Alors que lundi 12 mai, Farida Belghoul, à peine remise de son week-end passé au côtés des catholiques intégristes de Civitas et des défenseurs de la race blanche de feu l’Œuvre française (voir compte rendu ici), appelait, avec le soutien appuyé de Dieudonné, à une nouvelle Journée de Retrait de l’École, sans savoir pour l’instant si l’échec aura été aussi cuisant que lors de la dernière tentative le 31 mars, le journaliste du Monde Luc Cédelle revient sur le phénomène et l’analyse de façon assez intéressante sur son blog Interro Écrite, en particulier justement sur ces rapprochements en apparence contre-nature avec l’extrême droite racialiste et ultra-catholique. Extraits :

Les militants des JRE (…) se mettent en scène dans un combat absolu, sans compromis possible. La soi-disant « théorie du genre », présentée en dehors de toute réalité comme le cœur même de la politique éducative et des pratiques scolaires, est décrite dans les propos publics de Farida Belghoul et de ses soutiens comme « une abomination » , une façon de « massacrer nos enfants » , cette expression étant répétée avec la même intensité hypnotique que si ces derniers étaient directement et à l’instant même aux prises avec des criminels.

diable

Ajoutons que le « démon » , pour eux nullement métaphorique, est dans l’esprit de ces militants associé à toutes sortes d’évocations sexuelles, formulées avec une troublante insistance et des accents enfiévrés qu’on aurait cru réservés aux films sur l’Inquisition. Le cœur du propos est une vertigineuse et permanente glissade d’un concept à l’autre. Sur le mode du réquisitoire véhément, toute mention de l’égalité entre hommes et femmes, toute allusion aux stéréotypes de genre reviennent pour eux à nier les différences biologiques, donc à priver les individus de leur identité sexuée, donc à promouvoir l’homosexualité, donc à la rendre obligatoire... Leur condamnation globale de la « perversion » aboutit invariablement à l’amalgame avec la pédophilie, laquelle, selon le « projet diabolique » prêté aux pouvoirs publics, serait ainsi institutionnalisée.

Les JRE ne présentent pas de revendication négociable. Exiger comme ils le font le « retrait » de la théorie du genre à l’école - soit d’une disposition qui n’existe pas - revient de leur part à se choisir un ennemi inamovible et à s’installer dans un univers mental privé de toute possibilité d’apaisement. Le seul chemin ouvert est celui de la fuite en avant. (…)

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On aurait pu penser que les JRE, issus de la marginalité politique, ne manqueraient pas d’être encore plus isolés sitôt leurs outrances connues. Or, c’est l’inverse qui se produit. Depuis sa première apparition marquante, début février, ce mouvement a renforcé ses bases, perfectionné sa propagande, élargi ses cibles de recrutement, rencontré de nouveaux alliés, et réussi à impulser une dynamique même si celle-ci marque le pas. Son compagnonnage avec l’essayiste youtubeur d’extrême droite Alain Soral ne lui a aucunement été préjudiciable. Il n’a pas non plus découragé l’alliance déjà esquissée les mois précédents par Farida Belghoul avec les les milieux catholiques de droite et d’extrême droite.

Cette alliance, au départ inconcevable, puis qui paraissait de pure circonstance, est aujourd’hui solidement scellée, transformée en un acte politique capable de faire bouger les lignes à la droite de la droite... et d’y semer au passage une certaine confusion. Le discours « anti-genre », hissé dans les milieux catholiques conservateurs au niveau d’un « combat de civilisation » à la faveur des mobilisations contre le mariage homosexuel, était déjà remarquable de virulence. Farida Belghoul en incarne une version spectaculairement « décomplexée » où le style d’expression est celui de la harangue enflammée. Loin de choquer, ce style séduit.
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