straight edge et antifascisme

À l’occasion de l’ajout d’un nouveau sticker à notre catalogue (à ce propos, les modèles "marmotte" sont à nouveau disponibles !), nous en profitons pour rappeler quelques éléments indispensables pour comprendre ce que le straight edge peut apporter à l’antifascisme, et inversement.

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Qu’est-ce que le « straight edge  »  ?

On définit généralement le straight edge comme le fait de refuser la consommation de l’ensemble des drogues et les rapports sexuels sans relations stable. En réalité, c’est un peu plus subtil que cela : le straight edge est une mouvance apparue au sein de la scène punk américaine au début des années 1980 alors que celle-ci est en pleine ébullition. Au même moment où on observe une radicalisation dans la démarche artistique (qui donnera naissance au genre punk-hardcore), on trouve aussi une tendance à faire évoluer les paroles et le messages des chansons. On attribue généralement la paternité du terme à Ian MacKaye à cause de deux chansons de son groupe Minor Threat sorties en 1981  : « Straight Edge  » et « Out Of Step  ».

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Cette dernière contient les paroles suivantes « don’t smoke, don’t drink, don’t fuck, at least I can fucking think  !  » Celles-ci résonnent comme un appel à remettre en cause certains comportements largement admis au sein de la scène punk à l’époque. Ian a eu, depuis, de nombreuses occasions de préciser que son message a toujours été un appel à l’émancipation et en aucun cas un postulat conservateur. Dans la version de 1983, il y ajoute même «  This is not a set of rules  », comme une réponse à ceux qui le prennent pour un moraliste. On peut également préciser que Ian a grandi dans un environnement militant  : ses parents étaient très investis dans une église de Washington DC qu’il qualifie « d’extrême gauche  » et ils furent impliqués dans de nombreuses luttes sociales durant les années 1960. Ian insistera plus tard sur le fait que cette période de sa vie a influencé en grande partie l’écriture des chansons de Minor Threat. Dès le départ, le straight edge est donc anti-authoritaire.

De « moi  » à « nous  », l’émergence d’une conscience sociale

Si le straight edge peut sembler, au départ, une démarche plutôt individualiste (une sorte d’hygiène de vie), il évoluera en quelques années vers un mouvement porté sur la transformation sociale. Et cela se remarque avec les thèmes abordés par les groupes de l’époque. On peut citer à titre d’exemple DYS et sa chanson « Circle Storm  » en 1982 (sur l’anti-racisme) ou SSD avec « Police Beat  » en 1983 (sur les violences policières). En 1989, le groupe Brotherhood sort un disque intitulé « No Tolerance For Ignorance  ». Le moins que l’on puisse dire, c’est que le titre et la pochette sont sans compromis.

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Les années 1990 connaissent de nombreuses évolutions au sein des milieux straight edge. Certaines furent positives, comme le développement à l’international des groupes se revendiquant comme tel ou la rencontre du straight edge avec l’écologie radicale (lié notamment au succès du groupe de metalcore Earth Crisis). D’autres, en revanche, furent clairement le signe d’une dérive, comme par exemple les propos anti-immigration de One Life Crew en 1996. Pour le meilleur, et parfois pour le pire, ces initiatives contribuèrent à faire vivre l’expression straight edge, à lui donner du sens et a en faire plus qu’une simple mode éphémère.

Les fachos s’invitent dans le tableau

Si l’extrême droite a longtemps eu peu d’intérêt pour le straight edge , voir l’a méprisé, ce n’est plus le cas depuis quelques années. En effet, on a vu apparaître quelques groupes de musique mais également des groupes militants tentant de proposer leur vision du straight edge . Autant dire que cette tentative de récupérer un élément de la contre culture n’a plus rien à voir avec l’approche anti-autoritaire des débuts. En fait, elle s’apparente davantage à un projet pour créer une sorte de "surhomme" entièrement focalisé sur la défense de l’occident blanc. On pense par exemple au collectif russe néo-nazi PPDM dont on vous à déjà parlé ici. Les relais en France de ce type de doctrine sont assurés en partie par la page Ouest Casual sur Facebook.

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Les auteurs y font une analyse très particulière du mouvement straight edge  : « On pourrait penser qu’à l’heure actuelle le mouvement s’essouffle, dilué dans des revendications vegan, écologistes et libérales, mais ce dernier renaît dans les milieux casuals et hooligans européens, à l’Ouest comme à l’Est, en révolte contre le monde moderne.  » Les supporters de foot d’extrême droite représenteraient donc l’avenir du straight edge  ? Ça a vraiment de quoi faire sourire quand on considère sérieusement le peu de personnes que cette catégorie peut représenter.

Ce que le straight edge peut apporter à l’antifascisme

Même si on n’y adhère pas, connaître l’histoire du mouvement straight edge c’est donc avant tout empêcher que les fascistes s’approprient ce terme et les symboles qui lui sont associés (comme la lettre X par exemple). Mais en poussant la réflexion un peu plus loin, on peut aussi voir le straight edge comme une réponse à un certain nombre d’initiatives de la part de l’extrême-droite française.

Car depuis quelques années, les nationalistes ont tendance à ouvrir des lieux qui sont souvent présentés comme des bars et où la consommation d’alcool est la norme. Ainsi, proposer un autre style de vie, c’est déjà proposer une alternative à ce type de lieu. C’est cette double dynamique qui inspire les collectifs de straight edge antifascistes dans différents pays. Près de chez nous, on pense par exemple à Berlin, Bruxelles, ou encore Barcelone.

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La scène musicale punk-hardcore, quand à elle, est bien vivante, si on en croit l’intérêt toujours plus grand que suscite un évènement comme le Fluff Fest en République Tchèque. Chaque année, de nombreux groupes straight edge s’y produisent et l’aspect politique, même si il est au second plan, est toujours présent. Les campagnes de solidarité en faveur de Joel et Linus, deux antifascistes straight edge ayant subi des peines de prison en Suède sont également la preuve d’un réseau bien vivant, même si il est certes minoritaire, au sein de la gauche radicale. C’est donc tout autant de raisons supplémentaires de s’intéresser au straight edge .

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Pour ceux qui souhaiteraient approfondir ces réflexions, nous vous recommandons l’ouvrage Sober Living For The Revolution de Gabriel Kuhn. Vous pouvez également voir ou revoir l’interview que nous avons faite de Cobe Edge, où il est notamment question du straight edge .

De Los Angeles à Moscou, notre edge est antifasciste  !
La Horde