pas ou peu organisés, et qui se destinaient certainement à rester inconnus. Mais avec la présence de Dudognon dans l’histoire, les choses prennent une dimension un peu différente…

Sébastien Dudognon, du FN à la DNR

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L’ancien secrétaire du FNJ de Corrèze, convaincu par la DNR, a donc rejoint le groupe mi-janvier, et c’est lui qui l’a fait sortir de son ultra-confidentialité. Trouvant sans doute le FN un peu trop institutionnalisé à son goût, il décide d’exprimer ainsi ses idées comme il l’entend, comme le montre son compte Twitter qui est plutôt, comment dire, décomplexé…

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Dudognon, fort de son expérience acquise au sein du FN, peut apporter à la DNR les deux choses qui lui manquent le plus cruellement : un réseau de connaissances et un embryon de discours politique. Mais dans une ville comme Tulle, on se demande comment trois personnes pourraient tenir un local et surtout pour y attirer quelle clientèle. Peut-être le groupuscule a-t-il cédé à l’effet de mode, différents groupes d’extrême droite ayant annoncé ouvrir des locaux, tout en espérant ainsi gagner une certaine visibilité et réussir à attirer de futurs militants. S’il n’est plus question aujourd’hui d’ouvrir un lieu sur la place Clément-Simon de Tulle à la place d’une ancienne crémerie, ce n’est peut-être que partie remise.

Centres sociaux fafs : info ou intox ?

Attention cependant à ne pas se faire piéger par les effets d’annonce. Récemment, Résistance Helvétique à Genève annonçait l’ouverture d’un local, entrainant un emballement médiatique, d’autant que le mouvement de David Rouiller avait pris soin de diffuser un faux appel antifasciste pour contrer cette ouverture.

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La grosse intox de résistance helvétique.

Finalement, on apprend qu’il n’a jamais été question d’ouvrir un local, que la salle était louée pour une journée : de l’aveu même de Rouiller, il s’agissait juste de s’assurer un bon coup de com’.

Le "Bastion social" de Lyon et ses clones à Strasbourg, Chambéry et Aix, méritent toute notre attention et une mobilisation contre leur ouverture (comme à Lyon le 3 mars prochain). Il importe certes de ne laisser à l’extrême droite aucun espace où s’implanter, mais il faut garder en tête que ces initiatives, quand bien même elles se concrétiseraient, sont pour l’instant bien loin d’être de véritables centres sociaux. Si l’extrême droite française a toujours su ouvrir des petits commerces (bars, magasins de vêtements, salon de tatouage…), l’ouverture de lieux "gratuits", squats ou centres sociaux, reste une pratique bien éloignée de leur culture, à l’inverse de ce qu’on peut observer à l’étranger, en particulier en Italie.

N’est pas CasaPound qui veut !
La Horde