Les Brigandes à deux mains
Les Brigandes, stars de deux mains ?

Lors de la 9e journée nationaliste et identitaire de Synthèse nationale, les Brigandes provoqueront sans doute un certain émoi, tant chez les visiteurs que chez les « vedettes » invitées à l’ouvrir. Au terme d’une étude, si ce n’est exhaustive, au moins laborieuse, La Horde va tenter de vous éclairer sur cette formation agitant la "réacosphère" en multipliant les offrandes vidéo-musicales mal "branlées" [1]

Programmée le 11 octobre prochain à l’Espace Jean Monnet de Rungis (Val-de-Marne), la 9e Journée nationaliste et identitaire de Synthèse nationale sera « the place to be » pour une bonne partie des représentants, militants et sympathisants de différentes chapelles de l’extrême-droite française - voire européenne. Si de nombreux exposants ne manqueront pas de mettre en lumière et en avant leur association, mouvement, librairie, maison d’édition, revue ou commerce, du côté de la tribune, un certain nombre de personnalités naviguant à droite de la droite auront tout le loisir de donner de la - Troisième ? - voix. Plus ou moins con-vaincus et conquis d’avance, les visiteurs pourront - quelle chance !?- s’emplir de pesantes ritournelles dégorgées par le théoricien nationaliste-révolutionnaire italien et ancien terroriste Gabriele Adinolfi, le président de la Ligue du Midi Richard Roudier, Serge Ayoub (que l’on ne présente plus…) et bien d’autres rossignols. Aussi, grâce aux Brigandes, cerise musicale de ce rendez-vous automnal [2], l’enivrement sera total et la fête d’autant plus… fun.

La “dissidence“ à gorge déployée

Formation exclusivement féminine (du moins face caméra), les Brigandes ont commencé à titiller la “réacosphère“ au coeur de l’été 2014. Dans un clip à deux doigts du manifeste, publié sur un espace de franc(h)e rigolade, à savoir le Comité de salut public (lire notre focus sur cette régalade en bas de notre article), les sept “vengeuses“ masquées pointent un chapelet d’ennemis, tout en invitant les « guerriers » à ne pas attendre demain pour se sortir les poings et partir au combat « contre la tyrannie ».

Marianne, leader des Brigandes
Marianne, meneuse des Brigandes.

De notre côté, c’est contre l’hilarité, la sidération et l’ennui que la lutte a été menée. Un difficile chemin de croix : voilà en quoi a consisté notre visionnage de ce que Marianne, l’omniprésente meneuse se définissant comme « catholique » , « royaliste » et « saltimbanque » , qualifie de « petites bombes » lancées « dans la cour du système » [3]. Très vite, on se rend compte que la même recette sera appliquée dans chacune de ces (désormais régulières) incitations à la haine musicales lancées à la face du monde : des compositions et des arrangements rachitiques, le plus souvent martyrisants de lenteur et de longueurs, associées à d’improbables chorégraphies et mises en scène. Si l’oeuvre de Didier Barbelivien et les spectacles scolaires de fin d’année vous transportent et constituent selon vous la quintessence de l’art et du bon goût, vous adorerez les “Brigandes“, ou vous en êtes déjà une… Sinon, bon courage !

Voilà pour le contenant, intéressons nous maintenant au contenu. Qui et que trouve t-on dans le viseur des Brigandes ? Durant la difficile épreuve d’endurance à laquelle nous n’avons pu que nous plier sont évoqués - et le plus souvent moqués - pêle-mêle, « les gauchos » [4] et les « antifas » , les « politicards » , de gauche comme de droite, la culture américaine, le phénomène “Je suis Charlie“, les « rebeus » , l’Islam, le cannabis, les « pédés » , les francs-maçons, les jésuites (à l’origine honnie), le tout étant jugé beaucoup trop envahissant.

Amuser, mais aussi rassembler, telles semblent être les missions de nos Brigandes. Pour faire glisser le masque de leurs intentions, ne comptez pas trouver votre bonheur en vous tournant vers les médias “mainstream“. Marianne n’a (pour le moment ?) accordé d’interviews qu’à la “dissidence“. Ainsi, au début du mois de juin, et avant que cet énième site de « réinformation » ne ferme ses portes, c’est à Euro Reconquista que la chef de filles s’est livrée : « Si on cherche la motivation derrière notre travail artistique, c’est de soulever la chape qui nous écrase tout en faisant plaisir à tous ces gens qui souffrent dans un système qui les humilie en permanence. » Humiliés, dénigrés, ces opprimés peuvent désormais piocher à loisir dans plus d’une dizaine de chansons « à la fois contestataires et humoristiques » sur la (déca) décadence (ohé ohé !) « de la société moderne » [5].

Les Brigandes, antisémitisme
Obsédées les Brigandes ?

Contre la submersion, une subversion au poil…

Le constat ne surprendra personne, les notions d’envahissement et de submersion dominent et animent la grande majorité des paroles de nos guerrières. En cela, la vidéo intitulée “Le grand remplacement“ s’avère explicite. La scénographie, dépouillée, et la chorégraphie, cette fois-ci limitée à sa plus simple expression, signifient clairement que là, ces “stars“ montantes de l’“entertainment“ ne rigolent plus, c’est du sérieux, elles vont “envoyer du lourd“, dénoncer les vrais ennemis, agissant dans l’ombre étoilée pour notre perte. Une dénonciation dont la barbe n’en finit pas de pousser, et pas seulement à l’extrême-droite… Une barbe bien plus longue que celles des juifs orthodoxes introduisant la vidéo, dont le cliché est vite associé à des propos attribués à un rabbin extrémiste soutenant que l’envahissement de l’Europe par des bataillons islamiques serait « une bonne nouvelle » , en tant que prémices au retour du « Messie d’Israël » . Antisémites les Brigandes ? Disons que l’accumulation de références, d’une vidéo à l’autre, met en lumière cette obsession, il est vrai si peu originale chez les cathos tradis, cette frange devant aussi goûter, avec délice et gourmandise, leurs subtilités “tragi-lyri-comiques“ contre les hordes musulmanes.

Fourre tout

Si l’on devait résumer, sans s’attarder à nouveau sur la qualité du produit (des dégoûts et des coulures, on ne discute pas indéfiniment…), le fourre-tout idéologique proposé ici, même s’il en froisse certains [6], a tout pour contenter du monde à l’extrême-droite, et pas seulement ce dimanche, lors de la petite sauterie de Synthèse nationale. Début septembre, lors d’un entretien chez ses amis royalistes de Vexilla Galliae, Marianne s’enorgueillissait de voir les Brigandes toucher « une sphère assez large depuis Egalité et Réconciliation jusqu’à la Fraternité Saint Pie X, en passant par les Dieudonnistes de la quenelle [7], le FN des partisans de Jean-Marie Le Pen [8], et de manière générale la mouvance dite nationaliste, qu’elle soit chrétienne, paganiste ou agnostique. » Et de préciser alors, vorace, « on mord aussi dans les casernes et dans divers espaces culturels où se maintient une certaine idée de la France » .

D’autres brigandages à venir ?

Premier avorton d’un genre embryonnaire, ce groupe de filles si peu épicées annonce-t-il une portée “pop antimondialiste“ beaucoup plus consistante ? D’autres jeunes femmes, qu’elles fassent partie des Antigones [9], des Caryatides [10] ou d’aucun mouvement féminin d’extrême-droite, vont-elles à leur tour se lancer dans le brigandage musical ? Que tout le monde se rassure, nous sommes encore loin de ce type de raz-de-marée. Plus sûr, dans les semaines et les mois à venir, les fans devraient pouvoir continuer à dodeliner d’un air entendu en se saoulant de nouveaux hymnes. Un CD d’une douzaine de titres est en effet annoncé. A la Horde, ça sent déjà la galette…

Le Comité de salut public ne veut pas qu’« amuser la galérie »…

Antoine, CSP
Antoine, figure de proue du Comité de salut public.

Le Comité de salut public (CSP, œuvrant dans le prolongement de Morts aux cons productions) est un espace encore aujourd’hui essentiellement destiné à diffuser les vidéos des Brigandes, mais aussi des reprises (a)variées. On y trouve, par exemple, des versions “nationalisées“ de “tubes“ de Charles Trenet, Claude Nougaro, Bob Dylan, John Lennon, les Rolling Stones. Egalement de nouvelles moutures de chansons ayant fait le succès de France Gall, Dalida, Brigitte Bardot et Nancy Sinatra, grâce auxquelles la meneuse des Brigandes nous montre, sans retenue, l’étendue de son talent…

Mais le CSP ne compte pas s’arrêter à la gaudriole. Jeune (21 ans) représentant du comité, toujours prêt à apporter son soutien et ses lumières lors des interviews de Marianne à “Radio Brigandes“, Antoine précise que le but n’est pas de rester sur internet, « des webmasters qui amusent la galerie » . Son rêve : aller plus loin en arrivant à « rassembler des personnes appelées par l’idée de résistance, les rassembler physiquement pour se former, de toutes les manières possibles, aux combats actuels et futurs » . L’idée n’est « pas de lancer un énième mouvement électoral » , mais « une force d’union qui encouragerait toutes les productions, quelles soient artistiques, intellectuelles, culturelles, etc, qui vont contre l’idéologie mondialiste » . Quel nom pour ce “beau“ projet ? L’idéologue en herbe et ses amis ont déjà poussé la réflexion : « Alliance pour la reconquête » , « Alliance naturelle » , « Alliance pour la défense de l’ordre naturel » , « Union des forces libres » … N’en jetez plus ! Si vous cherchez à étonner, à défaut de déton(n)er, nous avons une proposition : “Légion des Onanistes Libres“. L’acronyme serait du meilleur effet sur vos tee-shirts…
La Horde

Notes

[1Il faut voir ici une référence à la vidéo sobrement intitulée “Les Brigandes“, et son fameux mantra « On s’en branle » , amusant certains, choquant les plus sensibles…

[2Hélas pour les visiteurs mélomanes, c’est en formation réduite que se produiront les Brigandes ce jour là. Ces dames masquées ont vu le loup et font naturellement passer leurs responsabilités de mère de famille avant la gaudriole politique.

[3 Propos tirés d’une “interview“ accordée à Radio Brigandes, en juillet dernier. On n’est jamais aussi bien servi que par soi-même…

[4Groupe fourre-tout au sein duquel elles incluent le chanteur bretonnant Gilles Servat, célèbre notamment pour “La Blanche Hermine“. Condamnant (notamment dans “Touche pas à la blanche hermine“) l’utilisation de cette chanson par des militants d’extrême-droite, l’auteur a eu droit à sa reprise de la part des Brigandes. Intitulée “La rouge hermine“, ou, dans une autre version, “La rouge v’hermine“, la parodie n’en finit pas de dégouliner…

[5 Propos tirés d’un long entretien de Marianne avec les “roycos“ de Vexilla Galliae, publié début septembre.

[6Leur critique des jésuites a, par exemple, ému quelques catholiques. Ces derniers sont renvoyés dans les cordes et à la lecture d’une fiche explicative consultable sur le site du Comité de salut public.

[7 Sans doute pas assez judéophobe ou un peu trop islamophile au goût de certains, Dieudonné a eu droit à une réponse sous forme de reprise. Si cela vous dit (gourmands !) d’entendre encore Marianne s’époumoner…

[8 Entre le père et la fille Le Pen, Marianne a choisi, cette dernière estimant que la présidente du FN est entourée d’ « agents de subversion » et que son « parti parlementariste va s’échouer » .

[9Lire notre décryptage de cette aventure présentée comme apolitique et émancipatrice, en fait liée, essentiellement, à la mouvance identitaire et plaidant en faveur du rôle traditionnel de la femme : art2518 

[10Des Caryatides présentes, le 10 mai dernier, lors de ce qui devait être le grand raout de l’extrême droite radicale, réunie (ou presque) pour un vibrant (et beuglant) hommage à Jeanne d’Arc (au secours !). Pour plus d’infos sur ce joyeux équipage printanier : art11567