Ce samedi 25 novembre était pour les Identitaires une date de mobilisation nationale (voire même internationale puisque des identitaires étrangers avaient été invités) qui devait être pour eux l’occasion de se compter et de montrer l’état de leur force. Le moins qu’on puisse dire, c’est que ce ne fut pas glorieux… 

Depuis des semaines en effet, Génération identitaire (GI) annonçait une manifestation dans la capitale avec comme mot d’ordre « Face aux islamistes : Défendons l’Europe ! ». Le premier objectif de cette mobilisation était de donner un prolongement national à la campagne « Defend Europe » menée cet été et principalement pilotée par des Identitaires allemands, autrichiens et italiens, les Français ayant fait dans l’opération surtout de la figuration. Le second était de créer un évènement médiatique, à l’instar de ce qu’ils avaient tenté à Calais en 2016 en simulant un « blocage » de la ville avec trois bidons disposés sur les routes. Enfin, le troisième, en interne, était de mobiliser sur une date l’ensemble des groupes locaux qui le reste de l’année agissent (?) en ordre dispersé, et souvent de façon confidentielle.

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Or on peut dire, sans mauvaise foi, que ce fut un échec sur chacun de ces objectifs.

Génération perdue

Ainsi, il est clair que le lien avec la surmédiatisée campagne de cet été n’a pas permis de mobiliser les foules, puisque seule une petite centaine de personnes se sont retrouvées au point de rendez-vous boulevard de Grenelle, dans le très chic XVe arrondissement. Il est vrai que la préfecture avait prévenu que la manifestation ne serait pas autorisée, en raison de la présence annoncée des antifascistes parisiens. Au final, « l’action » du jour s’est réduite à prendre la pose avec la banderole devant le Bataclan, à l’autre bout de Paris. On est bien loin de l’occupation du chantier de la mosquée de Poitiers de 2012, qui, en dépit de sa portée exclusivement symbolique, avait marqué les esprits. Les Identitaires, décidément en panne d’inspiration, n’ont même pas pensé s’incruster au rassemblement contre les violences faites aux femmes qui se tenait à quelques centaines de mètres de la salle de concert, sur la place de la République…

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Les Identitaires, autrefois, étaient parfois capables d’être là où on ne les attendait pas ; mais aujourd’hui, il est clair que ce ne sont pas seulement les militants qui font défaut au sein de Génération identitaire, ce sont surtout les idées politiques : il ne leur reste plus qu’un certain art du marketing, et encore. Incapables de surfer sur l’idée plutôt maline de leurs homologues transalpins (il faut bien reconnaître que la pathétique odyssée du C-Star a quand même fait couler beaucoup d’encre), le projet des GI n’aura pas fait date, loin de là, malgré la présence de nombreux journalistes prêts à leur servir la soupe (au cochon ?).

GI pas jojo

Concernant la capacité à se mobiliser, alors qu’en 2010, pour la campagne « Une autre Jeunesse », les Identitaires avaient réussi à mobiliser les sections d’une dizaine de villes en France, en 2017, seules les villes de Rouen et Lyon annonçaient d’hypothétiques départs en car, et des bastions historiques des Identitaires comme Nice ou Lille n’avaient visiblement pas ou plus les capacités de s’organiser pour monter à Paris. Pas de doute, le mouvement au niveau national est en perte de vitesse et il n’y a plus de dynamique collective comme par le passé. On peut même dire qu’il n’y a plus de chefs au niveau hexagonal : Fabrice Robert est aux fraises, et de nombreux cadres (comme Philippe Vardon) ont préféré tenter leur change au FN, qui est trop heureux de récupérer des militants formés et expérimentés.

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Les Identitaires dans la nasse (photo : Le Parisien)

Enfin, cette faiblesse de la mobilisation et de la portée politique du projet n’a pas été compensée par une détermination qui aurait eu au moins le mérite de permettre aux Identitaires de montrer leurs muscles aux groupuscules rivaux. Car là encore, les Identitaires n’ont pas été à la hauteur : n’appelant à aucune résistance face à la police, les responsables identitaires ont rapidement dispersé le rassemblement prévu à la Motte-Piquet, au grand dam de nombreux militants d’extrême droite présents qui ne cachèrent pas leur déception de devoir aussi vite renoncer.

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De nombreux militants n’ont pas trouvé les Identitaires à la hauteur : on les comprend !
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Chatillon pleurniche sur la manif des Identitaires… On a les soutiens qu’on peut !

À croire que cette interdiction préfectorale n’était finalement pas une si mauvaise affaire pour les Identitaires, car leur manifestation, si elle avait vraiment eu lieu, aurait fait un peu pitié à quelques dizaines dans les rues, même avec de nombreux fumigènes agités en tout sens. Ce manque de volonté et de courage s’est d’ailleurs également manifesté lors de l’intrusion assez lâche qui a suivi la mini-action du Bataclan, quand une dizaine de militants identitaires ont fait irruption dans la librairie libertaire Publico en gueulant quelques slogans, heureusement sans faire de dégâts.

Pas de quoi crier victoire

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Il faut à ce propos dire qu’en dépit de cet échec global de l’initiative du groupuscule d’extrême droite, il n’y a pas, du côté antifasciste, de quoi pavoiser. Si l’Action Antifasciste Paris-Banlieue a au moins eu le mérite de lancer un appel à se mobiliser, rien de foncièrement collectif n’avait été pensé ni mis en place, et l’on doit la déconfiture des Identitaires essentiellement à leur propre incapacité à agir. Il nous faut aussi nécessairement nous questionner sur le rôle de la préfecture qui, comme c’est le plus souvent le cas, reste finalement le grand vainqueur de la journée, puisqu’au final rien ne s’est vraiment passé dans les rues ce jour-là, ce qui n’a pas empêché plusieurs arrestations de part et d’autre. À l’heure où d’autres groupuscules comme le GUD ou l’Action française ouvrent des lieux et n’hésitent pas à occuper l’espace public, une riposte antifasciste large et organisée reste à construire, car l’extrême droite, pas plus que l’État ou le capitalisme, ne s’effondrera d’elle-même.
La Horde