Monter un groupe antifasciste (1) - traduction d’It’s Going Down

Vous êtes nombreuses et nombreux à vous tourner vers nous pour nous demander des conseils pour monter un groupe antifasciste dans votre région. Il n’y a pas une seule façon de s’y prendre, cela dépend beaucoup des réalités locales, et on ne donnera donc pas de solution "clé en main". Cela dit, des camarades nous ont fait parvenir la traduction en français d’un manuel antifasciste publié sur le site anarchiste américain It’s Going Down, que nous vous proposons de découvrir en plusieurs articles : si certains conseils ne sont pas nécessairement applicables de ce côté-ci de l’Atlantique, l’essentiel peut fournir quand même de bonnes bases pour s’organiser, à conditions de les adapter à la réalité hexagonale.

Des groupes antifascistes, souvent appelés "antifas", apparaissent un peu partout à travers les États-Unis et de nombreuses personnes nous ont donc demandé des conseils pour former un groupe. Sachant que la mobilisation antifasciste est différente d’autres formes d’organisation radicales, et que les groupes antifas sont eux-mêmes en pleine transformation, nous avons regroupé ici quelques conseils basés sur des années d’expérience. Toutefois, cet article a été écrit lors d’une situation politique particulièrement susceptible aux changements (février 2017) et il est donc possible que certains conseils soient obsolètes d’ici plusieurs mois ou années.

Cet article couvre de nombreux points comme : les avantages, inconvénients et obligations lorsque l’on agit au nom de l’antifascisme ; les questions concernant l’anonymat et la visibilité aussi bien dans le monde réel que sur internet ; l’auto-défense et les armes à feu ; la gestion des des personnes problématiques et des infiltrations ; la répression étatique ; et les actions à entreprendre en tant qu’antifascistes.

Pourquoi un groupe "antifa" ?

La première question est : Pourquoi former un groupe "antifa" ? L’étiquette a ses avantages et inconvénients, et vous devriez les prendre en considération avant de l’utiliser. Le nom d’antifa a le mérite d’être reconnaissable et vient ainsi chargé d’une certaine crédibilité, mais il induit des engagements précis et des défauts qui lui sont propres.

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Si l’objectif de votre groupe est le type d’organisation publique qui nécessite que vos membres soient clairement identifiables (par exemple organiser des rassemblements anti-Trump ou aider des réfugiés), utiliser l’étiquette "antifa" ainsi que ses symboles traditionnels vous fera rencontrer une opposition qui aurait pu être évitée en vous nommant différemment. Le nom "Las Cruces unie contre le racisme" n’attirera pas la même attention que si vous vous étiez appelés "Las Cruces Antifa" en utilisant la symbolique antifasciste.

Inconvénients

Le principal inconvénient est que les fascistes vont essayer d’identifier des membres de votre groupe et de s’en prendre à vous physiquement. Rester aussi anonyme que possible est le meilleur moyen de minimiser ce problème. Des photos de membres et toutes les informations personnelles qu’ils trouveront peuvent être postées sur des forums suprémacistes, et des ’antifascistes ont déjà été blessés voir tués dans leur engagement. Si vous y êtes confrontés, les fascistes se souviendront de vous pour plusieurs années. Gardez à l’esprit que les antifascistes qui ne sont pas des hommes blancs ont été ciblés beaucoup plus souvent par les fascistes : les femmes subissent plus de harcèlement en ligne, et les personnes racisées sont souvent ciblées individuellement lors de combats.

Engagements

Si vous formez un groupe antifa, il sera attendu de vous plusieurs choses :

1) Repérer les activités des nationalistes, de l’extrême droite et des fascistes. Il sera attendu de votre groupe de documenter sur les groupes et organisations fascistes qui vous entourent. Cela signifie recueillir des informations sur qui fait quoi, et connaître la composition et les personnes clés des groupes actifs. Une fois les informations vérifiées, les groupes antifas publient régulièrement ces informations sous un format accessible publiquement. Il est aussi crucial d’alerter les cibles concernées des menaces contre elles que vous trouverez en faisant vos recherches.

2) S’opposer à l’organisation publique de l’extrême droite. Si le Klan (KKK) ou le National Socialist Movement tient un rassemblement public, si des porte-paroles de l’alt-right viennent dans votre ville, ou si le Daily Stormer tient un meeting, il sera attendu de votre part d’organiser une contre-manifestation. Si ils lancent une campagne de pose d’affiches et de stickers, vous ne devriez pas juste les retirer mais aussi mettre les votre ; combattez aussi leurs campagnes de sensibilisation publique.

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Graffitis nazis trouvés et retirés dans le quartier de Olde Richmond de Philadelphie.

3) Soutenir d’autres antifascistes qui sont ciblés par les fascistes ou arrêtés pour des activités liées à l’antifascisme. Cela peut amener à soutenir des groupes régionaux, ou organiser des levées de fonds et des pots communs pour les prisonniers et les camarades blessés.

4) Construire une culture de défiance vis à vis du pouvoir public. Si vous avez l’intention de travailler avec la police, le FBI, ou d’autres agences ; ou si vous condamnez publiquement des antifascistes qui ne respectent pas la loi : ne vous proclamez pas antifasciste. Les flics seront des partisans de Trump (ou Le Pen en France) ; ne collaborez pas avec eux.

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Un groupe d’antifas tirent des feux d’artifice sur le bâtiment où Milo doit prendre la parole à Berkeley

[à suivre…]