Haute-savoie : analyse des résultats et critique de l’antifascisme petit-bourgeois

Lu sur le site de l’AFA 74 :

Marine Le Pen a obtenu d’importants scores électoraux lors de l’élection présidentielle dans les espaces populaires de France en général, et en Haute-Savoie en particulier. En Haute-Savoie, ce sont 10 communes qui placent Marine Le Pen en tête des suffrages, et c’est environ 40 000 voix qu’elle gagne au second tour.

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Les 10 communes du département où le FN arrive en tête, villes ouvrières ou des petits villages. Il y a aussi de nombreuses communes où le FN dépasse les 40 %…

A Vougy, petite commune ouvrière de 1 500 habitantEs, le FN est en tête avec 52, 6 % des suffrages ou à Bonnevaux, village de 300 personnes, avec 54 %. Le Front National est par conséquent bien installé.

Pour analyser le fascisme, il faut alors comprendre la vie quotidienne et la lutte des classes. Sans cela, on tombe dans le paternalisme et le mépris de classe comme l’illustre cette déclaration d’une militante du mouvement d’Emmanuel Macron de Thonon-les-Bains :

Le FN les a captés. L’enclavement suscite le repli, cette ruralité est presque archaïque et l’étranger est autant le Maghrébin que le gars de l’autre vallée

Elle parle ensuite du « racisme ignorant » (!) et critique les « vieilles familles ancrées chez elles et ne sont pas dans la marche du monde » … Quel ton condescendant ! Voilà l’exemple typique des positions de la petite-bourgeoise qui renforcent en réalité le fascisme !

L’ancrage du FN dans ces villages n’est pas causé en priorité par la « peur » et la xénophobie. Il y a bien sûr des attitudes violemment racistes dans ces zones et il faut les combattre par tous les moyens.

Mais ne voir le vote pour Marine Le Pen qu’à travers le racisme, ce serait voir l’attirance pour l’extrême droite sous l’unique prisme de la « bêtise » et des préjugés. C’est renforcer la séparation entre personnes qui ont un emploi « intellectuel » et les personnes dans des emplois « manuels » en laissant de côté la vie dans les zones populaires.

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Pour nous, ce qui renforce l’extrême droite c’est l’étouffement culturel avec l’absence de lieux d’échange métissé et populaire. Ce qui renforce l’extrême droite c’est la vie capitaliste allant des boulots aliénants à l’éclatement des petits pavillons en passant par la zone commerciale et la voiture comme seul horizon culturel.

Celles et ceux qui ne le supportent plus quittent alors ces espaces pour aller « en ville », renforçant ainsi le sentiment d’abandon des personnes qui restent sur place. Ajoutez à cela un environnement naturel qui se détériore et on obtient un mélange explosif qui, s’il ne trouve pas une expression progressiste, est capté par le romantisme de l’extrême droite.

C’est ainsi que la représentante du FN dans le Chablais, Anne-Françoise Abadi-Parisi, dénonce de manière romantique et raciste l’usine des eaux d’Evian qui « s’est robotisée et a embauché les jeunes des quartiers pour les occuper et qu’ils arrêtent de faire des conneries. Tout ça au détriment des enfants de la montagne. En bas, ils disent que c’est de la discrimination positive. Ceux du haut appellent ça de l’injustice » .

Le problème n’est ainsi plus l’exploitation des ouvrierEs mais la « modernité » qui favoriserait les prolétaires d’origine immigrée… Bref, diviser pour mieux régner, la vieille recette du fascisme !

Le FN prospère en se faisant passer pour une expression de la révolte populaire, favorisant alors en retour la diffusion des thèses nationalistes et racistes dans ces zones. La lutte des classes est déviée et l’unité populaire contre la bourgeoisie est brisée au profit d’une opposition d’un « haut » rural et traditionnel contre un « bas » multiculturel et anarchique. Bref, toute la recette du fascisme français version Maréchal Pétain !

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La vallée de l’Arve : une zone populaire entre usines et montagnes où les activités culturelles sont faibles.

Dans la vallée de l’Arve c’est la même opposition qui est faite par Dominique Martin, ce notable fasciste et ancien membre du bureau local du syndicat ultra-réactionnaire des petites et moyennes industries (SNPMI) jusqu’en 1994. Pour lui, le quartier populaire des Ewues à Cluses est vu comme :

Une zone de non-droit où [sa] voiture, par exemple, a été caillassée ». Il raconte : « La municipalité leur a dit : on vous laisse un périmètre de 200 m sur 50, vous faites ce que vous voulez, le deal, le halal et vous nous fichez la paix en ville »

Et Dominique Martin nous refait du Jean-Marie Le Pen à l’ancienne en affirmant clairement qu’avec « Le Pen au pouvoir ils [les quartiers populaires] ne bougeront pas, parce que cela signifiera que la France est de retour et qu’il faut se tenir à carreau » .

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Tout l’objectif de la lutte antifasciste n’est pas de renforcer cette opposition comme le fait le mouvement d’En Marche, aidant ainsi le Front National. Car c’est le même quotidien qui anime nos vies : la morosité culturelle et les boulots répétitifs et monotones. Ainsi lorsque Dominique Martin, ce bourgeois issu d’une famille de patrons locaux, se fait « rejetter » d’une zone populaire, c’est l’intérêt de tous les prolétaires – des villages aux quartiers HLM – qui est défendu ! Pour nous l’objectif est et restera l’unité puis l’offensive métissée et populaire !
AFA 74