Les récentes accusations concernant la place de Claude Hermant dans un trafic d’armes et ses éventuels liens avec des services policiers, nous permettent de revenir sur un phénomène qui n’a pas été assez mis en lumière : l’implication de militants d’extrême droite dans des opérations de police, que l’on peut qualifier sans soucis de barbouzardes. Derrière la posture de rebelle de chaque militant d’extrême droite, se cache un homme ou une femme prêt à tout pour servir la réaction et l’Etat. Pour rappel, voici quelques exemples sur les dernières décennies de militants d’extrême droite en service commandée.

Le militant nationaliste a toujours eu une fascination pour l’armée et la police, même les plus rebelles. C’est sans doute ce qui explique la facilité avec laquelle différents services de police ont toujours pu recruter dans le vivier nationaliste. Qu’il soit manipulé ou recruté, le militant nationaliste se place toujours du côté de la réaction et de l’ordre établi.

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En mai 68, lorsque les affrontements éclatent dans les rues du Quartier latin, les militants d’Occident, qui n’hésitaient pas quelques jours plus tôt à cracher leur haine du pouvoir gaulliste, se rangent dans leur immense majorité derrière le pouvoir pour participer aux opérations de répression sur les barricades ou renseigner la police et le SAC sur les identités et adresses des étudiants d’extrême gauche. Ils sont d’ailleurs de la grande manifestation du 30 mai 1968 sur les Champs-Elysées pour soutenir De Gaulle. Preuve de cette soumission au pouvoir en place, Occident sera épargné lors du décret de dissolution du 12 juin 1968, le ministre de la justice de l’époque René Capitant, expliquant à la presse que « le mouvement Occident (…) ne s’est pas dévoilé comme un mouvement subversif ».

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En 1970, Gilbert Lecavelier [1], sur la demande des RG, intègre le service d’ordre d’Ordre Nouveau. Les dirigeants de ce mouvement acceptent sans hésiter, Lecavelier étant bien connu à l’extrême droite pour ses liens avec les services de police. Ils espèrent ainsi avoir des informations de la part de la part des RG ou de l’aide en cas d’arrestation d’un militant. Gilbert Lecavelier se présente à Jean-Claude Nourry [2], chef du SO d’ON le 26 février 1970 en ne cachant pas sa mission, à savoir infiltrer ON pour les RG, récupérer les informations sur les militants nationalistes qui composent le mouvement et accéder aux archives d’Ordre Nouveau sur les mouvements d’extrême gauche. En échange Nourry et Lecavelier tombent d’accord pour que le mouvement soit protégé sur certaines opérations et certains services.

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Lecavelier monte donc un service de renseignements sur l’extrême gauche en utilisant les militants d’ON au service de l’Etat. En échange ON concentre son action et son militantisme contre les syndicats et militants d’extrême gauche, bénéficiant de la complaisance de la police en cas d’arrestation. Informations récupérées par Lecavelier qui seront également disponibles pour certains services secrets européens. Les militants d’Ordre Nouveau, via l’ETEC (officine parallèle du SAC dirigé par Lascorz [3], pour lequel travaille Lecavelier) vont également faire le service d’ordre et des actions « parallèles » pour déstabiliser des candidats de gauche sur ordre de la droite au pouvoir.

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Ordre nouveau organise en 1973 un meeting intitulé « Halte à l’immigration sauvage », qui sera le cadre d’affrontements avec les militants de la Ligue Communiste et différents groupes antifascistes. À cette occasion, les RG et Lecavelier aident ON à déménager et cacher les armes du mouvement avant la « perquisition officielle » du mouvement devant les caméras de télévision et le ministre de l’Intérieur. Déménagement qui prend plus de temps que prévu, puisque les policiers et le ministre ont la surprise de découvrir des armes oubliées par « les déménageurs », pressés par le temps [4].

Ordre Nouveau au Palais des Sports en 1971, par Marc Noé 1

René l’élégant, de son vrai nom René Resciniti de Says, membre de l’Action française, pro-Algérie française, se met à plusieurs occasions dans le rôle d’homme de main de l’Etat pour exécuter ses basses œuvres, en travaillant pour Bob Denard, en faisant le service d’ordre pour Giscard et surtout en remplissant des contrats pour assassiner des militants d’extrême gauche à la demande du SAC, dont Henri Curiel et Pierre Goldman [5].

En 1986, les étudiants manifestent contre la loi Devaquet. Serge « Batskin » Ayoub, entouré des skins nazis de sa bande et de membres du GUD, attaque les manifestations d’étudiants puis se replient derrière les cordons de policier en toute tranquillité. Une équipe de télévision à l’époque filme les faits.

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PNF

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. Le parti de Claude Cornilleau, qui avait pour objectif d’infiltrer la police, via le syndicat FPIP en autre, comptait tellement de membre des forces de l’ordre dans ses rangs qu’il était difficile de savoir si c’était l’Etat qui infiltrait le PNFE ou l’inverse. Dans tous les cas ce parti adepte de la stratégie de la tension, dont les membres ont commis plusieurs attentats à la bombe, avait reçu une formation dans la manipulationdes explosifs de la part … d’un militaire en fonction au moment des faits.

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Lors du mouvement étudiant contre le Contrat Première Embauche (CPE) en 2006, le FNJ et différents membres de groupuscules comme le Renouveau Français, parviennent à se rendre à pied, dans le quartier de la Sorbonne, quadrillé depuis des semaines par les forces de l’ordre, devant la place de la Sorbonne pour attaquer un rassemblement de grévistes. Après les affrontements, ce groupe se retire sans problèmes derrière les lignes de CRS tandis que les étudiants grévistes ont droit à des tirs de flash-ball des policiers pour les empêcher de poursuivre les petits rats noirs.

La Horde

Notes

[1Cet ancien parachutiste et membre du SAC, rejoint le Front national au début des années 1980 et a été l’un des cadres du service d’ordre du parti, bien avant qu’il ne soit renommé DPS.

[2Jean-Claude Nourry a participé à la fondation d’Ordre Nouveau dont il devient rapidement le responsable pour le Service d’Ordre. Favorable à l’activisme il quitte ON à la création du Front National et rejoint les solidaristes pour former le Groupe Action Jeunesse, le GAJ. Il réintégrera le FN en septembre 1977 pour prendre des responsabilités au FNJ. Entre temps il a été recruté par Pierre Sergent, ex OAS, pour faire le SO lors de la campagne présidentielle de Giscard en 1974. Il participera également aux milices patronales chargées de repérer les syndicalistes et leaders d’extrême gauche dans les usines automobiles dans les années 70 afin de les « neutraliser ».

[3Charlie Lascorz, va créer dans les années 70 un SAC parallèle, qui lui sera complètement inféodé. Spécialisé dans l’extorsion de fons via l’ETEC, il donnera également dans l’infiltration des mouvements sectaires et templiers.

[4Pour plus de détails sur cette mission de Lecavelier : Aux ordres du S.A.C. Gilbert Lecavelier Albin Michel, P75 à 85

[5Christian Rol, Le roman vrai d’un fasciste français : Vie et mort de l’homme qui tua Pierre Goldman et Henri Curiel , La Manufacture de livres,coll. « Documents »,‎ 2015. A note que le livre tient plus de l’hagiographie que de l’enquête documentée. Rien de bien surprenant quand on sait que l’auteur était déjà responsable du livre sur Maxime Brunerie.