Lutte syndicale contre l’extrême droite

Depuis janvier 2014, plusieurs organisations syndicales (CGT, FSU, Solidaires, Une…) ont lancé une campagne intitulée « Uni·e·s contre l’extrême droite, ses idées, ses pratiques » : un nouvel appel a été publié la semaine dernière pour la relancer, le voici.

Les dernières séquences électorales européennes et la hausse des suffrages exprimés pour des candidats d’extrême droite, en particulier le RN, renforcent notre conviction et notre détermination de toujours plus développer au plus près des salarié·e·s des analyses, initiatives, communications en particulier sur les réseaux sociaux, actions syndicales contre ce poison pour les droits des salarié·e·s actuel·le·s, ancien·ne·s ou bien futur·e·s, que représente le développement des idées identitaires, antisémites, islamophobes, racistes et xénophobes. L’extrême droite est un vieux courant politique qui, par le passé, a déjà sévi pour s’opposer aux aspirations populaires : dans les années 1930, ce sont les ligues fascistes qui ont voulu par exemple renverser la République, mais ce sont aussi tous les mouvements autour de Pétain qui ont collaboré au régime nazi et participé aux crimes contre l’humanité pendant la Seconde Guerre mondiale, ou l’OAS pendant la guerre d’Algérie. Le Front national, créé en 1972, est clairement l’héritier de cette histoire et s’inscrit dans ce courant politique, qui comprend de nombreux mouvements : les Patriotes, les Identitaires, Alain Soral et Dieudonné, Dupont-Aignan, la Manif pour Tous et bien d’autres...

« Respectabilité » de façade

Ce n’est pas le changement de nom en Rassemblement national, leur habile stratégie de communication, leur volonté de donner l’image d’un parti à la fois respectable et différent des autres qui change la donne : ce parti est fondamentalement fasciste, raciste, violent, divise les salarié·e·s et au-delà tend à toujours plus opposer les citoyen·ne·s entre elles et eux.

Sa stratégie de dissimulation en un « parti respectable » nourri par la colère sociale (retraite à 60 ans, augmentation de l’allocation aux adultes handicapés et du minimum vieillesse, « défense » des services publics) n’est qu’un leurre pour capter des voix de salarié·e·s frappé·e·s par les politiques néolibérales et des choix austéritaires qui se succèdent depuis des années. Les critiques sociales proclamées par ce parti sont une stratégie masquant leur absence totale de volonté de renverser le déséquilibre à l’œuvre entre celles et ceux qui possèdent du capital et les salarié·e·s ne vivant que de leur travail. Rien à attendre de leur part pour nos salaires, notre protection sociale, les services publics, la sortie de l’austérité. L’observation des mairies tenues par l’extrême droite le confirme. Les récentes déclarations de Le Pen sont d’ailleurs très éloignées des propositions et revendications de l’intersyndicale nationale qui se bat contre la contre-réforme de la retraite par points depuis plus de deux mois. Pour rappel, lors de la lutte contre la loi « Travail » (qui permet notamment aux accords d’entreprise de déroger au Code du travail sur de nombreux points) il y a trois ans, plusieurs amendements ont été déposés par les sénateurs RN Rachline et Ravier pour la suppression du compte pénibilité, pour le doublement des seuils sociaux (nombre de salarié·e·s dans une entreprise à partir duquel il faut organiser des élections pour élire des représentant·e·s du personnel). Face à la popularité de l’action des salarié·e·s contre la loi « Travail » dans l’opinion publique, le RN s’est vu contraint de faire marche arrière et de retirer ses lamentables amendements.

Une campagne de longue haleine contre l’extrême droite

Engagée le 29 janvier 2014, la campagne unitaire « Uni·e·s contre l’extrême droite, ses idées, ses pratiques » a permis, tout en lançant l’observatoire national intersyndical des municipalités tenues par l’extrême droite, d’organiser des journées d’étude dans les départements avec nos militant·e·s respectif·ve·s sur le contenu du danger que représente l’extrême droite. Depuis mai 2015, des temps forts à proximité de villes gérées par des équipes municipales d’extrême droite ont rassemblé plusieurs centaines de salarié·e·s, retraité·e·s, privé·e·s d’emploi, étudiant·e·s dans l’Hérault, le Vaucluse, le Pas-deCalais, en Moselle mais aussi à Lyon l’année dernière.

Nos ateliers portant sur les « municipalités d’extrême droite employeuses », sur les attaques de ces municipalités contre le milieu associatif et culturel, sur leur rapport à l’éducation, ou encore sur le décodage de leurs stratégies de communication, font voler les masques. Ils libèrent la parole dans des lieux ou les pressions et intimidations sont légion. Leur gestion des communes démontre l’imposture de ce parti : leur absence de volonté de s’attaquer à la précarité, leurs attaques contre des associations caritatives mais aussi leur clientélisme et les pressions antisyndicales sont toujours leur marque de fabrique ! Leur récent amour pour les fonctionnaires et services publics est conjoncturel, leurs propositions s’inscrivent dans une logique libérale, populiste et sécuritaire.

La base de la politique du RN c’est la priorité nationale, reformulée en « patriotisme économique » – l’ancienne version c’était la « préférence nationale ». Bref, des termes qui tous expriment la volonté politique d’aider le patronat français tout en excluant une partie des classes populaires de l’accès à l’emploi, au logement, à la santé ou aux aides sociales en raison, officiellement, de la nationalité mais aussi – à en croire les meetings – de l’origine. Le RN joue donc sur la corde « antimondialiste ». Pour notre part, nous revendiquons une autre mondialisation où les solidarités internationales priment en termes économiques, politiques et sociaux, contrairement à l’opposition entre les peuples prônée par l’extrême droite. En effet, que le capitalisme soit d’ici ou d’ailleurs, peu importe : pour les salarié·e·s, c’est bien l’exploitation qui est en cause. C’est bien cela qui provoque l’appropriation des richesses par une minorité. Et c’est bien l’union à grande échelle des salarié·e·s, quels que soient leur nationalité et leur lieu de travail, qu’il convient de rechercher. Le droit du travail français est par exemple le seul à permettre aux salarié·e·s étranger·ère·s d’être candidat·e·s et électeur·rice·s lors des élections professionnelles ! Nous diviser sous couvert de « préférence nationale » ne peut servir que ceux qui exploitent et accaparent les richesses.

L’extrême droite n’a pas changé

Sur les réseaux sociaux ou dans la presse, de nombreux cadres de ce parti tiennent des propos honteux et souvent condamnables par la loi. Leur dernière provocation à Brest de promettre de « s’occuper des opposants une fois au pouvoir » a le mérite d’être clair. L’extrême droite a toujours été et sera toujours violente, pour les catégories visées par les discours, actes et politiques de haine et d’exclusion mais aussi pour ses opposant·e·s !

Nos organisations proposent aux étudiant·e·s, aux salarié·e·s, aux agents de la Fonction publique, aux privé·e·s d’emploi, aux retraité·e·s de s’organiser au quotidien, sur les lieux de travail, d’études ou de vie, pour améliorer nos droits et combattre les discriminations. Ce travail de longue haleine se poursuit et nos organisations souhaitent fédérer le plus largement possible pour sortir du piège qui résignerait les travailleur·se·s à choisir entre austérité, libéralisme outrancier et replis identitaires. De nombreuses mobilisations le montrent : la solidarité, l’égalité des droits, la justice sociale sont des aspirations fortes dans le monde du travail !
Paris, le 10 février 2020