Après l’agression du NPA samedi 29 janvier dans la manifestation parisienne, des Gilets jaunes antifascistes ont mis en déroute ce samedi 2 février les "Zouaves" qui en étaient responsables. Afin de mieux comprendre qui compose ce groupe, voici quelques informations sur ses origines et les individus qui le composent. 

Le 10 janvier 2019, de jeunes militants d’extrême droite, appartenant la plupart à un groupe intitulé « Zouaves Paris », passent en procès pour des faits de violence, mettant sous la lumière ce groupe qui n’existe que par sa violence parfaitement assumée, son discours politique étant pour ainsi dire nul. Dernier méfait en date : l’attaque samedi 26 janvier 2019 de militants du NPA. Afin de comprendre à qui l’on a affaire et s’organiser en conséquence, voici quelques éléments sur la genèse du groupe et sa composition.

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Les Zouaves en train de distribuer des tracts à Paris.

Du GUD aux Zouaves

2017, Paris. Depuis quelques temps, le GUD parisien est orphelin de son chef Logan Djian dit « Duce », qui a déserté Paris. Il vadrouille alors entre Lyon, l’Italie et la prison, suite entre autre à son implication dans l’agression de son prédécesseur, Edouard Klein, à la tête du « groupuscule des dieux » [1]. Il est également condamné à un an de prison ferme suite à des violences commises lors des mobilisations de La Manif pour Tous de 2013. A l’époque la cagnotte Leetchi mise en place pour l’aider avait été relayée par L’Action française lycéenne.

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Le GUD parisien en 2014, à l’occasion de la mobilisation d’extrême droite Jour de Colère. On reconnait Logan Djian (A, et en médaillon), Steven Bissuel (B) et Edouard Klein (C).

La direction au niveau national du célèbre groupuscule d’extrême droite se décentralise alors à Lyon dans les mains de Steven Bissuel [2]. Si le GUD Paris continue d’exister, il connait une sérieuse baisse d’effectifs et la moyenne d’âge est alors très jeune. Faute de faire de la politique, le groupe tente de faire le coup de poing à la sortie des facs. Il organise également des distributions de tracts dans des zones de Paris où le GUD avait rarement mis les pieds, comme au métro Jules Joffrin dans le XVIIIe, le groupuscule étant plus habitué aux beaux quartiers de la rive gauche de Paris.

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En 2017, malgré quelques collages, c’est plutôt ambiance déprime au GUD Paris…

En juin 2017, sur le modèle de l’occupation « non-conforme » des néo-fascistes italiens de Casapound, Steven Bissuel transforme les sections locales du GUD en Bastion Social en cherchant à ouvrir des locaux dans différentes villes, sauf à Paris. D’une part, parce que les prix de l’immobilier parisien ne permettent pas de louer ou acheter un local aussi facilement que dans d’autres villes de France ; d’autre part, Bissuel fait assez peu confiance au GUD Paris, qu’il considère comme des « bras-cassés ». Face à cette situation, le manque de légitimité à incarner le GUD sans l’appui des figures tutélaires historiques du mouvement actuellement en poste au FN/RN, le groupuscule végète un peu.

Les Zouaves ratissent large

Fin 2017, ce qui reste du GUD se structure en bande, essentiellement tournée vers la bagarre de rue [3], satellisant autour de son noyau dur des militants de L’Action française ou parfois même des Identitaires, souhaitant se bastonner, sans pour autant impliquer leur organisation. Parmi ces nouvelles têtes la figure de Marc « Hassin » [4] de Cacqueray-Valmenier se détache très vite. Issu d’une vieille famille catholique traditionnaliste, à laquelle appartient entre autres l’abbé Régis de Cacqueray ou Louis de Cacqueray-Valmenier, conseil municipal RN du Mans, il commence à militer à l’Action française. Présent au défilé en l’honneur de Jeanne d’Arc de l’AF en mai 2016 [5], on peut également l’apercevoir au côté du GUD à Paris, dont il devient le leader après le départ de Logan. Il est également aperçu dans le sud de la France, en particulier lors de l’inauguration du local du Bastion Social à Marseille.

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Marc X au Bastion social de Marseille. De dos, devant lui, Steven Bissuel (en médaillon).

Il faut dire que ce passionné de sports de combat est facilement identifiable, portant régulièrement une veste rouge et bleu ou en formant un X en croisant ses bras [6] comme on peut le voir sur de nombreuses photos.

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Les Zouaves [7], lors de leurs sorties, vont également s’appuyer sur des individus évoluant dans le milieu des supporters d’extrême droite parisiens, mais également d’autres villes. On pense en particulier aux Mes Os, groupe de supporters du Stade De Reims connus pour leur appartenance à l’extrême droite. Les Mes Os se sont aussi fait remarquer en accrochant une banderole anti-migrants sur un pont d’autoroute en 2015.

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Leur garde-robe étant assez limitée, il n’est pas bien difficile de retrouver parmi les Zouaves (en haut) des Mes Os (en bas).

Les liens entre les deux groupes semblent multiples puisque les Zouaves communiquent uniquement via la page Faceboook Ouest Casual, connue pour être administrée par des membres des Mes Os [8].

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Le foot, ou plutôt la culture casual [9] , est l’une composante importante des Zouaves. Si ce n’est pas la première fois que cette culture sert d’ADN pour structurer un groupe (on pense par exemple au projet Apache des Identitaires), elle prédomine chez les Zouaves. Le groupe ne cesse de s’afficher avec des marques appartenant à cette mouvance comme Stone Island, Baracuta, Henri Lloyd, Lyle and Scott ou certains modèles de baskets chez New Balance ou Adidas (les Samba).

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Mode casual, nationalisme et pétainisme : le cocktail des Zouaves.

Mais l’attrait pour le monde du stade ne s’arrête pas aux fringues : ils ont pris l’habitude de poser avec « les prises de guerre ennemies », à savoir les objets volés aux personnes agressées comme les t-shirts ou casquettes mais aussi les quelques banderoles dérobées. 

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Les zouaves et la politique

Proches du néant en terme politique, les Zouaves naviguent à vue entre le Bastion Social, l’Action française et le Rassemblement national.

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Attention , document exceptionnel : des Zouaves avec un tract en papier et du texte dessus. Ça n’a pas l’air très long, mais quand même…

À l’occasion, certains d’entre eux, comme Aloys Vojinovic, ont joué les colleurs d’affiche en 2017 pour le Front national sur Paris, lors de la dernière présidentielle, suite à un arrivage tardif du matériel de campagne et d’un manque de bras pour coller [10]. Ils ont même fait le SO volant lors du meeting du Zénith pour les présidentielles (sans grande réussite d’ailleurs). Des contacts avec Génération Identitaire sont également avérés. Si Aloys Vojinovic, toujours lui, fréquente La Citadelle à Lille [11], il n’est pas rare de voir les membres des deux groupes poser ensemble. Dernier exemple en date en juin 2018 : sur une photo où les Zouaves posent devant la fontaine à Saint-Michel à Paris, on peut identifier, malgré le floutage, Aurélien Verhassel, leader des Identitaires lillois, grâce à son t-shirt La Citadelle, t-shirt qu’il portait quelques heures plutôt quand il posait devant le local des Identitaires à Paris.

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Les Zouaves en gilets jaunes

Depuis le début du mouvement, les Zouaves enfilent leur gilet jaune chaque samedi pour jouer à l’émeute urbaine et chercher le contact avec des militants antifascistes, en particulier lors de l’acte III, le 1er décembre 2018, au cours duquel ils se regroupent autour de l’Arc de Triomphe.

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Les Zouaves le 1er décembre 2018.

Une apparition remarquée, avec leur banderole « Le Peuple aux abois, tuons le bourgeois », mais aussi par leur activité durant cette journée puisque quelques jours plus tard une partie des individus présents à l’Arc de Triomphe avait rejoint les Zouaves ce jour-là. Sont interpellés et condamnés pour "participation à un groupement en vue de commettre des dégradations » : Marc de Cacqueray, Aloys Vojinovic, Charles Ferrand, Louis David, Xavier Maire et Vianney Grégoire. Certains d’entre eux ne sont pas des inconnus…

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Aloys sera le seul à être incarcéré en attendant le procès. Ce sera l’occasion pour ses camarades de lui rendre hommage à diverses reprises.

Ainsi, Xavier Maire, alias Henri De La Marchandise est un ancien de la section jeunesse d’Alsace D’abord [12] à l’origine du retour du GUD à Strasbourg.

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Xavier Maire, dit Henri De La Marchandise : à gauche à la commémoration du 9 mai, à droite à Montretout en septembre 2015

Il a été aperçu au défilé du 9 mai à Paris en 2018. Membre du Rassemblement National, il est visiblement assez proche de Jean-Marie Le Pen pour poser chez le vieux chef dans son salon en septembre 2015. Il est également membre du Bastion Social Strasbourg : lors du procès, la présidente du tribunal a rappelé qu’il avait appelé à plusieurs reprises la police sur Strasbourg quand le local du Bastion Social était menacé…

Autre militant d’extrême droite parmi les accusés : Vianney Grégoire, ancien colocataire de Xavier Maire, qui est lui aussi membre du Bastion social, mais à Lyon. Charles Ferrand, parisien est présenté comme l’un des leaders du groupe du 1er décembre 2018, proche du Bastion Social.

On aurait pu penser que cet épisode allait marquer un stop à l’activité des Zouaves et plus globalement à l’extrême droite dans les cortèges des gilets jaunes. Visiblement, le groupe semble avoir un certain sentiment d’impunité, puisque le 26 janvier 2019, ils ont attaqué à plusieurs reprises le cortège du NPA. Attaques où les fachos étaient armés de pierres et autres objets contondants récupérés sur un chantier. On notera que tout ce petit monde a quitté les lieux en toute tranquillité en prenant le métro…

Si pendant l’attaque, certains ont pris la précaution de se masquer, ce n’est pas le cas de Marc de Cacqueray, comme on peut le voir sur les photos ci-dessous :

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Marc de Cacqueray en pleine action, quelques jours après

Mais même le visage dissimulé, d’autres étaient facilement reconnaissables. Ainsi, l’un d’entre eux a connu quelques minutes de gloire sur les réseau sociaux, car on le voyait sur des vidéos ramasser un câble et s’en servir contre les militants du NPA, comme avec un lasso.

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Un bob pareil, faut-il vraiment le mettre sur sa tête ?

Il s’agit d’Alexandre Robert, dit « Alexandre Natio » sur Facebook, membre des Mes Os, facilement identifiable grâce à son bob et son sweat-shirt « good night left side ». 

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Aux côtés des Zouaves, on pouvait voir d’autres militants nationalistes aperçus dans les rangs de la Manif pour Tous, mais aussi les membres du petit groupe de Victor Lenta, dont Frédéric Jamet et Sergeï Munier : ce groupe, dont nous avions signalé la présence dès le 22 novembre, est devenu célèbre pour sa participation au SO des gilets jaunes.

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Dominique James observe l’agression avec ses amis les Zouaves, mais quand même à distance respectable…

Match retour

Ce samedi 2 février, des gilets jaunes antifascistes ont mis en fuite nos vaillants nationalistes : Aloys Vojinovic, en particulier, a connu quelques déboires, et surtout n’a pas pu compter sur ses camarades ce jour-là qui, tous, y compris leur chef totémique Marc de Cacqueray, ont pris la fuite devant la menace, comme le montre une vidéo assez savoureuse, diffusée dans un premier temps par MétaTV, et reprise par le Facebook Antifa Squads. À ses côtés, on retrouve Jamet, Lenta et Munier, soucieux de prendre de ses nouvelles, et visiblement dépités du manque de courage de leur troupe…

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Autour d’Aloys, on retrouve Frédéric Jamet (A), Victor Lenta (B) et Sergueï Munier (C).

Pour tenter de masquer cette pantalonnade, Victor Lenta, fort de sa position au sein du SO des Gilets jaunes, a tenté, malheureusement avec un certain succès, d’allumer un contre-feu en faisant propager la rumeur (évidemment infondée) d’une "attaque des Black Blocs" contre Jérôme Rodriguez, alors que seuls les Zouaves étaient visés… Comme par hasard, le seul qui semblait au courant d’un tel projet, c’est Lenta lui-même, qui semble confondre ses amis d’extrême droite et le SO des Gilets jaunes :

Cette présence de Lenta peut sembler étonnante, si on se souvient de la fascination des Zouaves pour les Ukraniens qui s’étaient opposés à la cession du Dombass, alors que dans le même temps Lenta et ses acolytes s’étaient engagés comme mercenaires du côté de la Russie. Ainsi, les Zouaves sont à l’origine des tags "Maïdan 2018" accompagnés d’une croix celtique, en référence aux manifestants ukrainiens pro-occident qui s’étaient opposés aux partisans d’un rapprochement avec la Russie à Kiev sur la place de l’Indépendance.

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Mais on parle là de politique… Or on sait que chez les uns comme chez les autres, cette question reste mineure : la motivation principale reste la violence, et l’attaque de tout ce qui pourrait appartenir aux mouvements sociaux ou à la gauche radicale, en attendant de s’en prendre à tout autre gilet jaune se mettant en travers de leur chemin.
La Horde & des militants et militantes
anticapitalistes et antifascistes

Notes

[1Surnom que s’étaient donnés les militants du GUD à une période, en référence à l’opéra de Richard Wagner le Crépuscule des Dieux.

[2Membre du GUD depuis l’âge de 18 ans, il a accompagné Alexandre Gabriac quand ce dernier a créé les Jeunesses Nationalistes en 2010, mouvement de jeunesse de l’Œuvre Française. Il rompt avec Gabriac et Benedetti quelque temps plus tard pour remonter le GUD sur Lyon, qu’il transformera en Bastion Social en juin 2017.

[3Comme le montrent les attaques du Lycée Autogéré de Paris en mars 2018, des facs Paris-4 Clignancourt et Tolbiac en avril 2018.

[4Pseudo sur Facebook

[5Ce sera l’une de ses dernières apparitions avec l’Action Française.

[6Il s’agit peut-être d’une volonté d’affirmer qu’il se revendique de la mouvance Straight Edge.

[7Le nom commence à être utilisé dans les premiers mois de 2018.

[8La connexion entre les deux structures est peut-être le fait de Marc de Cacqueray-Valmenier, puisqu’il a fait une partie de ses études à Reims

[9Le style casual dans le foot consiste à s’habiller avec des vêtements de marque de sport plutôt chers, mais pas nécessairement liés au foot, par amour pour les fringues mais aussi afin de se démarquer des autres catégories de supporters et d’éviter la police. A noter que l’extrême droite italienne possède sa marque de fringue casual, Pivert.

[10Ce n’est pas la première fois que des militants radicaux jouent les supplétifs pour des partis électoralistes, puisque déjà dans les années 1990 les JNR de Serge Ayoub faisaient la même chose.

[11Comme on peut le voir dans le reportage Generation Hate 

[12Mouvement d’extrême droite régionaliste, fondé en 1989, qui au début des années 2000 récupéra une partie des militants du MNR sur l’Alsace avant de flirter avec les Identitaires dans les années 2010.