"Hommage à Pétain" : l’héritage collaborationniste de Macron

Lu sur le Facebook de Nantes révoltée :

« Pétain a été un grand soldat ! » C’est par cette déclaration que le président Macron veut célébrer le centenaire de la première guerre mondiale. En 1917, Pétain est général, et il est le boucher de Verdun. Il fait fusiller pour l’exemple des soldats réfractaires, qui refusent d’aller mourir inutilement dans une guerre infâme. 20 ans plus tard, celui qui est devenu Maréchal précipite la France dans l’une de ses pages les plus sombres, en collaborant avec les nazis, et en faisant déporter des dizaines de milliers de juifs, de tsiganes, et de résistants.

Macron prétend rendre hommage au « soldat » plutôt qu’au chef d’État. Comme si l’on pouvait rendre hommage au peintre qu’était Hitler plutôt qu’au dictateur nazi. Un tour de passe-passe rhétorique d’un cynisme absolu. Au delà de cette nouvelle sortie polémique, il semble que Macron porte en lui un héritage pétainiste depuis plus longtemps qu’il n’y paraît. Quelques éléments.

Une symbolique réactionnaire

Le 8 mai 2015, Emmanuel Macron, encore ministre de l’économie, se rend dans la ville d’Orléans pour célébrer Jeanne d’Arc, vieux symbole de l’extrême droite. A cette occasion, il estime en toute décontraction qu’« il nous manque un Roi ». Le futur président affirme déjà sans complexe sa nostalgie de l’ancien Régime, nostalgie qui se manifestera une fois à l’Élysée, par un train de vie luxueux et ostentatoire et un mépris affiché du peuple. Macron règne comme un monarque.
Le slogan « En Marche », une simple coïncidence ? Le Régime de Vichy avait nommé une série de reportages de propagande très diffusés sous l’occupation sous le titre : « La France en Marche », exaltant les valeurs traditionnelles et nationalistes. C’est cette formule issue du pétainisme qui est recyclée 70 ans plus tard par le candidat banquier pour lancer son mouvement. Celui-ci reprendra aussi beaucoup le slogan « ni droite ni gauche » durant la campagne présidentielle. Un slogan qui appartient à l’origine au Front National et au répertoire de l’extrême droite.
En février 2017 enfin, Macron, en campagne, déclare que la loi sur le mariage pour tous a « humilié » les participants à la « manif pour tous », les homophobes. Un hommage assumé à la fraction la plus réactionnaire et maurassienne de la population française. Dans le même ordre d’idée, récemment, Macron a fait insérer discrètement une croix dans le symbole de la République Française. Une grave entorse à la laïcité en faveur du christianisme.
Ces éléments symboliques – nostalgie monarchiste, référence au pétainisme, clin d’œil à la droite dure – sont autant de signaux politiques qui traduisent un héritage philosophique spécifique.

Un héritage philosophique

Macron passe sa scolarité dans un établissement privé catholique puis suit le parcours classique du technocrate français : l’ENA, le secteur privé, la politique. Au cours de son cursus, il s’initie à la philosophie au côté de Paul Ricœur. Ce penseur protestant, d’abord proche de la gauche dans les années 1930, rejoint le collaborationnisme pendant la guerre, et donne une conférence dans le cadre du « Cercle Pétain », qui sera publiée dans une revue vichyste : L’Unité française. Après guerre, Ricœur devient une figure du mouvement Personnaliste, qui prône une troisième voie spirituelle, entre le capitalisme et le marxisme. Ceux qu’on nomme les « non conformistes des années trente » regroupent à la fois des intellectuels venus de l’extrême droite, des chrétiens, et des libéraux, autour de revues telles que Jeune Droite, l’Ordre Nouveau et Esprit.
En 1995, en plein mouvement social contre le Plan Juppé de destruction de la Sécurité Sociale, Paul Ricœur prendra parti pour le gouvernement de droite contre les syndicats. C’est dans ces mêmes années que l’intellectuel prend le jeune Emmanuel Macron sous son aile. Ce dernier déclare en 2015 : « Paul Ricœur m’a rééduqué sur le plan philosophique ».

Saccager l’héritage de la Résistance antifasciste

La violence sociale du président est décomplexée. Tout le monde se souvient des innombrables déclarations qualifiant « d’illettrées », de « fainéants » ou de « fouteurs de bordel » les travailleurs. Ces phrases ne sont jamais des « dérapages » : elles sont un signal, autant qu’elles traduisent une conception du monde. Celle d’une guerre sociale assumée, qui détruit ce qui reste des acquis sociaux de la Résistance.
En octobre 2007, le vice-président du MEDEF, Denis Kessler, déclarait : « il s’agit aujourd’hui de sortir de 1945, et de défaire méthodiquement le programme du CNR ! » A la Libération, les antifascistes du Conseil National de la Résistance, regroupant les différentes sensibilités qui avaient lutté contre l’occupant nazi, avaient compris qu’il fallait, pour éviter le retour du totalitarisme, garantir une répartition équitable des richesses. Dans une France en ruine, avec des maquis communistes en position de force, et un patronat durablement discrédité par son implication dans la collaboration, les résistants avaient réussi à imposer un programme inédit de progrès social intitulé « Les jours heureux », libérant la presse des puissances financières, organisant la sécurité sociale pour toutes et tous et l’accès à la culture. Ce pacte social est attaqué depuis les années 1980 par les gouvernements successifs, qui privatisent, précarisent, et favorisent les plus riches. Le pouvoir en place depuis 2017 se charge de porter le coup de grâce.
En un mot, Macron est l’incarnation de l’anti-résistance. Sur le plan symbolique et économique, il est même en partie un héritier du pétainisme.

Nantes révoltée