L’Oeuvre française et les Jeunesses nationalistes n’acceptent pas leur dissolution

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L’Oeuvre française et les Jeunesses nationalistes n’acceptent pas leur dissolution

DECRYPTAGE - Les mouvements proches de l’extrême droite l’Oeuvre française et les Jeunesses nationalistes vont déposer un recours concernant la dissolution de leurs mouvements, annoncée ce mercredi par Manuel Valls. Explications.

Vers un recours devant le Conseil d’Etat

Le président et fondateur des Jeunesses nationalistes, Alexandre Gabriac, par ailleurs membre de l’Oeuvre française, n’entend pas accepter une mesure qu’il juge arbitraire. "Nous ne reconnaissons pas cette dissolution et nous allons nous y opposer par tous les moyens possibles, notamment par la voie juridique", réagit-il aurès du JDD.fr , ajoutant qu’il préparait actuellement un recours devant le Conseil d’Etat. Selon lui, les affirmations du ministre de l’Intérieur Manuel Valls, accusant ces groupes de propager une idéologie antisémite et des thèses négationnistes sont sans fondement : "Nous n’avons jamais été condamnés pour des affiches et des tracts commettant ce genre de délit. Le jeune responsable omet de dire qu’à titre personnelle, il a été décrié lorsqu’en 2011, des photos le montrant faisant le salut nazi ont tourné sur Internet.

Le président de l’Oeuvre française, Yvan Benedetti, joint par leJDD.fr , fustige lui aussi la décision du ministre de l’Intérieur qui "n’était même pas français quand est né l’Oeuvre française". "L’expression ouverte de l’antisémitisme est interdite par la loi, rappelle Jean-Yves Camus, politologue spécialiste de l’extrême-droite interrogé par leJDD.fr . Ces groupes s’arrangent donc pour contourner la loi. Ils assurent souvent ne pas être plus antisémite que Saint-Louis pour balayer la question." Saint-Louis, le roi qui a obligé les juifs à porter un signe distinctif, pratique assez courante dans l’Europe du XIIe siècle.

Le plus vieux mouvement encore en activité

L’Oeuvre française, fondé par Pierre Sidos en 1968, est le plus ancien groupuscule d’extrême droite encore en activité en France. C’est l’un des derniers militants de l’ultra droite à avoir été actif durant la Seconde guerre mondiale. Fils d’un important fonctionnaire de Vichy fusillé à la Libération, il est proche de la pensée franciste, un dérivé français du Fascisme italien. Lui-même a été emprisonné en 1944. "Cette histoire familiale est centrale dans la pensée de Sidos", explique Jean-Yves Camus.

Proche de l’OAS (l’Organisation de l’armée secrète, un mouvement luttant pour l’Algérie française) et "père tutélaire" des jeunes membres d’Occident (groupement étudiant d’extrême droite dans les rangs duquel on trouvait Patrick Devedjian, Gérard Longuet, Alain Madelin ou encore Hervé Novelli) dans les années 1960, il a été à la tête pendant 40 ans, d’un mouvement dont la doctrine n’a pas vraiment évoluée. "Ce qui marque chez l’Oeuvre française, c’est une certaine forme de culte de la personnalité", note le politologue. Les Jeunesses nationalistes, fondée en 2011 par Alexandre Gabriac représente la branche jeunesse de l’organisation de Sidos.

Une médiatisation disproportionnée

"Ces organisations, considère Jean-Yves Camus, ont d’excellents communicants à leur tête. On l’a vu notamment lors des manifestations contre le mariage pour tous, durant lesquelles ils ont été très médiatisés." Trop peut-être, au vu du nombre d’adhérents. L’Oeuvre française et les Jeunesses nationalistes ne représenteraient à eux deux que 400 personnes tout au plus. Pour le spécialiste, ils sont le prototype de tout ce que l’extrême droite peut comporter de personnages caricaturaux.

Des mouvements qui peuvent renaitre ?

"Il y a toujours un risque de voir ce type d’organisations se reconstituer, car la mesure prise par le gouvernement ne concerne que le groupe et non ces membres qui peuvent toujours avoir des activités politiques", explique Jean-Yves Camus. "Dans la pratique c’est courant, mais les responsables s’arrangent pour créer une nouvelle structure assez différente de l’ancienne pour ne pas avoir de problème avec la justice. Ils gardent tout de même des similitudes pour que les militants suivent." Ce n’est d’ailleurs pas la première fois qu’un mouvement fondé par Pierre Sidos est dissout ou interdit. Il en a été ainsi pour Jeune Nation en 1958, le Parti National en 1959 ou encore Occident en 1968. "Si la détermination politique est là, et elle l’est, il parait douteux que les décrets de dissolution soient invalidés par le Conseil d’Etat", conclu Jean-Yves Camus.

Maxence Knepper - Le Journal du Dimanche
mercredi 24 juillet 2013