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Samedi dernier au Novotel de la porte de Bagnolet, le banquet des Amis de Rivarol (dont nous avons déjà parlé ici) a fait salle comble, rassemblant ce qu’il faut bien appeler une cour des miracles nationaliste : des antisémites pathologiques, des nostalgiques de Pétain, des cathos intégristes, des exclus du FN, tout un petit monde qui essaye d’entretenir la flamme d’une extrême droite décomplexée. Lawebrevue Street Press en a fait un compte rendu : nous reprenons des extraits de leur article concernant Jérôme Bourbon, qui en dressent un portrait très complet.

Bourbon dirige Rivarol seul. Ses collaborateurs ne sont qu’une poignée. La maquette austère du journal n’a pas changé d’un pouce en 65 ans mais seulement 5.500 exemplaires sont vendus par numéro. On est loin de son âge d’or : la guerre d’Algérie, où il tirait à 80.000 et sortait des scoops, comme le récit de l’attentat simulé contre François Mitterrand, rue de l’Observatoire en 1959.

Aujourd’hui, le bureau du journal se situe porte de Choisy (Paris 13e). Un petit appartement bordélique et sans âme, au 13e étage d’une tour décrépie, en plein Chinatown. D’ailleurs Jérôme Bourbon n’aime pas les asiatiques, qu’il appelle « les jaunes ». Sur le frigo de ce pied-à-terre parisien, une photo de l’un de ses 5 enfants, qu’il a eu avec son épouse Camille de 12 ans sa cadette, qui vit dans la maison familiale en Bourgogne. Fils unique d’une mère au foyer et d’un père patron d’une PME, Bourbon peut aussi compter sur ses parents qui l’ont longtemps aidé financièrement. (…)

Nations Presse Rivarol

Du rififi à Rivarol ? Certaines figures du journal ont même décliné l’invitation au banquet comme Camille Galic, la directrice de 1983 à 2010, ou Jean-Paul Angelelli, un ancien rédacteur passé par l’OAS, qui a démissionné en 2010. Joint par StreetPress, ce dernier s’emporte contre « ce fourbe » de Jérôme Bourbon : « Il s’est glissé là-dedans pour faire carrière. Et dire qu’il succède à des hommes de la trempe de Maurice Gaït ! » Certains vieux de la vieille accusent en effet le jeune directeur de Rivarol d’avoir fomenté un pu-putsch pour prendre le contrôle du canard en 2010. Car sous son air gauche se cache un vrai opportuniste. Même Jean-Marie Le Pen en a fait les frais. « La dernière fois que je l’avais rencontré, il m’avait un petit peu piégé », rouspète le vieil homme.

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En cause, une interview qu’il lui avait accordée en décembre 2005. Ce jour-là, Bourbon « oublie » d’éteindre son microphone une fois l’entretien terminé. Il discute avec Le Pen de l’occupation allemande. Le président du FN, pensant être off the record, livre le fond de sa pensée : « En France du moins, l’occupation allemande n’a pas été particulièrement inhumaine. » Ses propos sont imprimés dans le journal, engendrant un procès (que Le Pen perdra) et une grave crise au FN entre le père et la fille. 11 ans après l’affaire, Bourbon savoure encore son entourloupe : « Quand j’ai entendu ces propos de Le Pen sur l’Occupation, je me suis dit que ça pouvait créer une dissension entre Marine et lui. Et ça a failli marcher puisqu’elle a presque démissionné ! » Bourbon est malgré tout fan du « Menhir » (le surnom de Le Pen, ndlr.) au point qu’il peut réciter de tête ses calembours douteux. (…)

Jérôme Bourbon lui aussi est passé au FN. Il a pris sa carte à 14 ans après avoir découvert Le Pen, lors de l’émission star d’Antenne 2, l’Heure de vérité. Puis à partir de ses 17 ans, il se rend chaque année à son université d’été, au château de Neuvy-sur-Barangeon (18), la propriété du cofondateur du parti Roger Holeindre. Au programme de ce camp pour ados : lever des couleurs au petit matin, sport et conférences la journée, marches au flambeau le soir. C’est là-bas qu’il découvre les revues d’extrême droite Minute  et National Hebdo  ou les livres des antisémites Bardèche et Drumont qui lui donnent l’envie d’écrire. « Le FN, c’est ma matrice idéologique », explique-t-il : « J’ai toujours aimé être à la marge et détesté le grégarisme. Alors cette famille m’a plu. »

Contacté par StreetPress, Louis Aliot,  l’actuel numéro 2 du FN, se souvient de son passage au mouvement de jeunesse du parti au début des années 1990 : « Nous le fuyions en raison de son odeur fétide, tous les matins après notre sport, où il courait en costard 3 pièces. » Bourbon était « le souffre-douleur » de ses petits camarades, se souvient Aliot. Le soir venu, les jeunes frontistes communient en chansons nationalistes. Quand vient le tour de Bourbon de pousser la chansonnette, c’est à chaque fois le même cirque : « Il n’a jamais pu ne serait-ce qu’entonner un chant tellement la bronca était générale. Un peu comme le barde Assurancetourix… mais en moins sympa et plus volumineux », continue le compagnon de Marine Le Pen.

L’engagement de Bourbon au FN culmine en 1998, quand il se présente à des cantonales dans le Jura. A l’époque, il est aussi membre de l’Œuvre Française, le mouvement pétainiste de Pierre Sidos, spécialisé dans l’entrisme au sein du parti. Il exerce en parallèle comme professeur de français dans un lycée et travaille à une thèse sur l’écrivain royaliste Bernanos, sans succès.

Au lycée, ses activités politiques lui valent de découvrir une pétition demandant son exclusion, placardée dans la salle des profs. Chaque matin, de nouvelles signatures noircissent la feuille. « J’ai été inspecté par l’Académie mais ils n’ont rien trouvé à redire », s’enorgueillit-il. Il quittera finalement l’éducation nationale et le FN au début des années 2000, après avoir commencé sa carrière à Rivarol. Il arrive à l’hebdo sur la pointe des pieds en proposant des recensions de livres à Camille Galic, alpaguée à la fin d’une commémoration en l’honneur de Robert Brasillach, le 6 février 1999.

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Dans la meeting room de l’hôtel Novotel, les caméras du Petit Journal de Canal + sont braquées sur Jérôme Bourbon, engoncé dans son costume bleu roi. La journaliste lui demande s’il peut répéter le mot Rivarol, 10 fois de suite. Il s’exécute, tel un petit garçon devant son professeur : « Rivarol, Rivarol, Rivarol, Rivarol, Rivarol, Rivarol, Rivarol, Rivarol, Rivarol, Rivarol. »

Deux jeunes militants nationalistes ne comprennent pas pourquoi il laisse les équipes de Yann Barthès filmer son banquet. « Ils font ça pour se foutre de nous. Moi, ça me gêne qu’ils soient là. » Bourbon leur répond : « Comme le dit Le Pen : “qu’on en parle en mal ou en bien, l’important, c’est qu’on en parle”. »

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Car depuis 1 an, « tout a changé » , affirme-t-il. Terminée l’époque où Jean-Marie Le Pen, qui soutenait encore Marine, le qualifiait de  « taliban hystérique »  ou lui réclamait 50.000 euros pour diffamation. Le patriarche du Front National est de retour au bercail. Dans son sillage, Bourbon est persuadé que son hebdo antisémite peut rassembler plus large. « Quelque part, c’est ma revanche. J’aurais été triste qu’il meure en laissant sa fille jouir de son aura », lâche-t-il, satisfait. Et pour faire parler de lui, il est prêt à tout. Sur Twitter, il multiplie les punchlines racistes qui lui valent des procès tous azimuts. Mais son succès est mitigé puisqu’il plafonne à 3.253 followers.
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