Si Célestin Freinet (1896-1966) est connu pour sa pédagogie novatrice basée sur l’expression libre, ce que l’on sait moins, C’est qu’il a été la cible de l’extrême droite de son époque, en particulier Maurras et l’Action française, et qu’il a dû démissionner de son poste à l’Éducation nationale sous la pression des nationalistes. Le blog L’école des réac’ revient rapidement sur cette histoire et publie un extrait de l’édito du numéro de L’Éducateur prolétarien d’octobre 1936, la revue de Célestin Freinet, dans lequel il lie engagement antifasciste et pratique pédagogique.
« Dans les conjonctures présentes, s’obstiner à faire de la pédagogie pure serait une erreur et un crime. La défense de nos techniques, en France comme en Espagne, se fait sur deux fronts simultanément : sur le front pédagogique et scolaire certes, où nous devons plus que jamais être hardis et créateur parce que l’immédiat avenir nous y oblige, sur le front politique et social pour la défense vigoureuse des libertés démocratiques et prolétariennes. Mais il faut être sur les deux fronts à la fois. L’Espagne ouvrière et paysanne construit à l’intérieur pendant que se battent ses miliciens. Nous ne comprendrions pas que des camarades fassent de la pédagogie nouvelle sans se soucier des parties décisives qui se jouent à la porte de l’école ; mais nous ne comprenons pas davantage les éducateurs qui se passionnent, activement ou plus souvent passivement, hélas ! pour l’action militante, et restent dans leur classe de paisibles conservateurs, craignant la vie et l’élan, redoutant l’apparent désordre de la construction et de l’effort. Quiconque voit la nécessité de changer la face du monde doit se mettre immédiatement et directement à la besogne et chaque éducateur doit, dans sa classe, (j’ajouterai dans sa famille, dans son quartier, dans son village) rechercher et appliquer les techniques constructives et libératrices qui permettront aux adolescents de demain de continuer l’œuvre nécessaire pour laquelle nous sommes prêts aujourd’hui, nous aussi, à sacrifier notre activité et notre vie. À la période actuelle devrait correspondre un grand renforcement de notre pédagogie. Cela sera, si, sans négliger nos autres obligations, nous savons développer notre propagande parmi la masse travailleuse et parmi les éducateurs [entendez « propagande » par « nos idées » car la pédagogie Freinet n’a rien de dogmatique et le mouvement qui la promeut n’a rien d’un parti politique]. »