Histoire et variations du logo antifasciste (1) : les origines

À l’occasion de la publication de notre traduction du livre sur l’histoire du mouvement antifasciste allemand, nous vous proposons d’en savoir plus sur le célèbre logo aux deux drapeaux, symbole de l’antifascisme un peu partout dans le monde.  Bern Langer, dont nous avons traduit l’ouvrage, est en effet l’auteur de la version moderne (en 1989) de ce logo, initialement créé en 1932 (l’historique que nous vous présentons ici reprend de larges passages de son livre).

Alors que, le 11 octobre 1931, les forces national-conservatrices allemandes tentèrent d’intégrer dans une alliance commune (baptisée le Hazburger Front) le NSDAP d’Aldof Hitler, qui, quelques jours plus tard, faisait une démonstration de force avec la Marche des 100 000 SA à Brunswick, le Parti communiste allemand (KPD), le Parti socialiste allemand (SPD) et d’autres non-organisés tentaient de faire face à la situation.

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Les 17 et 18 octobre 1931, 100 000 SA défilent dans les rues de Brunswick.

Les trois flèches

En réaction au Harzburger Front, la Reichsbanner, le SPD, le Allgemeiner Deutscher Gewerkschaftsbund (ADGB), le Allgemeiner Angestelltenbund (Afa-Bund) et le Arbeiter Turn- und Sportbund (ATSB) formèrent le Front de fer le 16 décembre 1931. Son symbole était trois flèches (pour le SPD, la Reichsbanner et l’ADGB) qui partaient d’en haut, à droite pour aller vers le bas, à gauche.

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À gauche, le logo original : en haut à droite, sa reprise par la SFIO, et en bas à droite, par les Red Skins de Limoges.

Les flèches faisaient voler en éclats l’une une couronne, l’autre une croix gammée et la troisième un marteau et une faucille. Ce symbole des trois flèches sera repris en France en 1934 par la SFIO, et il est encore aujourd’hui un symbole parfois utilisé par les antifascistes, comme ce fut le cas pour les Red Skins de Limoges, qui en avaient retracé l’historique ici.

En réaction, puisque le Front de Fer revendiquait son anticommunisme, le KPD appela à la Einheitsfront Aktion (l’action d’un front uni), qui fut renommée peu de temps après Antifaschistische Aktion. Les préparatifs pour cette initiative avaient d’ailleurs commencé avec la création du Front de fer.

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Congrès d’Union du Reich de l’Antifascistische Action le 10 juillet 1932 à Berlin.

En 1932, le KPD était un parti complètement stalinien, et une ingérence démocratique de la base sur la direction du parti était exclue. La naissance de l’Antifaschistische Aktion intervint plutôt dans le cadre du concept bien connu de politique de front uni, relatif à la fois au contenu et à la stratégie, selon la directive du Komintern, et elle ne marqua aucune rupture avec la ligne anti-socialdémocrate. La création de l’Antifaschistische Aktion correspondait donc clairement à une volonté manifeste des communistes de contrecarrer le Front de fer, et n’était pas au départ explicitement dirigé contre les nazis. Les communistes voulaient plutôt que la base du SPD tout autant que celle du NSDAP les rejoignent dans leur politique contre le système capitaliste. Il y eut ainsi des apparitions très démonstratives et des discours d’invités du SPD et de la Reichsbanner et, de temps à autre, des membres des SA firent des apparitions à la tribune et parlèrent de travail commun…

Création du logo aux deux drapeaux

C’est à ce moment que l’emblème avec les deux drapeaux, qui symbolisaient le KPD et le SPD (uniquement la base du SPD, pas le parti en tant que tel) inscrits dans une bouée de sauvetage avec l’inscription « Antifaschistische Aktion », apparut sur presque toutes les publications et dans toutes les manifestations du KPD. Les graphistes Max Keilson et Mal Gebhart, membres du Bund revolutionärer bildender Künstler Deutschlands (BRBKD), en étaient les auteurs. L’agitation politique menée par le KPD marcha à plein régime à partir de ce moment-là. À l’aide d’affiches, de journaux et de numéros spéciaux, le parti essaya de se poser en initiative riche de perspectives.

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Et de fait, il fut possible de s’adresser à des membres du SPD par le biais de l’Antifaschistische Aktion. Dans cette mesure, la politique du KPD s’avéra performante, alors qu’au départ, elle se dirigeait largement contre la social-démocratie. Le SPD de son côté ne faisait guère de différences entre nazis et communistes : ainsi, chaque social-démocrate qui voulait participer à l’Antifaschistische Aktion devait se positionner contre son propre parti.

À suivre : Les années 1980, le temps du renouveau