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Selon ses fondateurs, le Rassemblement Bleu Marine (RBM) avait pour but d’élargir le Front national en vue des élections législatives de 2012, en proposant aux "patriotes" de diverses sensibilités une structure leur permettant d’apporter leur soutien au FN sans pour autant y adhérer. Le choix du très médiatique Gilbert Collard comme secrétaire général va faire le buzz autour du mouvement, buzz entretenu lorsque Collard est élu député et que d’anciens cadres de la mouvance souverainiste, issus des rangs de la droite ou de la gauche institutionnelle, rejoignent le RBM. A la manœuvre, on trouve Paul-Marie Coûteaux, un énarque qui depuis une dizaine d’années tente, dans l’orbite du FN, d’unifier les différents courants souverainistes dans la perspective d’un grand gouvernement d’union nationale avec le parti de Marine Le Pen.

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De gauche à droite : Phillippe Seguin, Philippe de Villiers, Charles Pasqua

Tout au long de sa carrière de haut fonctionnaire, Coûteaux a côtoyé toutes les composantes de l’arc républicain et souverainiste. Il a été conseiller de divers cabinets ministériels dont celui de Jean-Pierre Chevènement au ministère de la défense de 1988 à 1991 (sous un gouvernement PS) et de Philippe Seguin (RPR, gaulliste) à l’Assemblée nationale de 1993 à 1996. Il rejoint ensuite Charles Pasqua, ancien ministre de l’Intérieur réputé pour ses discours et méthodes musclées, lors de sa scission avec le RPR : c’est ainsi qu’il a été élu député européen sur la liste conduite en 1999 par Pasqua et le souverainiste Philippe De Villiers, "Rassemblement pour la France et l’Indépendance de l’Europe" (arrivée en deuxième position avec plus de 13% des voix).

Il finit pourtant par quitter le Rassemblement pour la France (tandis que Philippe de Villiers fait de même pour créer le Mouvement pour la France, MPF) et crée l’Entente souverainiste en 2001, qui devient en 2003 le Rassemblement pour l’Indépendance de la France (RIF). Le RIF est un mouvement qui fonctionne en réseaux, et dont le but est en réunir les souverainistes des deux bords, des gaullistes aux chevènementistes, en passant par les villiéristes et même les royalistes. À plus long terme, l’idée est déjà de faire du FN l’outil de rassemblement de tous ces courants, comme le FN avait pu l’être pour l’extrême droite dans les années 1980 et 1990.

Un FN rassembleur ?

Le rapprochement avec le FN a été amorcé en 2002 à l’occasion des élections présidentielles. Alors député européen, Coûteaux avait lancé un appel aux maires pour leur demander d’accorder leur parrainage à des candidats minoritaires, dont Jean-Marie Le Pen, afin de les aider à obtenir les 500 signatures nécessaires pour se présenter. Pendant l’entre-deux-tours (on se rappelle que Le Pen et Chirac sont alors face à face), Coûteaux a pris contact avec Louis Alliot afin de soutenir Le Pen qu’il avait par ailleurs rencontré Bruxelles. Cependant, bien qu’ayant déclaré voter pour le candidat FN, il n’avait pas appeler les souverainistes à faire de même.

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C’était le bon temps…

En 2010, il tente de se faire rencontrer à deux reprises Marine Le Pen, nouvellement présidente du FN, et Nicolas Dupont-Aignan, président de Debout la République (DLR), qui annule à chaque fois. En mars 2011, le RIF appelle à une alliance avec le FN, DLR et le MPF : l’échec partiel de ces négociations ont amené Paul-Marie Coûteaux à rejoindre Marine Le Pen, qui le récompense en le nommant co-porte parole lors d’une conférence de presse, en octobre 2011, lors de laquelle est présentée l’équipe de campagne pour les présidentielles de 2012. La même année, c’est aussi par son entremise que Florian Philippot (qu’il avait déjà présenté à Marine le Pen en 2009) devient le directeur stratégique de la campagne du FN...

Marine l’ingrate

Mais ce travail de mise en relation n’est pas récompensé, et Marine Le Pen, à la place de Coûteaux, qui fournit l’essentiel des troupes RBM pour les législatives et les municipales, choisit un autre souverainisite, Daniel Fédou, ancien membre du parti de Charles Pasqua, pour prendre la tête de « l’opération rassembler » destinée à battre le rappel de la grande famille souverainiste, (ce qu’il

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fera, mais sans résultat). Coûteaux démissionne de la présidence du RIF et lance fin 2011 une nouvelle structure, Souveraineté, Indépendance et Libertés (Siel), avec toujours le même objectif : rassembler les souverainistes de droite comme de gauche, et comme modèle le RPF du couple Pasqua-De Villiers. C’est d’ailleurs lors du congrès fondateur du Siel en mars 2012, Marine Le Pen, invitée, annonce la création du Rassemblement Bleu Marine (RBM), qui a le même objectif que le SIEL, mais dans une perspective électorale, afin d’élargir la base de candidats FN ou apparentés pour les législatives. Homme de réseaux, Coûteaux parvient à débaucher des soutiens qui ne tardent pas à rallier le RBM : Karim Ouchikh, avocat et ancien membre du Parti socialiste ; Bertrand Dutheil de la Rochère, ancien directeur de cabinet de Chevènement et du MRC ; Philippe Martel, ancien du RPR et directeur de cabinet d’Alain Juppé, devenu depuis directeur de cabinet de Marine Le Pen...

Le FN snobe le RBM

Malgré cela, durant les élections, les relations continuent de se dégrader entre Le Pen et Coûteaux, surtout quand ce dernier, candidat sur Paris, se fait remarquer en se demandant s’il ne faudrait pas mieuux mettre les Rroms dans des camps (question dédiabolisation, ça le fait pas trop !) et en inventant sur Canal + des adhésions bidons… Pire, il défend l’idée de se désister pour le candidat de droite au second tour si celui-ci est mieux placé que le candidat RBM. Enfin, cerise sur le gâteau, il revendique une tête de liste aux élections européennes : c’en est trop, et Marine Le pen se fend d’une lettre début avril dans laquelle elle lui annonce non seulement qu’il est viré, mais qu’elle ne veut plus avoir aucun contact, ni politique, ni personnel avec lui.

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Gilbert Collard et Robert Ménard.

Toutes ces tensions sont surtout le reflet des difficultés du RBM à se développer, et à se faire accepter. Jean-Marie Le Pen avait dès le début qualifié de "tièdes" les adhérents du RBM, et la vieille garde frontiste avait vu d’un mauvais œil l’arrivée de cadres qui se retrouvent en un rien de temps à des postes de direction, tandis que ceux qui affichent des années de militantisme au compteur, y compris durant les moments difficiles, sont laissés de côté. Aujourd’hui, Gilbert Collard lui-même rue dans les brancards, et se plaint de « l’ostracisme » d’une partie de la hierarchie du FN et de leur manque d’intérêt pour le développement du RBM ; Robert Ménard a boudé le dernier meeting de Marine Le Pen, suite certainement aux critiques de Louis Aliot pour avoir choisi André-Yves Beck (un ancien du Bloc identitaire) comme directeur de cabinet…

Souverainiste cherche appartement

Depuis, Coûteaux cherche à se recaser. On l’a vu discuter avec la passionnaria du « Printemps français », Christine Boutin, remise en selle par le mouvement homophobe de ces derniers mois et candidate aux élections européennes sous l’étiquette « Force Vie » (cf. article de La Horde sur Martinez). Devant le peu de succès de cette démarche, il a rencontré Dupont-Aignan, mais là non plus, rien n’est sorti de la rencontre. Il y a une quinzaine de jours, il a rencontré François Fillon, ancien premier ministre de Sarkozy dont tout le monde connait les ambitions présidentielles. Les deux hommes se connaissent depuis 1993, quand Coûteaux bossait pour Seguin : rien n’a filtré de cette rencontre, mais on peut imaginer que Coûteaux se verrait bien ministre d’un gouvernement d’Union nationale, d’autant qu’il sait que Fillon aura besoin de toutes les voix de toutes les droites pour arriver à ses fins, y compris celles du FN, et qu’il pourra alors jouer son meilleur rôle, celui d’intermédiaire. À suivre…