Hervé Lalin, dit Ryssen, est un de ces obsédés du « complot juif » comme on en trouve beaucoup sur internet, et singulièrement à l’extrême droite, mais qui s’assume totalement, ce qui est plus rare, puisqu’il n’hésite pas à se proclamer dans une vidéo « raciste et antisémite ». Comme nous le rappelle le site antifasciste REFLEXes, cet ancien militant du FN, responsable du groupuscule nationaliste-révolutionnaire Unité Radicale en Ile-de-France au début des années 2000, s’est fait connaitre par l’organisation de l’agression du père Berger à la Basilique Saint-Denis le 15 septembre 2003, en raison de son soutien aux sans-papiers. Mais c’est ensuite sous son nom de plume Hervé Ryssen qu’on le retrouve, publiant divers ouvrages tous plus antisémites les uns que les autres, dans lesquels il prétend analyser le « discours mondialiste juif » en faisant la part belle à la psychologie de bazar. Régulièrement invité à s’exprimer dans l’hebdomadaire pétainiste Rivarol , le bonhomme s’est rapproché assez logiquement de l’Œuvre française (on rappelle qu’elle a été dissoute depuis, mais qu’elle existe toujours sous différentes appellations).

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Photo souvenir de la manif en l’honneur de Jeanne d’Arc, le 11 mai 2014 : de gauche à droite, Vincent Vauclin de la Dissidence française, Yvan Benedetti (ex-Œuvre française), Hervé Ryssen.

Or il se trouve que Ryssen devait tenir une conférence sur « la liberté d’expression » ce vendredi 10 octobre à Paris, au Crabe-tambour, un local géré par Logan Djian , dit « Duce ». Finalement, la conférence a été annulée. La raison ? une sombre histoire de sous, 700 euros qui auraient été prêtés par Lalin à Djian, qui aurait pris ça pour un don, ainsi que du matériel mis à disposition qui aurait été lui aussi considéré comme un cadeau.

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Logan "Duce" Djian

Au-delà de l’anecdote, qui en dit long sur la bonne ambiance qui règne dans le milieu de l’extrême droite radicale (ces embrouilles existent bien entendu dans tous les milieux), c’est la propension de Ryssen à balancer ses petits camarades à la moindre anicroche qui rend les choses intéressantes. En effet, Ryssen s’est souvent pris la tête avec des militants nationalistes, et à chaque fois il a réglé ses comptes sur la place publique en déballant tout ce qu’il a pu accumuler comme informations sur eux tout au long de ses années de militantisme dans ce milieu. On ne compte plus les libraires, les éditeurs qu’il a dénoncés dans des chroniques rageuses. Ce qui est cocasse, c’est de voir que son attitude est à géométrie variable selon à qui il s’en prend…

On a (le plus souvent) Ryssen-le-pleurnichard. Ainsi, après s’être pris des coups en 2005 de la part de William Bonnefoy (chacun accusant l’autre de l’avoir traité de « juif ») dans la librairie d’extrême droite parisienne la Licorne bleue, il avait publié 6 ans plus tard un long portrait (15 pages, quand même) sur ce nationaliste, dirigeant du GUD dans les années 1990 et responsable des éditions de l’Homme libre. Après avoir fait la liste avec une certaine complaisance de ses blessures, Ryssen y compilait toutes les rumeurs concernant Bonnefoy (il est vrai que le garçon est plutôt d’un caractère violent, et qu’il lui est arrivé plus d’une fois de faire le coups de poing contre ses « kamarades »), en rappelant que le gaillard lui aussi se serait fait corriger, entre autres par Serge Ayoub et Frédéric Châtillon, présentés pour l’occasion comme de véritables justiciers.

Mais parfois, c’est Ryssen-le-fanfaron. Car quand l’ennemi a presque deux fois son âge et deux têtes de moins, notre héros se sent pousser des muscles. Bernard Antony , 70 ans, président de Chrétienté-solidarité et longtemps représentant des catholiques intégristes au sein du FN (jusqu’à son départ du Bureau national en 2003), avait en 2011 annoncé son départ du Parti de la France, entre autres en raison du rapprochement du PDF avec des groupuscules et des personnalités antisémites. Pour se justifier, Antony avait pris l’exemple d’un article de Ryssen dans Rivarol le jugeant en ces termes : « je ne trouve qu’un mot, abjection, pour qualifier [cet] article » dans lequel Ryssen déclarait à propos de la période 1940-1945 : « Ce fut une époque bénie. On n’avait pas ri comme ça en France depuis bien longtemps. sur les Juifs, les Noirs et les Arabes, on s’en donnait à cœur joie. tout le monde laissait libre cours à son imagination : on se moquait de leurs travers, de leurs physiques ingrats : on faisait de bons mots sur leurs mœurs douteuses ».

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Le sang de Ryssen n’a fait qu’un tour, et il s’est fendu une fois de plus d’un (long) dossier pour présenter Antony comme un philosémite, ce qui est à ses yeux l’insulte suprême, tout en faisant de nombreux commentaires désobligeants sur sa petite taille, et en concluant par ces mots : « Peut-être pourrions-nous [Ryssen parle toujours de lui à la 1ère personne du pluriel…] simplement suspendre ce paltoquet par les pieds une minute ou deux à bout de bras ». Tantôt fier-à-bras, tantôt victime, Ryssen est surtout imbu de lui-même, et c’est certainement là la première raison de ces embrouilles à répétition.

Dans « l’affaire » Logan Djian, Ryssen a fait comme d’habitude : tout raconter sur son blog. Après avoir livré les sordides détails de leurs histoires de sous, on retrouve Ryssen-le-Pleurnichard évoquant des menaces téléphoniques, mais tout en se la jouant grand seigneur, disant d’abord qu’il ne portera pas plainte, puis qu’il va « y réfléchir » ; puis Ryssen-la-balance, raillant la tentative puis l’échec de Vir Touta, le groupe nationaliste de Djian sur Paris. Suit alors un passage qui a aussitôt attiré notre attention :

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Le texte de Ryssen a été relayé par plusieurs sites d’extrême droite, dont celui de Lorraine nationaliste, proche de la clique de Benedetti. On y voit (au centre) l’extrait en question. Mais depuis, la page est introuvable (en bas)…

« [Logan] s’est donc finalement trouvé un mentor en la personne d’Axel Loustau, le patron de la société Vendôme Sécurité, pour laquelle il travaille en tant que simple agent de sécurité. C’est Axel Loustau qui avait mis sur la table la plus grosse enveloppe lors de la création du local. Et c’est sans doute Axel Loustau qui doit payer le loyer (1200 € par mois), vu que le chiffre d’affaires hebdomadaire ne doit pas excéder les 150 €. »

Et, un peu plus loin :

« Et l’on ne parlera pas ici de ces petits arrangements avec son patron Axel Loustau, qui serait bien inspiré de prendre ses distances avec cet épais crétin du Caucase. »

En effet, nous avions relayé au mois de juin dernier une enquête de REFLEXes, « Loustau, le vigile de Marine Le Pen », montrant les liens de ce proche de la présidente du FN avec l’extrême droite radicale, qui démontrait que la stratégie de normalisation du FN ne devait pas entraver le business des copains. Or, quelques jours plus tard, ces informations sur les liens entre Djian et Loustau sont remplacées par une phrase plus laconique :

" Il s’est donc finalement trouvé un mentor proche du Front national pour qui il travaillait en tant qu’agent de Sécurité."

Alex Loustau ? Ryssen l’a subitement « oublié »… C’est qu’avec des petites frappes comme Bonnefoy ou Djian, Ryssen peut tout se permettre, sans prendre trop de risques. Mais on ne met pas en cause impunément le clan Loustau-Châtillon : non seulement ces deux personnages sont coutumiers des agressions physiques, mais ils disposent d’un réseau et d’appuis à même de faire taire Ryssen, qui sait visiblement donner des limites à cette chère « liberté d’expression » qu’il entendait pourtant défendre envers et contre tous vendredi dernier !
La Horde