Gilets jaunes à Lyon : indignons-nous contre le fascisme !

Lu sur Rebellyon :

J’ai pris du temps pour écrire cet article, car ce que s’est passé samedi 26 janvier 2019 à Lyon c’était fort, violent, la peur nous a tous et toutes frappé.e.s donc il faut le dénoncer et arrêter d’être indifférent.e.s.

Avant d’aller rejoindre les Gilets Jaunes, j’étais prise par une mauvaise sensation ; comme moi certain.e.s camarades avaient aussi la même impression grise. L’air était froid, le silence et le calme apparents étaient palpables sur le pont de la Guillotière [1], à 14h, au moment où j’étais en train de le traverser pour rejoindre place Bellecour.
Cette sensation nuageuse n’était pas due à la peur d’avancer contre les forces de l’ordre, ni d’aller à l’encontre de leur arsenal répressif (gaz lacrymos, LBD, grenades de désencerclement, GLIF-4). On est habitué.e.s à ça, car on sait que chaque samedi se déroule de cette manière et l’habitude à ces attaques nous rend plus radicalisé.e.s, déterminé.e.s, fort.e.s et solidaires.

Il s’agissait d’un stress et une peur dus à une présence cachée qui a le but d’intimider et réprimer toutes personnes qui ont des valeurs démocratiques, solidaires, libres de tous préjugés raciaux. Il s’agissait d’une peur et d’un stress différents dus à un manque de cohésion et stratégie contre les groupuscules fascistes et d’extrême droite présents à Lyon. Il faut savoir que, à Lyon, iels sont nombreux.ses, iels sont toujours présent.e.s le samedi et deviennent de plus en plus violents, organisés et fiers de leur mentalité.

Ce samedi, la manifestation de Gilets Jaunes s’est dirigée vers la Guillotière, où des fascistes ont entre-temps lancé "La Marseillaise" en hissant le drapeau français et en montrant leur visage nationaliste.
Ce n’était pas un moment très serein. Vu qu’en plus de devoir prêter attention aux lacrymos et aux LBD des forces de l’ordre, nous étions très attentives et attentifs aux mouvements de ces fascistes, à leurs regards, à leurs pas rapides qui se dirigeaient vers nous. Nous devions aussi observer leurs actions pour éviter les coups de ceinture ou de gants renforcés au visage, les coups de pieds aux chevilles. Eh Oui, le fascisme frappe, mais il le fait toujours en secret et quand personne ne s’y attend.

Leur attaque a explosé à Saxe-Gambetta, après que les forces de l’ordre aient lancé du gaz. La bagarre a continué jusqu’à la place du Pont (Guillotière). A ce moment-là, un chœur antifasciste s’élevait, nous étions fort.e.s et uni.e.s, mais pas assez pour empêcher qu’iels se représentent dans une semaine. La bagarre s’est terminée à cause de tirs de lacrymos et de LBD par la police (comme par hasard) et ces délinquants d’extrême droite et fascistes ont pu s’échapper.

Il y a des Gilets Jaunes qui n’acceptent pas ce genre de luttes idéologiques, iels sont convaincu.e.s que chacun.e doit pouvoir trouver sa place dans ce mouvement et que nous devons accepter le fascisme, le sexisme, l’homophobie et le racisme ; que nous devrions accepter des chœurs et des remarques sexistes, nous devrions accepter des phrases comme celle-ci "Ah mais je ne savais pas que les mouvements des Gilets Jaunes est devenu une Gay Pride", nous devrions accepter "On lutte pour la FRANCE, pas pour l’ITALIE", nous devrions accepter de ne pas chanter "Solidarité avec les réfugiés.e.s", nous devrions accepter d’être femmes, lesbiennes, gay, transgenres, bisex et pas français.es pour mieux se taire ou ne pas venir manifester. Et bien, moi je dit NON, je n’accepte pas tout ça !

Il me semble absurde de devoir rappeler, en 2019 et dans un mouvement qui défend et veut la démocratie participative et directe, que ces attitudes racistes, sexistes, homophobes continuent à marginaliser et que dans le passé elles ont tué, que le régime fasciste fut la dictature qui s’allia avec les NAZIS et que le fascisme ne permettra pas d’atteindre le but que nous, Gilets Jaunes, voulons !
Au contraire, la base du fascisme est de rendre plus marquées et présentes les différences sociales. Nous devons nous indigner, Gilets Jaunes, nous devons nous révolter contre cette violente rafale de vent fasciste. Nous devons montrer que ce mouvement ne peut et ne doit pas lui appartenir !
Le fascisme continue d’être présent dans nombreux pays, simplement parce qu’il a réussi à se faire accepter en portant de nouveaux masques, mais à la fin de la foire, il ouvre toujours à la division entre les peuples, entre les sexes, entre les cultures, entre les orientations sexuelles, entre les religions et entre les classes sociales.

Mais il n’y a pas que nous, qui sommes présent.e.s tous les samedis, qui nous indignons ; Il faut que tous les collectifs lyonnais qui se proclament de gauche et d’extrême gauche s’indignent. Il ne sert à rien d’avoir des discours anti-fascistes si alors, dans des moments de lutte comme ceux des samedis, il n’y a pas de réponse concrète et forte de TOUS les collectifs de gauche ou d’extrême gauche.

Samedi 2 février, il faut dire NON à l’escadron fasciste [2] qui agit dans nos manifestations. Ce NON il faut le crier toujours, tous les samedis et à tous les Actes des Gilets Jaunes qui auront lieu.
Il faut continuer à refuser le fascisme dans nos quotidiens, l’expliquer à nos enfants et garder vive l’histoire dans NOS MEMOIRES.
Notre mémoire ne doit pas être un trou noir, un tiroir où ranger l’histoire passée. Il est nécessaire de ne pas laisser l’indifférence effacer ce que le fascisme, le nazisme et l’extrême droite ont généré dans l’histoire des peuples.

Ce samedi, comme tous les autres samedis, il sera nécessaire de créer un mouvement uni, où les femmes, lesbiennes, gays, transgenres, bisexuels, queers, antifascistes, syndicats, étudiant.e.s, familles entières disent NON au fascisme dans les manifestations, NON à la violence fasciste et policière, NON à la violence que les politiques continuent à faire.
Élevons nos valeurs et ne les cachons pas, parce qu’elles ne sont pas honteuses : ces valeurs ont la couleur de notre cœur et du sang qui circule dans toutes nos veines, notre colère est noire et nos drapeaux sont jaunes, comme nos gilets, parce que nous sommes un exemple à suivre, pour que tous et toutes puissent se reconnaître et combattre les oppressions que l’État fasciste inflige légalement. Nous ne sommes pas lié.e.s à une seule nation, notre lutte doit transcender toutes les frontières.

Je lance donc appel à un mouvement des Gilets Jaunes antifascistes, car le moment est venu de se positionner ; Je lance un appel à un mouvement des femmes et LGBTQ pour lutter contre l’homophobie ; Je fais appel à un mouvement solidaire où tous les syndicats seraient fiers de montrer leur mentalité de gauche ; Je lance appel pour un mouvement uni où tous les petits collectifs de gauche et extrême gauche se présenteraient en se respectant les uns les autres.

L’ACTE XII doit montrer que nous ne voulons plus du fascisme dans nos manif, que nous ne voulons ni Emmanuel Macron, ni Marine Le Pen. Nous voulons l’Autonomie de choisir ! Je vous partage aussi cette pensée d’Antonio Gramsci et je vous laisser cogiter en pleine tranquillité.

A samedi.

Une meuf racisée, antifasciste, une Gilet Jaune qui voit dans ce mouvement plus d’une utopie.

Je déteste les indifférent.e.s. Je pense que vivre, c’est être partisan.

Ceux qui vivent vraiment ne peuvent qu’être des citoyens et des partisans. L’indifférence, c’est l’abulie, c’est le parasitisme, c’est la lâcheté, ce n’est pas la vie. Alors je déteste les indifférent.e.s.

L’indifférence est le poids mort de l’histoire. L’indifférence fonctionne puissamment dans l’histoire. Elle Travaille passivement, mais elle travaille. C’est la fatalité ; c’est ce sur quoi on ne peut pas se fier ; c’est ce qui bouleverse les programmes, renverse les plans les mieux construits ; c’est la matière brute qui étrangle l’intelligence. C’est ce qui arrive, le mal qui tombe sur tout le monde, arrive parce que la masse des hommes abdique leur volonté, laisse promulguer des lois que seule la révolte peut abroger, laisse les hommes s’élever au pouvoir que seule une mutinerie peut alors renverser. Entre absentéisme et indifférence, quelques mains, sans aucun contrôle, tissent la toile de la vie collective, et la masse l’ignore, parce qu’elle ne s’en soucie pas ; et puis il semble que c’est la fatalité qui domine tout et tous/toutes, il semble que l’histoire ne soit qu’un énorme phénomène naturel, une éruption, un séisme dont chacun est victime, qui voulait et qui ne voulait rien, qui savait et qui ne savait pas, qui était actif-ve et qui était indifférent.e. Certain.e.s gémissent lamentablement, d’autres blasphèment de façon obscène, mais personne ou peu se demandent : si j’avais aussi fait mon devoir, si j’avais essayé d’affirmer ma volonté, que serait-il arrivé ?

Je hais aussi les indifférent.e.s pour cette raison : parce que je dérange leurs gémissements en tant qu’innocents éternels. Je demande à chacun.e d’entre eux/elles de rendre compte de la manière dont iels ont accompli la tâche que la vie leur a confiée et de les placer sur une base quotidienne, pour ce qu’iels ont fait et surtout pour ce qu’iels n’ont pas fait. Et je sens que je peux être implacable, que je n’ai pas à gaspiller ma pitié, que je n’ai pas à partager mes larmes avec eux/elles.

Je suis partisan, je vis, je sens dans les consciences de ma partie déjà pulser l’activité de la future ville que ma partie construit. Et la chaîne sociale n’y pèse pas sur quelques-uns, tout ce qui arrive n’est pas dû au hasard, à la fatalité, mais au travail intelligent des citoyens. Il n’y a personne à l’intérieur qui se tient près de la fenêtre et regarde les quelques sacrifices s’évanouir. Je vis, je suis un partisan. Donc je déteste l’impartialité, je déteste les indifférent.e.s.
Antonio Gramsci - Indifférents. 11/02/1917

Notes

[1Guillotière : Pour qui ne connaît/habite à Lyon, il s’agit du quartier le plus ancien de la rive gauche du Rhône qui grâce à son pont (le pont de la Guillotière) permet de développer ce quartier au XIXème siècle car il est le seul pont rhodanien de Lyon. Le quartier devient un important foyer d’accueil, où transitaient de nombreux voyageurs et il gagne la vocation de territoire d’accueil populaire et commerçant, qui dure encore aujourd’hui. Pour qui souhaite en savoir plus, lire son histoire ici.

[2Escadron fasciste (=squadrismo o squadre d’azione) : il s’agit d’un phénomène socio-politique qui a eu lieu en Italie à partir du 1919. Les squadre d’azione était composées par des milices en civile armées et qui avait le but de terrifier et réprimer les avvaires politiques et les ouvries. Le squadrismo a été englobé dans le fascisme qui l’a utilisé comme un moyen pour s’affirmer (s’affirmer avec la peur). Cette modalité d’action persiste encore aujourd’hui, mais dans notre époque elle frappe et insulte les personnes qui ont une différente orientation sexuelle, qui n’est pas français.e, qui n’est pas blanc-che, qui est de gauche ou antifasciste, qui est pauvre et etrangèr.e. Avec ces actions et pensées, la démocratie est en danger.