Monter un groupe antifasciste (4) - traduction d’It’s Going Down

Quatrième et dernier volet d’un article traduit du site anarchiste américain It’s Going Down, qui propose des pistes d’action, là encore qu’il faudra  que les antifascistes français adaptent à leur réalité.

Maintenant que vous avez un groupe, que pouvez-vous faire ?

1) Établissez une présence en ligne

Si vous êtes un groupe public, établissez une présence en ligne. A nouveau, nous recommandons de limiter cela à une page web ou twitter. Si vous faites un groupe facebook pour un événement, soyez certain.e.s que vous mettez la liste des invité.e.s en privé : beaucoup de personnes se sont faites doxxer (NDLT : révéler publiquement les informations privées de quelqu’un afin de lui nuire) sur la base de ce genre d’invitations.

2) Commencez à surveiller

Renseignez-vous sur les groupes d’Extrême Droite locaux et collectez des informations sur eux, à commencer par les organisations, noms, photos, adresses et lieux de travail. Cela peut inclure les militants d’Alt-Right, le Ku Klux Klan, les skinheads nazis, les partis néo-nazis, les nationalistes blancs en costard-cravate, les antisémites, les Islamophobes, les militants anti-immigration, les milices patriotes, et autres. La Carte de la Haine du SPLC (cette carte se limite aux Etats-Unis, mais vous pouvez pour la France vous référer à notre schéma) liste les groupes par Etat, bien qu’incomplète. Vous pouvez aussi rechercher les groupes nationaux bien établis, comme Identity Evropa (existe en France, mais peut aussi être comparé à Génération Identitaire) et le Traditionalist Worker Party afin de voir s’ils ont une implantation locale dans votre zone. Également, lisez les rapports faits par d’autres groupes antifascistes qui pourraient vous donner une idée de qui recrute dans votre zone.

Plus de fachos des groupes TRS, Counter-Currents et Identity Europa au HWNDU. Vous reconnaissez quelqu’un en dehors de Peinovich et Damigo ?

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New York City Antifa (@NYCAntifa) February 7, 2017

3) Collage et distribution de tracts

Si des groupes racistes collent des affiches ou des stickers dans vos quartiers, organisez des patrouilles pour aller les déchirer. Utilisez des outils de raclage au cas où des rasoirs seraient placés à l’arrière des stickers. Créez des stickers, des affiches, des campagnes de tag antifascistes à vous.

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4) Doxxing

[AVERTISSEMENT : Nous ne conseillons pas en France cette pratique typiquement américaine, en particulier pour des raisons liées aux poursuites judiciaires qu’elle peut entraîner. Pour ce qui nous concerne, si nous estimons parfois nécessaire de cibler certaines personnes, nous ne donnons pas d’informations sur leur domicile privée ou leur numéro de téléphone.]

Après avoir effectué votre recherche, présentez les informations à propos des organisations racistes à votre communauté. Les informations que vous rendez publiques doivent présenter assez d’éléments pour convaincre le lecteur moyen que la cible est clairement un raciste. Ces informations devraient inclure, si possible : une photo, l’adresse, le numéro de téléphone, les profils sur les réseaux sociaux, et des informations sur l’emploi. Soyez surs d’inclure les affiliations organisationnelles et des captures d’écran montrant les preuves concrètes d’opinions racistes ou fascistes. Enchaînez le doxxing avec une campagne de pression : appelez leur lieu de travail et faites les renvoyer, informer leurs voisins via des tracts ou du porte-à-porte.

Lorsque vous présenterez vos preuves, il sera difficile d’en obtenir davantage. Soyez également avertis que cette action va sans doute énerver votre cible : vous pouvez avoir été relativement ignorés pendant un an pour vos activités antifascistes, mais dès lors que vous aurez révélé le nom de cette personne, il se fixera sur vous.

Faites en sorte que vos informations soient correctes. Vous perdrez en crédibilité et vous vous créerez des ennemis en plus si vous donnez une adresse où votre cible n’habite plus. La majorité de cette recherche peut être faite en ligne, mais certaines choses ne peuvent être vérifiées que sur place.

5) Interruptions d’événements

Faites pression pour annuler les événements racistes ou fascistes. Soyez sûrs d’avoir votre dossier sur le sujet préparé à l’avance, comme la première question sera toujours "Comment savez-vous qu’ils sont racistes ?" Rapprochez vous des propriétaires avec un coup de téléphone amical, car souvent ils ne sont pas informés du caractère politique des événements qui se tiennent dans leur salle. Cependant, s’ils n’annulent pas immédiatement, il sera très probablement nécessaire de faire pression. Collectez des numéros de téléphone, mails et contacts sur internet et faites un appel pour une annulation. (Nous avons découvert qu’il est très utile de faire des graphiques partageables et de courtes vidéos.) Menacez de boycott le propriétaire si l’événement est maintenu, et suivez l’évolution. A Montréal, un concert raciste a été annulé après que des antifas aient bloqué l’entrée.

6) Entraînements à l’auto-défense

Organisez une salle de sport antifasciste ou bien des entraînements réguliers au self-defense. Certains groupes en font deux en même temps : un entraînement mixte et un pour les femmes ou les personnes qui subissent des oppressions de genre en général. En plus d’améliorer vos capacités, les entraînements sont un bon moyen d’augmenter votre confiance (collective et individuelle) et de rencontrer de nouvelles personnes. (Il existe un réseau de salles de sport antifascistes en europe)

7) Evénements : bénéfices et retombées

Si votre groupe établit une présence publique, faites des stands lors d’événements avec de la lecture anti-fasciste, des stickers, des boutons, patches , etc. C’est particulièrement important pour les espaces culturels où les fascistes recrutent, d’aider à y organiser une résistance, que ce soit pour recruter de nouveaux adhérant ou pour mettre la pression aux organisateurs.

Si vous êtes dans un milieu politique favorable, n’hésitez pas à en profiter pour lever des fonds. Les concerts sont les plus fréquents, mais soyez créatifs ! Le mouvement antifasciste va avoir besoin de beaucoup d’argent, et il vaut mieux le collecter avant d’en avoir besoin qu’après. Prenez également l’habitude d’organiser des soirées courrier [ il est ici question de "letter writing night", un type d’événement au cours duquel les militant.e.s se retrouvent et écrivent des lettres en groupe pour faire avancer une cause, NDLT] et de soutenir les autres anti-fascistes et les prisonniers politiques qui y sont liés.

8) Manifestations

Si des racistes font une manifestation publique, organisez une contre-manifestation de masse contre eux avec des groupes alliés qui veulent participer avec votre lutte. Vous pouvez également rejoindre d’autres manifestations comme Black Lives Matter (Ou des manifestations contre le racisme ; d’état et policier, en France) ou pour les réfugié.e.s et migrant.e.s, avec des drapeaux et banderoles antifascistes (faites cependant attention à respecter les organisateurs et ne pas vous placez face à leur message). Prenez des photos avec vos banderoles, floutez vos visages et mettez les sur les réseaux sociaux.

En général, l’antifascisme devrait être un ensemble de pratiques comprises plus largement dans les mouvements radicaux qui luttent contre la suprématie blanche en particulier, mais également la hiérarchie et l’oppression en général. L’antifascisme n’est pas une idéologie autonome ; c’est une partie d’un tout, comme le sont les luttes anticarcérales par exemple. Les fascistes, après tout, ne menacent pas seulement les personnes racisées ; ils sont aussi contre les musulman.e.s, les juif.ve.s, les personnes lgbtq+, les immigré.e.s et réfugié.e.s, les féministes, les militant.e.s de gauche, etc. Garantissez bien que votre antifascisme fait la part belle aux autres luttes contre les oppressions.
[Un grand merci aux traducteurs et traductrices de l’article !]