Samedi 25 octobre, le collectif d’extrême droite « Quimper Résistance » appelle à une manifestation contre le centre islamique turc et son projet de minaret, contre lesquels elle avait déjà mis en ligne une pétition (en dépit de son interdiction, la manifestation semble maintenue, du moins selon l’hébdomadaire antisémite Rivarol qui l’annonce à deux reprise dans sa dernière édition). Tandis qu’une riposte antifasciste se met en place (cf. agenda), voici quelques informations qui permettent de situer la principale animatrice de cette campagne et de Quimper Résistance, Claudine Dupont-Tingaud, dont l’obsession islamophobe ne date pas d’hier. Du Front national au Parti de la France en passant par les Identitaires, elle a déjà un long parcours à l’extrême droite ; mais c’est surtout son histoire familiale, et son engagement précoce aux côtés de l’OAS, qui explique pour l’essentiel son racisme viscéral…

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Claudine Dupont-Tingaud

Le premier combat politique de Claudine Dupont-Tingaud (CDT), est celui de la défense de l’Algérie française, suivant ainsi les traces de son père, Jacques Dupont, qui est non seulement un réalisateur de cinéma [1] mais surtout un militant actif de l’OAS, l’organisation armée clandestine responsable de nombreux attentats meurtriers principalement en Algérie. CDT devient ainsi à 18 ans la plus jeune détenue de l’OAS à la prison de la Petite-Roquette, à Paris, où elle reste cinq mois. Son frère Jean-Jacques, également « Algérie française », est lui aussi arrêté et enfermé pour des attentats à l’explosif…

Dans les années 1980, elle se présente à diverses élections sous l’étiquette Front national (elle est candidate aux élections européennes de 1984 et aux cantonales de Fouesnant (29) en 1985, puis aux élections législatives de 1986) et s’implante dans le Finistère, où elle devient conseillère régionale. En 1996, elle distribue déjà dans la ville de Quimper un tract contre « l’islamisation de la ville », c’est-à-dire la construction d’une mosquée dans le quartier populaire de Penhars. Alors que les musulmans de la ville ne disposaient que d’une cave pour leur culte, CDT déclarait pour justifier sa croisade : « Nous en avons fait un thème de campagne. (…) Tant que les gens prient dans un lieu discret, ça n’est pas aussi ostentatoire et offensant d’un point de vue civilisationnel que l’est la construction d’une mosquée. » Les années suivantes, cette histoire de mosquée sera le thème central de la campagne du FN de Quimper à chaque élection. Notons au passage qu’en 2003, après une première tentative d’incendie de la mosquée, des croix ont été peintes sur sa façade : Dupont-Tingaud, qui nie tout lien avec ces dégradations, avait quand même envoyé le jour même un fax aux journaux dans lequel elle avait écrit : « Des croix sur la mosquée, l’islam ne régnera pas. »

Au moment de la scission du Front national, en 1999, elle choisit Bruno Mégret. C’est donc sous l’étiquette MNR qu’elle se présente aux élections européenne se 1999, puis aux législatives de 2002 dans la première circonscription du Finistère où elle ne récolte que 0,7% des suffrages (soit en tout 379 voix...). Peut-être humiliée par ce camouflet, elle finit par claquer la porte du MNR, lui reprochant un positionnement trop "centriste", qu’elle estime entre l’UMP et le FN !

Toujours plus à droite, elle adhère en 2003 au Bloc identitaire et participe aux Deuxièmes Assises identitaires à Lyon, mettant en avant son passé de "plus jeune prisonnière politique de l’OAS sous De Gaulle". En février 2004, elle fonde et préside l’association RéAgir (Résister et Agir), dont le but est de « résister et agir pout la défense de nos identités régionales et nationales », et dont l’activité a été plutôt limitée. On la retrouve en 2006 signataire de "l’appel des 25" pour la libération de Michel Lajoye, un militant néonazi emprisonné pour un attentat raciste dans les années 1980… Après s’être rapprochée du Parti de la France de Carl Lang, lui aussi renégat du FN, elle a fondé en 2014 Quimper Résistance, une association du même genre.

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Quimper Résistance au grand complet : elle est belle, la France !
CLMHF

Mais c’est bien entendu parmi les nostalgiques de l’Algérie française qu’elle se sent la plus à l’aise : membre du Comité pour l’honneur de l’armée française en Algérie, présente au pot de l’amitié des Amis de Rivarol ( elle y signe régulièrement des papiers dans la rubrique "Courrier des lecteurs" ) , et on la retrouve dans les bulletins de l’Association pour la défense des intérêts moraux et matériels des anciens détenus de l’Algérie française (Adimad, qui regroupent des anciens de l’OAS).

Condamnée en appel le 12 janvier 2010 pour avoir, dans une lettre ouverte, insulté René Vautier, cinéaste, Mehdi Lallaoui, réalisateur et Olivier Lecour Grandmaison, historien, les accusant de « falsification de notre histoire coloniale » et de défense de « thèses racistes anti-françaises » à la suite du festival de Douarmenez sur la colonisation en 2007, CDT avait fait un appel aux dons dans le bulletin de l’Adimad, dans lequel elle fustigeait les " spécialistes de l’anti-France " protégés comme il se doit par « les juges rouges complices de nos adversaires »... On la retrouve l’année suivante à l’assemblée générale de l’Adimad, toujours pour cette affaire pour laquelle elle s’était pourvue en cassation. Elle était défendu dans cette affaire par Frédéric Pichon, ancien président du GUD et plus récemment à la tête du Collectif des avocats libres, qui a participé à la manifestation de l’extrême droite radicale Jour de Colère, et qui était sur la liste Front national aux dernières élections européennes.

Son acharnement depuis plus de 20 ans contre les musulmans de Quimper et sa région est donc pour l’essentiel le prolongement de cette nostalgie de l’Algérie française, et plus largement du colonialisme, qui reste le moteur de l’islamophobie en France. C’est pourquoi, alors que nous commémorions il y a une semaine le triste anniversaire du 17 octobre 1961, à cette nostalgie raciste d’un autre temps, nous avons voulu opposer la mémoire de la solidarité avec les luttes de libération nationale, en donnant la parole à deux militants antifascistes engagés au côté des militants algériens dans les années 1950-1960, Adolfo Kaminsky et Maurice Rajsfus.
La Horde

Notes

[1il a réalisé plusieurs films, dont Les Distractions (1960), avec Jean-Paul Belmondo, qui raconte l’histoire de deux anciens parachutistes qui se sont connus pendant la guerre d’Algérie dont l’un est journaliste et vient en aide l’autre, recherché pour meurtre. Il était également ami avec Claude Chabrol, une amitié dont va profiter sa fille Claudine, puisqu’elle deviendra grâce à Chabrol (elle est stagiaire sur le tournage d’Ophélia) assistante-réalisatrice, pour la télévision et le cinéma. Sa conception du cinéma reste cependant assez étriquée puisqu’en 2001, elle écrit une lettre ouverte de protestation contre la projection du film Baise-moi à Quimper.