L’Action antifasciste tchèque, groupe autonome qui existe depuis 1996, a réussi à démasquer des groupes néonazis organisés, à dévoiler l’infiltration de néonazis dans l’armée tchèque, et à identifier des auteurs de crimes racistes violents. Elle a envoyé à la Horde un dossier très complet (traduit par nos soins) sur les liens entre le Front national et des politiciens tchèques corrompus, racistes et antisémites. Édifiant !

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En mai 2015, la présidente du Front national français Marine Le Pen a visité Prague, la capitale tchèque. Elle est venue à l’invitation du Parti Civique Conservateur tchèque (Občanská konzervativní strana, OKS) et les membres du parlement Tomio Okamura et Radim Fiala. La visite à Prague de Le Pen était l’aboutissement d’un long processus de séduction de la part du FN vis-à-vis du Parti Civique Conservateur (OKS) et d’autres regroupements politiques tchèques, principalement de l’ultra-droite et de la sphère très conservatrice de l’échiquier politique. Le but du présent article est de fournir une brève introduction aux partenaires et associés tchèques du FN français et de décrire leur cadre idéologique ainsi que leur passé politique, qui est souvent embourbé dans la corruption et le scandale.

La séduction de partis tchèques par le Front national

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Ludovic De Danne

Dès septembre 2014, l’OKS a produit un document dans lequel Ludovic de Danne , un conseiller de Marine Le Pen, confirmait que le parti allait devenir le partenaire officiel et exclusif du Front national en République tchèque. Un mois plus tard, Marine Le Pen, présidente du groupe du Front national au Parlement Européen, Aymeric Chauprade, et la tête d’OKS, Jiří Janeček, se rencontrèrent au Parlement Européen afin d’affirmer les similitudes de leurs programmes respectifs. En novembre 2014, Janeček est apparu en tant qu’invité au 15ème congrès du Front national à Lyon. En mars 2015, le Front National reconnu une fois de plus l’OKS comme étant son unique partenaire officiel en République tchèque. Lors de la visite de Le Pen à Prague, l’OKS fut confirmé en tant que membre du MENL (Mouvement pour l’Europe des Nations et des Libertés), dirigé par le Front national.

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Adama B. Bartos
Eh là qui va là, Inspecteur Bartos…

Toutefois, l’OKS n’a pas été le seul parti tchèque avec lequel le Front National français a entamé des discussions afin de collaborer ensemble. Parmi les autres partis en lice pour un partenariat il y avait Non à Bruxelles - Démocratie Nationale (Ne Bruselu – Národní demokracie), dirigé par le célèbre antisémite tchèque, Adam B. Bartos . Déjà en juin 2014, Bartoš félicita Le Pen pour son succès électoral et en octobre de la même année, il envoya Daniel Solis – un fameux promoteur tchèque des théories du complot - à Paris afin de négocier avec Ludovic de Danne un partenariat possible entre les deux partis. De Danne a annula, cependant, la réunion au dernier moment, prétendant être pris par des devoirs à Bruxelles.

Tomio Okamura

Une autre figure en lice pour collaborer avec le Front National est l’« entrepreneur politique » tchèque Tomio Okamura , actuellement à la tête du parti Liberté et Démocratie Directe (Svoboda prima demokracie, SPD). Après la visite de Le Pen à Prague, à laquelle il participa et qu’il aida à organiser, il a tweeté qu’il avait signé un protocole d’accord en vue d’une collaboration avec le Front national.

Jiří Janeček et le Parti Civique Conservateur

Jiří Janeček est un politicien et un entrepreneur tchèque connu pour des scandales de corruption et pour sa xénophobie. Dès 2002, il fut un membre du Parti Civique Démocratique (ODS), un parti conservateur tchèque dirigé depuis 1991 par son fondateur et plus tard président Václav Klaus. En 2013, Jiří Janeček fonda l’aile ultra-conservatrice du parti Pravá la frakce (« Faction de droite »), rendant hommage au désormais ancien président tchèque Václav Klaus - le projet échoua cependant et la même année, Janeček quitta l’ODS.

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En 2014, il fonda le Parti Civique Conservateur (OKS) à partir des restes de Pravá Frakce. Bien que Janeček fut membre du Parlement pendant deux ans, il attira l’attention publique le plus en 2010 avec sa proposition controverséedéplacer les sans-abri du centre de Prague dans un camp clôturé et surveillé à la périphérie de la ville, une proposition qui est devint connue comme étant « la solution finale au problème des sans-abri ». À l’époque, Janeček défendait l’idée en affirmant que les sans-abri représentaient un danger pour la sécurité et la santé des citoyens de Prague, et que s’ils refusaient d’obéir aux ordres de la police ,« nous ferons une place pour eux à la périphérie de Prague, où ils ne dérangeront personne ». Les personnes travaillant pour les organisations se consacrant à l’aide aux sans-abris ont souligné que l’idée d’un camp pour les sans-abris était analogue à celle des camps de concentration.

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Janeček également occupé le poste de conseiller municipal de l’ODS (4 ans pour le Conseil municipal de Prague, et 4 ans en tant que conseiller du district municipal de Prague 11) et c’est dans le cadre de son mandat que plusieurs scandales virent le jour. En tandem avec Dalibor Mlejnský, ses activités ont abouti à une mauvaise gestion totalement catastrophique des fonds publics de la municipalité de Prague 11. Une série d’accords désavantageux touchant des propriétés appartenant à la ville ont quitté le budget de la municipalité dans le désordre. Janeček lui-même (avec 39 autres conseillers) a été inculpé pour vente désavantageuse de biens publics par la Brigade de lutte contre le crime organisé (ÚOOZ).

La municipalité de Prague 11 a effectué un grand nombre d’opérations commerciales désavantageuses et les pertes financières de la municipalité ne seront probablement jamais correctement évaluées. Le cas le plus connu impliquait une tentative de vendre une propriété municipale pour une fraction du prix de marché à Tweelingen - une entreprise avec une structure de propriété inconnue et sans antécédent traçable - dans le but de construire un gratte-ciel sous le couvert d’une « revitalisation du parc public ».

Roman Janoušek

Ajoutons que Janeček a des liens démontrables et étroits avec des figures représentant des promoteurs immobiliers (avec qui il a socialisé aux Rallye Paris - Dakar, par exemple), ainsi qu’avec l’ancien maire de Prague Pavel Bém, rendu célèbre par un scandale de corruption déclenché par la fuite d’écoutes téléphoniques de la police de ses communications avec l’influent lobbyiste Roman Janoušek de Prague.

En 2013, Janeček quitta le Parti Civique Démocratique (ODS), principalement en raison d’une forte opposition locale au sujet de ses machinations avec la propriété publique, son implication dans la vente désavantageuse de propriétés municipales, et les activités manifestement corrompues des autorités municipales sous l’égide de l’ODS. De ce fait, l’ODS est devenu pratiquement inéligible dans la municipalité de Prague 11 et, en tant que tel, a cessé de fournir un tremplin viable pour une carrière politique.

Il convient également de noter que, au cours du mandat politique de Janeček, les militants civiques et les politiciens de l’opposition qui critiquèrent les accords suspects et défavorables de l’ODS furent confrontés à des intimidations de type mafieuses. L’actuel maire de Prague 11, ancien chef de l’opposition Jiří Styler, fut attaqué dans sa maison par un homme inconnu et battu jusqu’à qu’il perde connaissance ; il finit à l’hôpital avec une blessure à la tête et le nez cassé. Avant cela, il avait été soumis à la surveillance de l’agence de sécurité ABL, probablement sur les ordres du maire ODS de Prague 11 maire et copain de Jiří Janeček, Dalibor Mlejnský. Le but de cette surveillance était surement de trouver du matériel compromettant. Les séries d’attaques contre des politiciens de l’opposition et des militants incluaient également des pneus d’automobile crevés et des pare-brises cassés.

En 2012, les médias ont rapporté que Jiří Janeček cherchait à récupérer de l’argent qu’il aurait prêté à l’entrepreneur Eva Krenčí. Mme Krejčí réplica qu’elle avait déjà remboursé sa dette, comme il s’avéra au cours des procédures judiciaires que Janeček avait violé la loi à plusieurs reprises, et Mme Krejčí avait perçu une commission publique de la part de la municipalité pendant le mandat de conseiller municipal de Janeček.

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Pour ce qui est du Parti Civique Conservateur, il a depuis sa fondation suivi une orientation ultra-conservatrice avec les traditionnelles caractéristiques anti-UE, politiques anti-immigration et anti-islam, nationalisme exacerbé, etc. De même, l’OKS est également un fervent partisan des politiques russes, à la fois intérieures et extérieures, et donc de Vladimir Poutine. En outre, Janeček de façon quelque peu surprenante relança sa campagne anti-SDF. Depuis sa création, le parti a cherché des alliés à l’échelle nationale et internationale. Cette année,l’OKS a signé un protocole d’accord de collaboration avec le Parti Démocratie Nationale dirigé par Adam B. Bartoš, qui est célèbre pour avoir exprimé des opinions ouvertement antisémites (pour plus de détails, voir ci-dessous). Toutefois, le pacte a été rapidement annulé et les deux parties se sont lancées dans une campagne d’attaques mutuelles.

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Janeček et De Danne.

La visite de Marine Le Pen à Prague a été organisée par l’OKS en collaboration avec Tomio Okamura, un politicien et entrepreneur d’origine tchéco-japonaise, l’un des adversaires tchèques les plus virulents de l’Islam, et des membres du parti populiste tchèque Úsvit (Aube), qu’avait fondé Okamura plus tôt avant d’être évincé après que les médias aient rapporté la mauvaise gestion des fonds et la comptabilité inadéquate concernant la gestion du parti. Mis à part le Front National français, l’OKS a un autre partenaire proche à l’étranger - le Parti Autrichien de la Liberté (FPÖ) – en plus de ne pas cacher ses sympathies à l’égard de la Lega Nord italienne.

Adam B. Bartos et Démocratie Nationale

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Le parti Démocratie Nationale a émergé en 2014 dans le sillage de l’ancien parti Právo un spravedlnost (Droit et Justice). En termes d’idéologie, c’est un parti ultra-nationaliste, son projet principal comprenant l’antisémitisme, l’euroscepticisme, une tentative de rétablissement de la peine de mort, le rejet des droits de la communauté LGBT, et d’opposition au soi-disant multiculturalisme. Sur ces points, Démocratie Nationale rejoint le parti néo-nazi tchèque DSSS (Dělnická strana sociální spravedlnosti, Parti des Travailleurs de la Justice Sociale) avec qui ils ont formé un bloc électoral commun.

Le partenariat a implosé quand le chef du Démocratie Nationale, Adam B. Bartoš, dénonça le chef de DSSS comme étant un informateur de la police. Actuellement, toutefois, Démocratie Nationale et DSSS coopèrent ouvertement à nouveau. Comme indiqué ci-dessus, le parti est entré plus tard dans un bref partenariat avec l’OKS, lequel a également implosé. Similaire à l’OKS, Démocratie Nationale est profondément pro-russe.

L’idéologue en chef et chef de file de Démocratie Nationale est le chroniquer politique d’extrême-droite Adam B. Bartoš, rendu célèbre par une pléthore de déclarations plus ou moins explicitement antisémites, ainsi que la constitution d’une liste des Juifs tchèques.

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Parmi ses "exploits" les plus récents, une corde brandie au cours d’un discours lors d’un rassemblement anti-immigration qu’il a organisé. Pendant le discours, il a affirmé que les réfugié-es étaient des « nègres en chaleur payés par les Etats-Unis, qui peuvent très bien venir un jour vous violer ». Plus tard, il a déclaré que les réfugiés devaient être « internés » dans les locaux de la Forteresse Theresiendstadt- anciennement un camp de concentration nazi pendant la Seconde Guerre Mondiale.

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Ces derniers mois, Bartoš a lancé plusieurs grands rassemblements anti-immigration surnommés « rassemblement du peuple », co-organisés par des néo-nazis. Les co-organisateurs portant des badges comprenaient des néo-nazis du groupement Cesti LVI, aka les Lions tchèques, alors que les discours étaient prononcés par des membres de l’organisation néo-nazie Generace Indetity, un groupe formé sur le modèle des mouvements identitaires nationaux de l’Ouest, recrutant ses membres issus des milieux de la défunt réseau néo-nazi Autonomní nacionalisté (nationalistes autonomes). Des personnages collaborant étroitement avec Generace Identity comprennent le vice-président du parti, Ladislav Zemánek, qui prend conjointement part aux activités du réseau international néo-nazi Front de Solidarité Européen pour le Kosovo. Récemment, il a également été vu avec des néonazis alors qu’ils se rendaient aux funérailles d’un citoyen tchèque tué en Ukraine oùil combattait du côté des séparatistes pro-russes.

https://vimeo.com/148540581

Tomio Okamura, Démocratie Nationale et le mouvement Aube

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Okamura et Marine Le Pen en 2015.

Tomio Okamura est un entrepreneur tchèque d’origine japonaise, qui au cours de ces dernières années a poursuivi une carrière politique fondée sur un projet à fort potentiel populiste - en République tchèque ceci se concentre principalement sur la question de l’intégration de la minorité Rrom et, plus récemment, l’immigration et l’islam. Jusqu’à cette année, la question dominante était l’intégration des Rroms. Okamura a acquis une certaine notoriété en présentant des informations infondées ou manipulées dans les médias. Plusieurs de ces déclarations ont été analysées par le site demagog.cz, dédié à la vérification des faits dans le discours politique tchèque.

Tomio Okamura

Cette année, par exemple, Okamura a affirmé que, dans les 70 dernières années, la population Rrom a augmenté par un facteur de trente-deux, et que ce fait représente une menace pour la sécurité imminente pour la République tchèque. Il a dit littéralement : « À mon avis, la forte hausse du taux de natalité des Rroms conjointement avec problème de l’immigration représente l’un des deux principaux risques de sécurité pour l’avenir de la République tchèque ». Il refusa de divulguer la source des statistiques qu’il prétendait citer. L’Office de statistiques tchèque nie l’existence de telles données et à la suite de cette déclaration une plainte a été déposée contre Okamura. Auparavant, il avait exprimé la proposition selon laquelle les Rroms devraient avoir leur propre pays - où ils devraient aller en quittant la République tchèque, ou que les Rroms devaient être « démocratiquement » relocalisé-es en Inde

Il y eut aussi un incident similaire lorsque Okamura a affirmé que Lety u Písku n’avait jamais servi de camp de concentration nazi : « les victimes dans le camp n’étaient pas des victimes de l’Holocauste. Faire cette comparaison est irrespectueux envers les réelles victimes de l’Holocauste, Rroms ou Juifs, dans des vrais camps de concentration. ».

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Manif de soutien à Vlastimil Pechanec.

Les exploits controversés d’Okamura comprennent également une visite en prison à un prisonnier inculpé pour assassinat raciste, Vlastimil Pechanec et ce fut ce même sentiment anti-Rrom, qui le faisait crier quand il répondait aux critiques de la candidature de Klára Samková pour son parti (Mme Samková avait tenu des propos pro-Rroms dans le passé) en affirmant qu ’« elle n’a pas de goutte de sang tsigane dans son sang  ». Okamura est également apparu au « Rassemblement du peuple » précité d’Adam B. Bartos. Une autre indignation politique était son appel public à promener des cochons à proximité des mosquées.

La première affiliation politique d’Okamura fut l’Aube du parti Démocratie Directe qu’il a fondé en 2013. Le parti se présentait lui-même comme étant une force d’avant-garde pour la démocratie directe, mais n’a jamais présenté d’idées cohérentes, et bien à l’instar d’Okamura, il poursuivait un projet plus ou moins aléatoire défini par un potentiel populiste. Depuis le tout début, le fonctionnement du parti était opaque. Selon l’enquête menée par l’hebdomadaire Reflex, qui a également publié des factures suspectes, Okamura a probablement dérobé des actifs du parti, détournant jusqu’à 1.000.000 CZK des fonds du parti chaque mois.

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Lorsque ces affaires sont devenues publiques, en même temps que d’autres concernant le manque de transparence du financement de la campagne présidentielle d’Okamura, une scission est survenue au sein du parti. A la suite de tout ceci, Okamura a été évincé et a fondé un nouveau parti politique - Liberté et Démocratie Directe. C’était sous cette égide qu’il a continué à marquer des points politiques sur le dos de rassemblements anti-immigration, y compris les « Rassemblements du peuple ». L’actuel chef d’Úsvit est Marek Černoch, l’un des principaux critiques de l’immigration et de l’islam en République tchèque. En tant que principale source d’inspiration pour la nouvelle Úsvit (Aube), ils citent le Front National français. Okamura a été en difficulté auparavant, comme quand il se porta candidat pour le Sénat en 2012 et qu’il fut accusé d’avoir fait de la fraude électorale.
Action antifasciste tchèque