Gilets jaunes : à propos de la présence de l’extrême droite dans le mouvement

Il a malheureusement fallu que se produise une attaque violente de militant.e.s antifascistes et anticapitalistes samedi dernier à Paris pour que la question de la présence de l’extrême droite au sein des Gilets jaunes commence à être sérieusement posée. Que l’on estime que le mouvement lui-même porte en germe une prédisposition aux thèses d’extrême droite, ou que l’on pense au contraire que l’on se trouve dans un bras de fer avec elle au sein du mouvement, l’enjeu reste le même, et il est plus que temps de rappeler aux militants nationalistes de tout poils qu’ils ne sont pas les bienvenus dans la rue.

Deux textes publiés cette semaine, l’un sur Autonomie de Classe, l’autre sur Paris Lutte Infos, reviennent fort opportunément sur cette question. Dans le premier, judicieusement intitulé "Les nazis et les autruches", on peut lire :

Ce n’est pas un hasard si les attaques de syndicalistes et de militants révolutionnaires ont eu lieu juste après l’annonce par certains gilets jaunes de rejoindre et de durcir le mouvement de grève interprofessionnel du 5 février appelé par la CGT. Chasser les militants syndicaux et révolutionnaires des cortèges visent à fragiliser cette nouvelle orientation des gilets jaunes.

Face à ces attaques, il serait dramatique que les militants syndicaux et politiques révolutionnaires se retirent des gilets jaunes sous prétexte que l’extrême droite y est présente et violente. Comment en serait-il autrement, alors que la machine de propagande raciste, islamophobe et anti migrants tourne à plein régime depuis des années, dans les médias, dans les partis politiques de droite comme “de gauche” et jusqu’aux plus hauts sommets de l’état. Les 11 millions de voix pour le Front National, c’était il y a quelques mois. Le tout en l’absence pendant des décennies d’un large mouvement antiraciste. Dans ce contexte, il serait illusoire d’attendre l’émergence d’un mouvement de masse au sein duquel l’extrême droite ne chercherait pas à obtenir l’hégémonie. Il faut donc l’acter et mener la bataille au sein même du mouvement.

Les groupes fascistes qui ont investi le mouvement ne sont, pour l’instant, pas assez forts pour rediriger la colère populaire vers leurs canaux racistes et réactionnaires. Les pogromes de masse en gilet jaune, ce n’est pas pour demain. Le moteur du mouvement, ce pour quoi des dizaines de milliers se mobilisent chaque semaine, ce qui forme le coeur de discussions passionnées et démocratiques en AG dans tout le pays, ça reste les revendications sociales.

Incapables de prendre la tête des gilets jaunes, il est néanmoins clair que les fascistes se sont donnés pour mission de virer manu militari la gauche radicale et le mouvement ouvrier ! Ils veulent avoir le champ libre sur le terrain des gilets jaunes, mais aussi construire leur avenir. Comme le répète avec trop de légèreté le communiqué du NPA, les nazis ne sont pour l’instant que des “groupuscules”, mais ce que le NPA ne dit pas, c’est que ce sont des groupuscules de combat qui grandissent depuis des années et s’aiguisent les dents sur la gauche et les syndicalistes !

Sur Paris Lutte Infos, on revient également sur la présence de l’extrême droite dans le mouvement, en en rappelant les différentes formes : dans les manifs, sur les réseaux sociaux, et aussi sur les ronds-points. Et les auteur.e.s de conclure :

Le mouvement des gilets jaunes n’est pas apparu sur des motivations fascistes. Ce coup de rage contre des situations sociales impossibles, a rassemblé nombre de celles et ceux qui attendait depuis tellement longtemps «  que ça pète vraiment pour tout péter  ». Il a pris dans bien d’endroits des formes d’organisation prolétarienne, ouverte, antiraciste et féministe. Mais le mouvement, depuis le début, est traversé par des thématiques clairement d’extrême-droite. Il s’agit de ne pas le nier. Il s’agit d’aller les combattre.
Nous ne pouvons pas nous contenter de participer aux Gilets jaunes en taisant nos convictions d’émancipation collective. Nous ne pouvons pas rester là à regarder les choses se faire et à prédire le pire.
Nous ne pouvons pas réduire le combat antifasciste à une histoire de baston, et laisser le sale boulot aux antifascistes les plus costauds. «  Pendant trop longtemps la lutte antifasciste a été laissée à de petits groupes qui, malgré leur courage et leur dévouement héroïques, ne peuvent à eux seuls écarter le danger nazi.  »
Et ainsi, nous ne pouvons pas nous fondre dans un front antifasciste, dans une grande alliance interclassiste et républicaine.

Il est important de contre-attaquer face à cette offensive d’ampleur, pas uniquement par la présence physique lors des manifs, mais aussi par la diffusion d’analyses, les interventions lors des grèves ou assemblées, et par les actes. Toute logique d’orga sera vouée à l’échec.