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Des Bonnets rouges, ancêtres des Gilets jaunes, à la manif d’extrême droite de janvier 2014, aux côtés du GUD, de Civitas et de Dieudonné…

À quoi ressemblait la manif « Jour de Colère » ? On s’est rendu sur place pour en juger, et voici le fruit de nos observations, forcément partielles, mais qui peuvent quand même donner une idée de ce qui s’est passé aujourd’hui. Plutôt qu’un compte rendu exhaustif, quelques impressions.

Il faut d’abord reconnaitre le succès de l’initiative : s’il n’y avait pas 120 000 personnes dans les rues, ce sont quand même une vingtaine de milliers de manifestants qui, malgré une pluie froide et pénible, ont battu le pavé, dans une relative bonne humeur. Beaucoup de jeunes, des slogans plutôt repris, des cortèges bien coordonnés, du monde donc alors que les poids lourds « officiels » de l’opposition de droite au gouvernement (UMP, Front national, Avenir pour Tous, direction des Bonnets rouges) avaient finalement renoncé à s’associer à ce qui s’annonçait dès le départ comme un mélange des plus hétéroclites. On ne vous refait pas la liste, pour l’essentiel, tous ceux qui avaient dit qu’ils viendraient étaient là.

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Au premier plan avec le béret, Thierry Maillard, ex OF, ex FN, et son maigrelet Réseau Front Nationaliste.

Sur quoi les gens présents se sont retrouvés ? On a du mal à croire que Hollande, si peu charismatique, puisse autour de sa personne rassembler autant de mécontents. L’abondance des drapeaux français, la Marseillaise reprise par tous, pas de doute, ces gens-là ont le sentiment de sauver la France du danger qui la menace, chacun mettant derrière ce mot ses propres obsessions : défense de la famille, dénonciation de l’Europe, grogne anti-fiscalité, angoisse du chômage, peur viscérale de la sodomie… L’antisémitisme était aussi fédérateur : malgré les mises en garde au micro des organisateurs sur les propos « diffamants », et si l’euphémisme « sioniste » était préféré en début de manif, le slogan « Juif, la France n’est pas à toi » a été hurlé à pleins poumons boulevard de l’hôpital (cf. vidéo). L’antiféminisme raciste n’était pas en reste : les Femen qui avaient tenté sur le boulevard Henri IV une apparition se sont faites traiter de « putes ukrainiennes » et de « salopes ».

Si en tête de cortège, c’est plutôt classique, avec une banderole « Hollande démission » sans surprise, et une physionomie plutôt vieille France et classiquement réac, la fin du cortège était plus originale… Deux chants dominaient en effet la manifestation : la Marseillaise comme on l’a dit, mais aussi le détournement par Dieudonné du Chant des partisans (« François, la sens-tu, qui se glisse dans ton cul, la quenelle… ».). C’est qu’une partie du dynamisme de la manif était sans conteste assurée par ses partisans, venue défendre leur idole.

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si c’est bien des Caryatides dont il est question ds la légende,
n’oublions pas qu’il s’agit là de militantes de l’OF (dissoute
aujourd’hui), et nous connaissons la place de la femme dans ce mouvement :
derrière les mecs ! (photo twittée par Lauren Provost)

Il y avait en effet différents cortèges thématiques (famille, identité, etc.), dont un consacré à « la liberté d’expression ». Logiquement, les militants d’extrême droite de l’Œuvre française, dissoute cet été, y étaient avec leur potiches des Caryatides, ainsi que la plupart des nationalistes radicaux dont quelques amis de Serge Ayoub, et beaucoup de sans-amis aussi. Mais les pro-Dieudonné avaient prévenu qu’ils seraient là, et ils ont tenu parole : le voisinage des Noirs, des Arabes, des gars lookés « lascars » venus en nombre faire des quenelles en agitant un drapeau français ont laissé plus d’un militant nationaliste dans un état de sidération (car c’est clair que ce n’était pas les petits Blancs présents aussi dans les rangs des fans de Dieudonné qui heurtaient leur sensibilité). Certains puristes ne s’y sont pas trompés : Riposte laïque avait prévenu qu’elle ne défilerait pas avec les pro-Dieudo assimilés à l’islam conquérant, et bon nombre de militants nationalistes ont raillé sur Internet cette compromission avec « les muzz et les nègres » comme ils disent. On peut en effet s’étonner que nos vaillants défenseurs de la race blanche européenne aient laissé sans incident ni même une protestation se faire voler la vedette par ceux-là mêmes qu’ils désignent dans leurs revues et leurs discours comme leurs ennemis héréditaires… L’antisémitisme n’excuse pas tout !

Blague à part, ce qu’on a vu cet après-midi avait tout pour plaire à ceux qui, comme Dissidence française ou Soral et sa clique, tentent depuis des années de rapprocher la France bleu-blanc-rouge de la France black-blanc-beur. On peut remercier Valls au passage d’avoir rendu cela possible en mettant en scène le martyr Dieudonné… Reste à voir ce qu’il en sortira finalement, tant ce « Jour de colère » laisse une impression de grande confusion. Les seuls à être restés cohérents, en définitive, furent les antifascistes qui ont déployé une immense banderole face au cortège dénonçant aussi bien Valls, Marine Le Pen que Dieudonné.

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Banderole des antifas : "Vallas, Marine, Dieudo : tous fachos !"