Ex-Yougoslavie : compilation antifasciste à prix libre

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Le site yougosonic signale la sortie de la compilation "Zajednicka borba" (qui signifie « combat commun » et se prononce "Zayédnitchka borba") réalisée par le mouvement antifasciste yougoslave. Sur la pochette, au recto, avec en arrière-plan le drapeau antifasciste, le boxeur d’origine croate Mate Parlov, ancien champion du monde, qui déclara : « Comment pourrais-je être nationaliste alors que je suis champion du monde ? (...) Le monde entier a applaudi mes résultats, et partout dans le monde j’ai été accueilli, par les blancs comme par les noirs, comme si j’étais des leurs. ». Ce choix peut surprendre, mais se comprend par la volonté du milieu antifa yougoslave de réinviestir le terrain du sport et des loisirs de masse. Au verso, une partisane yougoslave, avec le nom des groupes, principalement issus de la scène punk-hardcore mais aussi du reggae-dub, de la chanson engagée. Parmi les groupes, on peut citer les croates de St !llness, les serbes de Red Union, Unutrasnja Emigracija de Prijedor, les apatrides de Kultur Shock, ou encore Darko Rundek, ex-frontman d’Haustor.
Mais le projet est au moins autant politique que musical. D’abord parce que la compilation est à prix libre : on peut l’écouter et la télécharger ici. Ensuite, parce qu’elle est accompagné d’un livret (en serbo-croate) dans lequel on trouve un texte d’Umberto Ecco sur le fascisme et un appel des auteurs de la compil : « L’idée est de fédérer des groupes et des organisations qui ont en commun un "engagement antifasciste et antinationaliste clair", qui "agissent de façon autonome mais dans des conditions extrêmement difficiles, à l’opposé des structures officielles des différents Etats, qui mènent et influencent les politiques rétrogrades (...). Agir au sein de sa communauté est l’une des bases de l’action antifasciste, mais c’est insuffisant par rapport à l’environnement dans lequel nos organisations évoluent (...), et où la moindre agitation de droite (sic) dans l’un des Etats génère automatiquement en réponse une autre agitation de droite dans les autres Etats. C’est pour cette raison que seules des actions communes et synchronisées des antifascistes sur l’ensemble des Balkans, pourront combattre efficacement ce mal qui continue de dominer nos territoires ». Enfin, parce que la compilation est prolongée par des concerts estampillées "Zajednicka Borba" organisés dans toute l’ex-Yougoslavie.
Pour aller plus loin, nous vous conseillons la lecture de l’article du site Yougosonic, qui dresse un portrait et une analyse complets de la situation, et propose de nombreuses vidéos des groupes de la compilation. En voici quelques extraits :
« L’extrême droite s’appuie sur les peurs et les frustrations post-traumatiques du conflit yougoslave, et surfe aussi, non seulement sur le net, bien entendu, formidable outil de contamination, mais aussi sur la turbofolkisation de la société, ferment de bêtise et de pensée limitée. Elle squatte les territoires d’identification de la "culture masculine" et les valeurs simples : le village, le quartier, le clan, le club de foot. Elle se positionne, très habilement, il faut bien le lui reconnaître, sur des causes comme la diversité culturelle (en gros "on reste chez nous, pour nous et entre nous", ce qui se pose comme un garant de diversité dans un monde fait d’identités juxtaposées mais non mêlées), sur des combats comme l’altermondialisme ou celui des "indignés" (d’après l’organisation citoyenne croate "Gradjanska Akcija", l’extrême droite croate aurait plus ou moins infiltré le mouvement "Occupy Croatia"). 
Enfin, corollaire de ce qui précède, elle affiche une imagerie et un discours pseudo subversif et révolutionnaire, prétendument engagé contre le "conservatisme" et la "pensée unique", comprenez : les vrais réactionnaires et les vrais fascistes sont les antifascistes et toutes les couilles molles de la gauche. Rien de bien différent des extrêmes droites occidentales ou russes, hormis quelques touches locales, et l’observateur avisé de cette nébuleuse reconnaîtra sans peine des caractéristiques observées ailleurs. Pas inutile pourtant de les rappeler ici, à l’heure où le rouge vire, souvent s’en sans rendre compte, au brun : branchez quelques jeunes contestataires qui passent leurs nuits sur le net sur la théma Alain Soral, ou plus prosaïquement sur les routiers bulgares qui bossent trois fois moins cher, à une manif contre l’austérité, et vous verrez. »