Extrême-droite et « action sociale » : le parfait oxymore

Lu sur le site du Réseau Angevin Antifasciste :

L’année 2018 aura marqué pour l’extrême-droite radicale française l’effondrement des espoirs placés dans la stratégie calquée sur les néo-fascistes de Casapound. A savoir, grosso modo, l’ouverture de locaux, bases logistiques à une « action sociale » ouvertement raciste résumée par le slogan « Les nôtres avant les autres ». Bien avant sa dissolution, Bastion Social a vu nombre de ses locaux fermer (voir sur La Horde). A Angers la « communauté de l’alvarium » (n’appartenant pas à l’étiquette Bastion Fécal) n’a pas tenu une année (voir notre bilan). Cette succession d’échecs a poussé une partie de cette frange de l’extrême-droite à recentrer sa communication sur la seule partie « action sociale » dont les maraudes sont le support le plus couramment mis en avant (1).

Ce texte vise à remettre en évidence que cette stratégie relève plus du discours que de l’action à proprement parler. Nous fondons notre réflexion sur l’étude des fascistes d’Angers et alentours parce que nous en avons une connaissance éprouvée mais nous pensons, qu’à grands traits, cela peut valoir pour d’autres endroits de l’hexagone, si ce n’est que par ici le côté cathos-tradis est particulièrement saillant.

Cet aspect religieux nous amène directement dans le vif du sujet. Ce que les fascistes appellent « action sociale » n’est rien d’autre que de l’aumône ou de la charité. Ce qui importe pour eux c’est le seul geste. En effet, en termes de réponse à la pauvreté et à la misère leur action est proche de zéro. Il suffit de regarder cette photo typique d’une maraude à Angers pour s’en convaincre :

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L’Alvarium dans les rues d’Angers

Qui peut réellement croire que mobiliser 7 ou 8 bonhommes pour porter un thermos et un sac à demi-vide représente une réponse pragmatique et efficace à la faim et au froid ? De qui se moque-t-on ? Où plutôt, quels faits cherche-t-on à manipuler ? En tant que militant-e-s radica-ux/les, nous sommes très critiques envers les réponses humanitaires du type Resto du Coeur, Secours Populaire ou Secours Catholique mais il faut leur accorder une capacité logistique toute autre pour parer à l’urgence. Ainsi, les Restos du Coeur 49 ce sont 691 tonnes de denrées alimentaires récoltées par an ou encore près de 19000 repas chauds distribués dans la rue (2).

Pour les fascistes, ces « actions » ne valent on le sait qu’en tant que matériau de base à la construction de leur propagande sur les réseaux sociaux. Et le sous-texte des photos colportées à longueur de fil facebook est le suivant : Regardez comme nous prenons soins de NOS pauvres (blancs/français/chrétiens et si possible tout cela à la fois), sous-entendu : « les autres peuvent bien crever ». En cela, ils rappellent les « dames-patronesses » bourgeoises et aristocrates du XIXème siècle finissant, qui pendant que leur maris fabriquaient la misère et la précarité à tours de bras, arpentaient les rues pour venir en aide aux « bons pauvres », à savoir ceux qui ne boivent pas, de bonnes moeurs, qui disent merci et qui ne subvertissent en aucun cas l’ordre social dont ils sont pourtant les premières victimes. A chacun sa place (et cela vaut aussi pour les dames-patronesses assignées à leurs obligations de genre). La charité est comme l’on dit « bien ordonnée » : elle est sélective, elle trie, elle classe. « Les nôtres avant les autres » , l’expression est adéquate en ce qu’elle peut être réduite à un « nous » égoïste qui se moque éperdument de l’autre. Ce dernier sert de faire-valoir. C’est le résumé même de la pseudo-action sociale de l’alvarium où « Le pauvre français » ne sert que comme support d’une communication identitaire destinée à monter les pauvres les un-e-s contre les autres.

Le but n’est donc pas de s’attaquer à la misère et à ses racines. Surtout-pas même ! Par exemple, le « Noël des malchanceux » organisé par l’alvarium fin 2018 en est une démonstration symptomatique.

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le « Noël des malchanceux » organisé par l’alvarium fin 2018 à Angers

On peut parler de cynisme quand d’aucuns osent réduire l’injustice sociale de la pauvreté à une triviale question de chance, ne pas avoir été un « veinard » selon leur réthorique. Ce discours de l’extrême-droite passe sous silence les déterminismes historiques ou sociaux. C’est la vaste blague de l’« égalité des chances » et, si tu as raté ta vie, tu peux ne t’en prendre qu’à toi-même. Il y a une négation des rapports de classes, ce qui n’est pas surprenant quand on sait qu’historiquement les régimes fascistes/fascisants se sont aussi construits sur la collaboration de classes via l’embrigadement et le corporatisme.

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