Le FN face aux mouvement sociaux

Extrait du dossier de VISA n°4, que vous pouvez télécharger en version intégrale ici :

Ces deux derniers mois, écoulés depuis le congrès du FN, ont par ailleurs vu des conflits sociaux se développer, à la SNCF, dans les fonctions publiques, mais aussi dans les universités autour de la « Loi ORE » (ou « Loi Vidal ») relative à la sélection à l’entrée de l’université. Si des groupes extraparlementaires d’extrême droite, tels que la mouvance identitaire, le GUD devenu « Bastion social » dans plusieurs villes, mais aussi l’Action française, se sont illustrés pendant cette période par des attaques violentes contre des occupations de locaux universitaires, la partition était plus difficile pour le FN.

Du fait d’un électorat en partie d’extraction populaire, surtout dans le Nord et l’Est de la France, ce dernier aurait des difficultés politiques s’il choisissait de heurter de front les mobilisations sociales. D’où une certaine discrétion publique sur cette dernière période. En parallèle, le débat, à l’Assemblée nationale, du projet de Loi « Asile et immigration » entre le lundi 16 et le dimanche 22 avril 2018, a permis au FN de sortir du bois médiatiquement. Ce terrain lui est favorable, comme a chaque fois que le débat public est dévié vers la « problématique de l’immigration » et que d’autres forces politiques donnent raison au FN en criant à la prétendue invasion.

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En l’occurrence, la droite LR s’est livrée à une surenchère anti-immigration, établissant fréquemment un prétendu lien avec le terrorisme lors du débat parlementaire. FN et LR se sont d’ailleurs souvent renvoyé la balle au cours de ce débat, et ont voté plusieurs amendements ensemble. Sur la même semaine, un sondage IFOP publié le 18 avril 2018 montrait une remontée voire une progression des intentions de vote pour Marine Le Pen, qui récolterait (selon ce sondage) 23 % des voix lors du premier tour d’une élection présidentielle. Cela ferait un pour cent et demi de plus qu’au premier tour du 23 avril 2017.

Le FN a été contraint d’aborder la question des conflits sociaux avec un peu plus de délicatesse. Néanmoins, dans un premier temps, à la mi-mars 2018, Marine Le Pen a choisi de moquer ouvertement (face à des journalistes de la presse parlementaire) les « syndicats qui pleurnichent dans la rue », et a prédit aux cheminots et cheminotes en lutte qu’ « ils auront du mal à mobiliser beaucoup de gens », tout en fustigeant le « jusquauboutisme » syndical. Son compagnon et vice-président du parti, Louis Aliot, qualifiait quand à lui l’exercice du droit de grève de recours à un « moyen archaïque ».

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Cependant, le ton avait changé lorsque Marine Le Pen passa sur RTL, le 10 avril 2018. Elle prétendait « partage(r) la vision des cheminots, qui défendent un service public » dans le secteur des transports. Mais, ajouta-t-elle, face à une grève qui agacerait les usagers et coûterait cher aux grévistes, il existerait une autre solution, qui allait pouvoir réconcilier ces différents intérêts en présence :Il suffirait, prétendait-elle, que les cheminots rendent le train gratuit pour les usagers, ce qui satisferait ces derniers et coûterait de l’argent à l’employeur SNCF.

Une fausse bonne solution, cependant, puisque d’autres y ont pensé bien avant elle : La « grève de la poinçonneuse » (ainsi appelée autrefois) a fait l’objet d’un arrêt de la chambre sociale de la Cour de cassation en 1989, dans lequel la cour considère qu’elle ne constitue pas un exercice valable du droit de grève. Les juges ont d’ailleurs considéré cette action comme une mauvaise exécution (délibérée) du contrat de travail. Les salarié-e-s de la SNCF en lutte qui suivraient le conseil de Marine Le Pen seraient ainsi très mal conseillé-e-s, puisqu’ils ou elles s’exposeraient à des sanctions, aux conséquences éventuellement graves.

Certes, un rapport de forces pourrait faire reculer l’employeur. Mais ça, la présidente du FN ne le dit absolument pas ! Elle se contente d’arborer une fausse « solution simple », faisant l’économie de toute réflexion sur les rapports de force sociaux… qui, de toute façon, ne sont pas sa tasse de thé politique, et même totalement étrangers à la nature idéologique de l’extrême droite.

Cette dernière reste bien la pire ennemie des salarié-e-s, même si elle sait se déguiser en prétendue amie. Bien qu’il n’ait pas réussi à prendre le pouvoir en mai 2017, le FN reste un danger politique à prendre au sérieux et à combattre.
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