Hayange : riposte sociale face au Front national (vidéo)

Invitée par la CNT de Metz, La Horde a participé ce week-end à différentes initiatives antifascistes (soirées-débats, manifestation) sur la région d’Hayange, petite ville de Lorraine dont le maire, Fabien Engelmann, compte parmi les élus FN des dernières municipales : cet ancien militant de Lutte ouvrière a surtout connu son heure de gloire pour avoir été exclu de la CGT, dont il était secrétaire de section, après avoir annoncé en 2012 se présenter comme candidat FN (il avait à l’époque annoncé des dizaines de "coming out" du même ordre, qu’on attend toujours), devenant ainsi la caution ouvrière d’un parti qui, en dépit de son programme très défavorable aux classes populaires, aimerait bien capter leurs voix.

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Le vendredi 30 mai, à Nilvange, une ville mitoyenne d’Hayange, une soirée sur le thème " l’extrême droite : mieux la connaître pour mieux la combattre " était organisée dans le bar associatif Le Gueulard. Avec ses trente ans d’existence, le lieu, malgré les difficultés, n’a rien renié de son projet initial : géré en Scop, le Gueulard propose un espace convivial, spacieux et ouvert, qui pouvait jusqu’à il y a peu accueillir également des concerts (cette activité est désormais déplacée dans un nouvel espace prochainement ouvert au public). Ce soir-là, des militants avaient fait le déplacement, ainsi que des habitants de Nilvange dont c’était le premier contact avec la lutte antifa : après une présentation par la Horde, sous forme de diaporama, du discours de l’extrême droite et de sa réalité contemporaine, le débat s’est engagé principalement sur la banalisation des idées du FN et sur l’absence problématique d’alternative crédible à gauche. La soirée s’est terminée autour d’une assiette de gnocchis, en écoutant Pitou et sa guitare.

Le lendemain, à l’appel de la CNT de Metz et d’Alternative libertaire, une manifestation dans les rues d’Hayange était annoncée, pour dénoncer « le populisme, la défense d’un capitalisme national, les attaques envers les organisations de travailleurs, la fermeture des frontières, la désignation de boucs émissaires » qui fondent le discours frontiste, « dont l’objectif n’a jamais été de défendre la classe populaire, mais bien de la diviser pour maintenir une société de misère et d’exploitation ». Pour rappel, Hayange est une ville minière dont les hautes-fourneaux ont fermé en 2011, sans perspective pour les ouvriers ainsi mis sur le carreau.

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Manifestation antifasciste à Hayange, juin 2014.

Des collages dans la ville avaient informé la population, mais rien ne vaut un contact direct avec les gens : c’est pourquoi nous avons été sur le marché, face à la mairie, pour distribuer nos tracts et discuter.

Contrairement à ce qu’on pourrait croire, pas ou peu d’hostilité : les résultats électoraux en pourcentage (34,7% pour le FN aux derniers municipales) masquent le fait que le vote FN ne concerne en nombre de voix qu’un habitant sur huit... Des échanges ont même eu lieu avec des électeurs et électrices déclarés du FN qui nous ont fait réaliser à quel point le vote frontiste s’explique davantage dans cette région par la détresse sociale et par une désillusion totale à l’égard du discours de la gauche (décrédibilisé par le Parti socialiste) que par une adhésion à la vision du monde inégalitaire proposée par le FN. Le retour de bâton risque d’être brutal... En début d’après-midi, c’est dans les cités du quartier populaire de Konacker que, avec l’appui du camion sono, nous avons invité la population à nous rejoindre à 16h devant la mairie : la distribution de tracts et de stickers a été bien accueillie, sous l’œil curieux des balcons, dans ce quartier dans lequel on sent que les visites de l’extérieur sont rares. Enfin, après un petit kebab bien mérité et un verre pris sous un soleil radieux à la terrasse d’un café (patronne blonde et clientèle métissée), notre petit groupe s’est dirigé vers la mairie.

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En médaillon, Pierre Cassen et Christine Tasin, au balcon de la mairie d’Hayange.

Alors que nous n’en étions plus qu’à quelques dizaines de mètres, Fabien Engelmann, en chemisette, a fait une petite apparition, flanqué de ses petits copains de Riposte laïque, les islamophobes obsessionnels Pierre Cassen et Christine Tasin [1] . Mais à peine était-il interpellé par quelques anarcho-syndicalistes goguenards et qui le connaissent bien ("alors le traître, ça va ?"), et malgré la dizaine de policiers municipaux, flash-balls à la main, qui protégeaient la mairie comme Fort Alamo, le bonhomme, courageux mais pas téméraire, est vite allé se réfugier dans son palais. Cassen et Tassin sont eux restés plus longtemps à nous observer, soucieux probablement d’être reconnus, mais tellement insignifiants qu’ils ne pouvaient que susciter l’indifférence générale.

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Ce samedi, comme dans toutes les villes de France, c’est jour de mariage : aussi, après un petit chassé-croisé avec les invités d’une cérémonie prévue à la même heure, le cortège de la manifestation s’est constitué, tandis qu’une dizaine de policiers nationaux venus en renfort, encombrés dans leur tenue anti-émeute, tentaient maladroitement de se cacher derrière les portes vitrées de l’ancien cinéma le Molitor, adjacent à la mairie.

Après deux courtes prises de parole de militants d’Alternative libertaire et de la CNT, le cortège d’environ 200 personnes, aux deux tiers des militants locaux et venus de Thionville, Metz et Nancy, et un bon tiers d’Hayangeois, s’est mis en route derrière la banderole « Face au fascisme et au capital, riposte sociale », parcourant les principales rues de l’agglomération pendant une petite heure, dans une ambiance bon enfant, avec des slogans comme « P comme Pourris, S comme Salauds, à bas le Front national » ou « Antifascistes, anticapitalistes, ça va être chaud pour les fachos », ainsi qu’un « Engelmann, sors de ta cabane » à proximité de la mairie où la manifestation s’est ensuite dispersée dans le calme, après une dernière prise de parole invitant les gens à poursuivre la lutte dans les mois à venir et à venir participer au débat organisé le soir même à Metz dans les locaux de la CNT, sur le même thème que la veille à Nilvange.

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L’initiative aura donc été un succès qui, pour prendre tout son sens, ne doit pas rester sans lendemain. Mais la résistance s’organise sur Hayange, et nous espérons qu’avant l’automne, nous pourrons revenir à Hayange, pour rappeler à la municipalité frontiste que les antifascistes seront toujours là pour dénoncer le double discours du FN qui, en divisant la classe populaire, fait le jeu des patrons et ne sera jamais une solution, mais toujours un problème.

Notes

[1À celles et ceux qui s’interrogeraient sur leur présence, rappelons que l’ancien délégué CGT a été « initié » par RL au discours islamophobe qu’il soutient aujourd’hui : dans sa pathétique autobiographie (qui peine à remplir une centaine de pages), justement publiée par Riposte laïque et préfacée par Cassen, le faux naïf nous explique, à propos de l’apéro « saucisson-pinard » organisé à Nancy par RL : « Malgré la proximité ponctuelle (sic) avec le Bloc identitaire, cela s’est très bien passé. Je pense que face à certains dangers, il est nécessaire de cesser de tergiverser pour se rassembler entre patriotes, même si l’on n’est pas d’accord avec toutes leurs idées  », sans préciser lesquelles, bien entendu, à l’exception du « régionalisme » du Bloc.