anti-identitaire

Dans l’indifférence générale, Génération identitaire (GI) a organisé samedi dernier une manifestation xénophobe dans Paris sur le thème « On est chez nous » : et c’est vrai qu’ils étaient chez eux, c’est-à-dire dans les quartiers huppés de la capitale. Scander « Nos quartiers ne sont pas des Molenbeek » dans les rues du très chic Ve arrondissement, il fallait oser ! Voici un rapide compte rendu de ce non-événement, et quelques éléments sur les Identitaires, leurs nouveaux amis tradis et aussi leurs homologues autrichiens, présents à la manif.

Les identitaires ont du mal à retrouver un nouveau souffle, malgré l’émergence il y a quatre ans d’une « nouvelle » structure de jeunesse, Génération identitaire, actuellement dirigée par Pierre Larti. Leur « blocage » à Calais en mars dernier, les « occupations » à l’automne 2015 près de Lyon et en région parisienne avaient déjà montré leur incapacité à mobiliser en nombre (quelques dizaines de militants seulement venus de toute la France). Malgré leur faculté à mettre en scène de façon efficace sur internet ces actions finalement assez modestes, le constat est là : même au sein du microcosme d’extrême droite, les Identitaires ne font plus rêver. Et pour cause : leur leader historique Philippe Vardon roule désormais pour le FN, ils se sont fait doubler par l’Action française sur le terrain de l’activisme et on ne les voit quasiment jamais dans la rue (ils étaient comme chaque année absents des rendez-vous traditionnels de l’extrême droite début mai). Pas sûr que leur petite manifestation de samedi dernier change vraiment les choses…

Aberration_identitaire

Génération identitaire voulait pourtant montrer que la rue « n’appartient pas à la gauche » (comprendre au mouvement social qui mobilise actuellement des dizaines de milliers de gens à travers toute la France) : hélas, les très nombreux drapeaux français et les fumigènes peinaient à masquer la faiblesse de la mobilisation. En effet, malgré un mot d’ordre très consensuel (« on est chez nous »), ce sont environ deux cents militants qui se sont retrouvés sous la pluie pour cette initiative pourtant nationale, sur un parcours de deux kilomètres parcouru en moins d’une heure, de la place Monge à la place Saint-Sulpice. Une vingtaine de gugusses du GUD Paris s’étaient pourtant joint au cortège [1], ainsi que quelques hooligans de différents clubs français et des militantEs présentEs à l’hommage pour Sébastien Dézieu deux semaines auparavant, comme Clothilde Marie-Jeanne et Keridwen Chatillon, fille de Frédéric, qui tenaient la banderole le 9 mai dernier. Mais dans l’ensemble, on peut dire que ce n’était pas la foule, ce qui n’a rien d’étonnant car les Identitaires n’ont jamais su faire masse.

Une_autre_jeunesse

À l’aise quand il s’agit de se filmer en plan serré en train de faire un coup médiatique à quelques dizaines, les Identitaires peinent toujours à rassembler plus de quelques centaines de sympahisants. Leur dernière manifestation de ce type dans la capitale remonte à 2010, avec la campagne « Une autre jeunesse », qui avait quand même fait mieux (environ 500 personnes), et qui préfigurait la création de Génération identitaire deux ans plus tard. Cette fois, si les drapeaux français avaient remplacé les drapeaux jaunes frappés du lambda spartiate, rien de nouveau dans les slogans ("islam hors d’Europe", "Français en colère"), mis à part "Black M, on t’encule", un peu de poésie inspirée de l’actualité.

Zizid impératrice

Martin Selner

Au moment des prises de parole, il y a avait quand même une guest star : Martin Selner , responsable des Identitaires autrichiens. Il est assez peu connu en France que les Identitaires ont réussi à exporter leur concept dans plusieurs pays d’Europe, avec des succès assez variables cependant. Les identitaires autrichiens sont l’un des seuls groupes non-francophones qui fassent un peu parler de lui depuis 2013 [2]. En effet, c’est à cette date que remonte leur premier gros coup médiatique, l’occupation du parvis d’une église de Vienne, qui accueillait en son sein des demandeurs d’asile en grève de la faim. Au cours de cette action, et dans la droite ligne des Identitaires français, les petits frères autrichiens (quasi-exclusivement des hommes) ont détourné les mots d’ordre des réfugiés et de leurs soutiens, en lançant une campagne pour « Sepp U. », réfugié de Styrie (une province autrichienne).

Nowotny

Parallèlement à cela, le mouvement identitaire autrichien (IBÖ avec sa structure viennoise WIR, dont l’acronyme signifie « nous » en français), s’agite surtout sur Internet, à grand renfort de vidéos, blogs et autres agit-prop filmées ; il participe à des initiatives du FPÖ et aux rassemblements en mémoire de Nowotny [3]. Martin Sellner, de WIR, s’est également fait remarquer aux côtés du groupe et site internet néonazi Stolz und Frei (Fiers et libres) en pèlerinage sur la tombe de Nowotny et, il y a quelques années (2008), il a fait l’objet d’une plainte pour possession d’armes et pour avoir participé à un autre site néonazi (interdit par la loi autrichienne).

Les Identitaires ont trouvé Jésus

On a aussi pu constater que, dans un esprit plus collectif qu’auparavant, Génération identitaire s’est rapproché d’autres structures pour organiser sa manif. Nos girouettes idéologiques de GI, après s’être faits les chantres de la laïcité républicaine pour défendre leur islamophobie et leur liaison avec Riposte laïque, se tournent désormais vers les catholiques intégristes pour trouver du soutien, en particulier l’Academia Christiana et Dextra, deux structures pourtant peu habituées à la rue.

Academia_christiana

L’Academia Christiana est une université d’été qui propose au mois d’août des « formations » le plus souvent assurées par des personnalités d’extrême droite ou des séminaristes sur des thématiques diverses (islam, capitalisme, catholicisme, société de consommation, spiritualité), avec des intervenants comme Alain de Benoist, Jean-Yves Le Gallou, Guillaume Luyt ou le prêtre lefebvriste Louis-Marie de Blignières.

Victor Aubert
Viktor Auber

Dirigée par Victor Aubert , un scout catho tradi formé à l’institut catholique de Paris, qui enseigne actuellement à l’institut Croix-des-Vents, un établissement scolaire catholique hors-contrat situé à Séez en Normandie, l’Academia Christiana compte également dans son équipe Pierre de Nedde, un membre du SIEL et, au poste de « responsable communication », l’identitaire Julien Langella, qu’on avait déjà présenté ici. Co-fondateur de Génération identitaire dans le Var, mis en examen pour "incitation à la haine raciale" entre autres lors de l’occupation du chantier de la mosquée de Poitiers en 2012, il travaille actuellement pour la mairie FN de Cogolin comme… chargé de communication. Notre « communiquant » prétend avoir quitté GI et avoir adhéré au FN : difficile pourtant de croire qu’il n’ a rien à voir avec le rapprochement entre l’Academia Christiana et GI pour la manif de Paris…

Mathieu Devaux
Mathieu Devaux, de Dextra

Pour ce qui est de Dextra, la seule activité connue de ce groupe francilien dirigé par Mathieu Devaux consiste à animer des conférences dans des cafés, dans le Ve arrondissement ou à Versailles. Fondée par des anciens de l’Action française, partis suite à une crise interne à la fin des années 2000, Dextra ne s’affiche pas royaliste, mais adopte une ligne « pas d’ennemi à droite » qui lui permet d’avoir des invités assez éclectiques lors de ses conférences (de Xavier Raufer à Ivan Blot, en passant par Claude Huet ou Pascal Gauchon).

Comme on peut le voir, surtout avec ces nationalistes de salon, ce n’est pas demain la veille que les Identitaires reprendront la rue. Et d’ailleurs, peut-être faut-il le leur rappeler : la rue, elle est à qui ? elle est à nous !
La Horde

Notes

[1Comme ils l’avaient déjà fait en 2010 pour la manif « Une autre jeunesse ».

[2Auparavant, on avait pu voir le terme « identitär » utilisé sur Internet en 2011-2012, en référence au groupe français, notamment par des groupes d’étudiants proches de certaines Burschenschaften , ces corporations étudiantes d’extrême droite racistes, antisémites et sexistes qui se targuent de pratiquer encore de nos jours le duel à l’épée parce que ça fait vachement viril d’avoir une estafilade sur la joue.

[3Un officier autrichien de la Luftwaffe, au service de l’Allemagne nazie, sur la tombe duquel se recueille tout ce que l’Autriche compte de néonazis ou de vieux nazis