Article de l’équipe du site Montréal Antifasciste Info qui a réalisé un travail de titan concernant le groupe néofasciste Atalante basé à Québec et Montréal.

DÉMASQUER ATALANTE

Le meneur ostensible du groupe néofasciste Atalante, Raphaël Lévesque , aime beaucoup l’attention que ses frasques lui procurent (c’est d’ailleurs pourquoi il ne se cache plus depuis longtemps), mais la centralité du personnage ne devrait pas nous empêcher de considérer les individus qui gravitent autour de son leadership, car un mouvement comme Atalante n’est rien sans les militants et militantes qui lui insufflent leur énergie.

Les nombreuses actions de visibilité menées par le groupe à Québec et Montréal au cours des deux dernières années laissent croire qu’au-delà de ses membres les plus visibles et les plus actifs, Atalante peut compter sur une milice de réserve constituée de quelques dizaines d’individus gagnés à la cause ultranationaliste. Malgré le petit nombre de ses militant-e-s, le groupe a réussi à capter l’attention d’une partie des médias traditionnels et est parvenu par son activité dans les médias sociaux à jouer un rôle important dans la promotion d’une position dite « nationaliste révolutionnaire » au sein de l’extrême droite québécoise.

Comme l’indique leur pratique consistant à se masquer à chaque sortie publique, la plupart de ces militants et militantes souhaiteraient sans doute garder le secret sur leur association avec un groupe ouvertement fasciste. Nous croyons quant à nous qu’il est grand temps d’exposer les militant-e-s et sympathisant-e-s d’Atalante à la lumière du soleil.

>>> QUI SONT LES MILITANT-E-S D’ATALANTE ? Passez directement à la galerie de portraits

Il nous importe également de dissiper ici toute confusion sur le projet politique d’Atalante et de mettre au clair la filiation directe du groupe avec différents courants fascistes contemporains.

ACTIONS SANS ÉCLAT ET PUBLICITÉ GRATUITE…

Malgré son caractère marginal, Atalante est parvenu à faire les manchettes à plusieurs reprises en 2017 et 2018, notamment en mai dernier, lorsqu’une poignée de ses militants a fait irruption dans les bureaux montréalais du média numérique VICE pour intimider les employés qui s’y trouvaient. Un reportage de VICE  publié quelques jours plus tard relate ainsi l’incident :

« Après qu’une employée eut ouvert la porte à un homme tenant un bouquet de fleurs, un groupe de six ou sept hommes, tous masqués sauf un, a fait irruption dans la pièce principale au son du thème musical de l’émission The Price is Right diffusée sur une petite enceinte Bluetooth. Les hommes se sont ensuite déplacés dans la salle des nouvelles en projetant partout des nez de clowns et des centaines de tracts…

Ils ont surtout essayé d’intimider le journaliste Simon Coutu – qui a déjà écrit sur le groupe – en se massant autour de son bureau pour lui remettre un trophée portant l’inscription “VICE : Média poubelle 2018”.

Raphaël Lévesque, surnommé Raf Stomper, dit avoir fait cette visite pour remercier Coutu au nom de “toutes les victimes de la guerre qu’[il] essaie de commencer”. »


Des militants d’Atalante se prennent en photo dans les bureaux de VICE , le 23 mai 2018.

Suite à cette terne performance de théâtre politique, Atalante a été mentionné dans les médias partout au Canada, aux États-Unis et même en Europe. L’action a de plus été dénoncée par les premiers ministres Philippe Couillard et Justin Trudeau. Sur le plan de la propagande, Atalante venait de réussir un bon coup avec seulement six personnes et un strict minimum d’imagination[i].

Comme nous le verrons, c’est une sorte de modus operandi pour Atalante : avec un investissement minimal d’énergie, ces petites actions de propagande attirent une attention médiatique considérable et offrent une tribune par lequel le groupe peut diffuser ses idées et projeter une impression de force sur Facebook.

LE VISAGE GRIMAÇANT D’ATALANTE

Raphaël Lévesque brandissant des tracts d’Atalante dans les bureaux de VICE , le 23 mai 2018.

La figure de proue d’Atalante, Raphaël « Raf Stomper » Lévesque, est actuellement visé par diverses accusations pour avoir mené l’action contre VICE décrite ci-dessus, ayant été le seul du groupe à y participer à visage découvert. Il est accusé d’entrée par effraction, de méfait, de harcèlement criminel et d’intimidation. C’est le genre d’offensive judiciaire démesurée qui risque de renforcer son statut (et gonfler son ego déjà surdimensionné) plus qu’autre chose.

Lévesque, 35 ans (DDN, 5 août 1983), est bien connu des antifascistes québécois-e-s. Il a été plusieurs fois condamné pour agression, menaces et trafic de stupéfiants, et a passé du temps en prison aussi récemment qu’en 2016. En 2017, il a proposé d’incendier les bureaux du Centre de prévention de la radicalisation menant à la violence si celui-ci s’avisait de s’installer à Québec. Même si le directeur du centre, M. Deparice-Okomba, a affirmé que ces propos constituent une menace criminelle, aucune procédure judiciaire ne semble avoir été entamée à cet égard.

Au-delà de ses déboires avec la justice, Lévesque est aussi le chanteur de Légitime Violence , un groupe de musique oï[ii]associé à la mouvance « Rock Against Communism »[iii], et est un leader connu du Québec Stomper Crew , une bande de boneheads [iv] active depuis plusieurs années dans la région de Québec et notamment connue pour ses liens avec le crime organisé et le trafic de stupéfiants.

LE QUÉBEC STOMPER CREW, LA CONNEXION RAC ET LÉGITIME VIOLENCE

Pour comprendre ce qu’est Atalante aujourd’hui, il est toujours utile de rappeler que le groupe a été fondé à partir du band Légitime Violence et de la scène bonehead formée autour du Québec Stomper Crew (lequel en constitue toujours le cœur).

Au début des années 2000, deux gangs de jeunes skinheads dits « apolitiques » se forment dans la province. Il s’agit de Coup de Masse  (CdM) à Montréal et des Québec Stompers  (2004) à Québec. Bien que se disant apolitiques, les deux gangs ont un fort penchant pour le nationalisme québécois, ce qui fait en sorte qu’ils sont assez rapidement expulsés de la scène underground de leur ville respective. Bien qu’à leurs débuts, les deux bandes, très proches l’une de l’autre, rejettent autant la gauche que la droite (des récits témoignent notamment de batailles entre les Québec Stompers et les néonazis du Sainte-Foy Krew à la fin des années 2000), les Stompers en viendront rapidement à se rapprocher des milieux boneheads et à adopter une position dite « anti-antifasciste ». À cette époque, les membres de Québec Stompers sont Raphaël Lévesque Yan Barras Martin Léger , tranquillement rejoints par Benjamin Bastien Antoine Mailhot-Bruneau Yannick Vézina Olivier Gadoury Jonathan Payeur  et Roxanne Baron . Encore aujourd’hui, il semble y avoir une distinction entre le membership d’Atalante et celui des Québec Stompers, ce dernier étant plus restreint et contre-culturel. Bien que tous les membres actuels des Québec Stompers s’impliquent dans Atalante, le contraire n’est pas vrai.


Photo récente des Québec Stompers : Étienne Mailhot-Bruneau, Olivier Gadoury, Raphaël Lévesque, Sven Côté, Antoine Mailhot-Bruneau, Jonathan Payeur, Benjamin Bastien et Yan Barras.

>>> Voir d’autres photos des Québec Stompers ici

Les deux bandes fréquentent assidûment une scène musicale composée de groupes de Rock Anti-Communiste (RAC) et de Rock Identitaire Français (RIF). Ces deux styles musicaux sont des créations directes de l’extrême droite. Au Québec, on y retrouve notamment les groupes de musique Coup de Masse Section de Guerre Fleurdelix et les Affreux Gaulois  et Bootprint , auxquels s’ajoutera Légitime Violence à la fin des années 2000. L’un des groupes, qu’on pourrait qualifier d’influence importante au sein de cette scène, s’appelle Trouble Makers  et est plutôt axé sur le RIF. Ce style se veut une tentative de faire passer des propos d’extrême droite dans une enveloppe musicale plus mainstream et plus léchée que le RAC. Fondé à la fin des années 1990, Trouble Makers est composé de Simon Cadieux, Maxime Taverna Jonathan Stack  et François-Pierre Stack , les trois derniers étant des militants identitaires de longue date. Ceux-ci sont reconnus pour avoir entre autres fait partie de différents groupes d’extrême droite tel que Québec-Radical  et les Affranchistes. Trouble Makers serait aussi le premier band québécois à avoir traversé l’Atlantique pour aller se produire dans des événements organisés par CasaPound en Italie.

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