Macron, Maurras, Pétain et l’antisémitisme

Dans un interview à l ’Express datée du jeudi 17 décembre 2020, Emmanuel Macron a de nouveau tenté de réhabiliter deux figures antisémites et nationalistes majeures, Pétain et Maurras, tout en précisant "condamner l’antisémitisme". Le groupe Juifs et Juives révolutionnaires décrypte l’hypocrisie de ce type de positionnement.

Il s’agit ici d’une stratégie claire visant a réaffirmer le "roman national" et ainsi donner des gages au nationalisme, en entérinant sa réhabilitation définitive dans l’imaginaire politique, la période de la seconde guerre mondiale et l’antisémitisme étant ainsi réduits a un "incident de parcours" voir a un détail de leur histoire politique. Un appel du pied très clair a l’électorat fasciste.

Macron prétend dissocier le Pétain de 1917, présenté comme un héros de guerre, de celui de 1940. Pourtant c’est bien le même homme qui a mis fin aux sanglantes offensives du général Nivelle, réprimé les mutins de 1917, massacré des Marocains révoltés pendant la guerre du Riff, appelé a cesser le combat face a Hitler, mis en place les lois antisémites et livré les Juifs et Juives de France aux nazis.

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Montoire, 24 octobre 1940…

Si Macron ne va pas jusqu’au révisionnisme d’ Éric Zemmour et qu’il prétend condamner l’antisémitisme de Pétain, Il s’inscrit bien ici dans l’offensive nationaliste de réhabilitation de Pétain qui fait de son antisémitisme et de sa participation au génocide des Juifs et des Rroms un "point de détail" de son histoire.

Emmanuel Macron a également évoqué Charles Maurras, en prétendant dissocier l’écrivain, le théoricien monarchiste de l’antisémite virulent. Il s’inscrit ici dans une volonté de réhabiliter un référent central pour la pensée de droite en faisant comme si son antisémitisme était accessoire dans sa pensée politique, alors qu’il est central dans sa construction théorique d’un nationalisme intégral définissant le corps national français comme blanc et catholique et faisant des juifs la figure centrale de l’antifrance (le principal des 4 prétendus "états confédérés") contre laquelle il faudrait unifier et mobiliser les "vrais français".

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Une de l’Action française du 5 juin 1936. Directeur politique : Charles Maurras.

Avec une telle rhétorique de blanchiment par dissociation, il est possible de réhabiliter nombre de criminels de guerre, qu’il s’agisse de la seconde guerre mondiale ou des guerres coloniales. Il n’est des lors guère étonnant de voir Macron s’inscrire au cours de la même interview dans la continuité sarkozyste de la rhétorique de "l’identité nationale", une tentative précédente de réhabilitation et de banalisation des thèmes nationalistes.

Quand il parle pour appuyer son propos de la place accordée à la parole des victimes, qui serait selon lui trop importante, Emmanuel Macron reprend également une version du thème de la prétendue "dictature des minorités" qui est centrale dans la pensée d’extrême droite. C’est une manière de nier la réalité des rapports de force et une rhétorique d’inversion du réel dans laquelle la lutte pour la reconnaissance des effets du système raciste et ses conquêtes, arrachées le plus souvent après des années de déni par la mobilisation, sont présentées comme une prétendue preuve du "pouvoir des minorités". En faisant passer les revendications historiques de reconnaissance et de réparation pour une "dictature émotionnelle" on les disqualifie comme objectif politique.
Un tel discours démontre bien l’hypocrisie du pouvoir politique et d’Emmanuel Macron lorsqu’ils prétendent lutter contre l’antisémitisme alors même qu’ils œuvrent a réhabiliter les bourreaux de nos familles. Il est également un indicateur fort de la période politique que nous vivons, où le retour a un discours nationaliste de plus en plus décomplexé s’inscrit dans une réhabilitation progressive de ses théoriciens et ses figures historiques et la réduction du génocide et de l’antisémitisme au rang de détail de l’histoire française et européenne.

Cela doit sonner comme un rappel de la nécessité de reconstituer un front uni contre le racisme, dont l’antisémitisme, d’où qu’il vienne.

Juifs et juives révolutionnaires