États-Unis : « Disrupt J20 », J-3 : 10 raisons de se mobiliser le 20 janvier

anti-Trump

Alors que nous ne sommes plus qu’à trois jours de l’investiture de Donald Trump, et donc de la mobilisation antifasciste contre cet événement, voici 10 raisons de se mobiliser, dans un texte publié sur le site anarchiste américain Crimethinc. et traduit par nos soins. À méditer, alors qu’une victoire de l’extrême droite ou de la droite extrême se profile aussi ici…

L’investiture de Donald Trump est au coin de la rue. Disrupt J20 diffuse les annonces d’une série de manifestations dans tous les États-Unis pour le 20 janvier, y compris un appel pour un front antifasciste et anticapitaliste à Washington, DC. Mais pourquoi se concentrer sur cette date particulière ? Et pourquoi faudrait-il traverser tout le pays pour se rendre dans une ville pleine de réactionnaires et de policiers ? Voici dix raisons pour lesquelles il va falloir nous surpasser le 20 janvier prochain.

1. Ce qui est en jeu, ce n’est pas un seul jour de protestation, mais le paradigme de ce que signifie résister à Trump.

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En ce moment, des gens dans tous les États-Unis sont à la fois indignés et terrifiés à l’idée d’être gouverné-es par un bouffon mégalomane. C’est donc l’occasion d’étendre les réseaux entre toutes celles et tous ceux qui sont prêt-es à se dresser face au gouvernement, mais cette situation ne durera pas éternellement. Si les manifestations sont en gros une resucée des années « n’importe qui sauf Bush » au cours desquelles les opposant-es se contentaient d’afficher des signes de désapprobation qui ne faisaient que montrer leur impuissance, tout ce qui semble couramment intolérable dans la présidence de Trump sera bientôt banalisé. D’un autre côté, si les manifestations perturbent l’investiture et le maintien de l’ordre, cela facilitera la banalisation de ce type de résistance, ce qui sera une nécessité pour empêcher Trump de mettre en place son programme.

Quoiqu’il se passe le 20 janvier, cela forgera l’imagination populaire sur l’ère dans laquelle nous entrons. Cela permettra de déterminer ce que les gens estiment légitime, ce qu’ils attendent d’eux-mêmes et des autres, de quelle façon ils conçoivent un changement social à long terme.

Trump profite du fait qu’il peut se présenter lui-même comme un « rebelle anti-système », un outsider milliardaire. Cette fable est déjà risible en soi, mais après le 20 janvier, quand Trump et le Parti républicain contrôleront le gouvernement fédéral dans son intégralité, il ne pourra plus y avoir aucune confusion possible dans l’esprit de personne qu’ils sont le système, et que les véritables rebelles seront celles et ceux qui s’opposent à eux.

2. Cette mobilisation contre l’investiture est l’occasion pour un grand nombre de gens différents de travailler ensemble, de construire de nouveaux réseaux qui pourront agir pour les années à venir.

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Les gens de nombreuses organisations différentes ont appelé à se mobiliser le 20 janvier prochain. Par exemple, aux côtés de Disrupt J20, Ungovernable 2017 rassemble des militant-es de l’autonomie noire ( black autonomy ) et de nombreux autres groupes à travers tous les États-Unis sur les mêmes principes d’autodétermination et de combativité qui animent l’opposition anarchiste à Trump. Si les actions prévues le 20 janvier se passent bien, de nouveaux groupes militants pourraient voir le jour, ce qui permettrait de poursuivre la lutte ensemble, alors que s’ouvre l’ère Trump. Quand des journées de mobilisation comme celle du 20 janvier se rapprochent, il est important de se projeter au-delà de la cible visée, de comprendre que de telles journées sont les premières pierres dans la fondation de mouvements plus puissants.

3. Ceux et celles qui manifesteront à Washington peuvent faire leur choix parmi une multitude de tactiques et de modes d’intervention.

Certain-es appellent à bloquer les points de contrôle tout au long du trajet prévu pour le défilé officiel, en espérant que Trump traverse des rues désertes et silencieuses pour prendre ses fonctions. D’autres sont en train de se préparer à défiler dans la ville, et ils soutiendront et défendront ceux et celles qui manifestent leur opposition en anticipant les problèmes qui pourraient se poser. D’autres encore envisagent de bloquer les transports. Washington, DC offre d’innombrables possibilités à des groupes auto-organisés qui souhaitent définir leurs propres objectifs, choisir leurs propres cibles selon leur propre rythme.

4. Ce qui va se passer le 20 janvier aux États-Unis aura des répercussions très importantes dans le reste du monde.

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En ce moment même, un peu partout dans le monde, des politiciens nationalistes comme Marine Le Pen espèrent pouvoir coller aux basques de Trump et eux aussi l’emporter, tandis que les gens à Mexico, en Syrie ou ailleurs craignent les politiques que Trump a promis de mettre en place. Si les gens en dehors des États-Unis voient une résistance dirigée contre Trump dès le premier jour de son mandat, ils reprendront confiance, y verront un exemple de ce que riposter veut dire, et n’auront plus de raison d’avoir peur ou de haïr le citoyen américain ordinaire (ce qui pourrait sauver des vies en décourageant d’éventuelles attaques terroristes). Cela montre aussi que la classe dirigeante, en propulsant à la tête du gouvernement le candidat le plus explicitement réactionnaire et répressif, ne fait que créer le chaos et le désordre, les empêchant de soutenir d’autres partis nationalistes d’extrême droite.

5. Le prix de l’échec est terrible

Imaginons le pire scénario, dans lequel des millions de fans en liesse accueillent Trump andis que des gangs de fachos tabassent les opposants descendus dans les rues de Washington. Cela encouragerait les brutes d’extrême droite dans tout le pays, provoquerait une nouvelle vague d’attaques racistes et donnerait à d’autres l’idée de s’enrôler dans les rangs de l’extrême droite : cela ferait de 2017 l’équivalent de 1932 en Allemagne. Nous devons au minimum montrer à ceux et celles qui sont déterminé-es à manifester à Washington qu’ils-elles ne seront pas seul-es.

6. D’un autre côté, si les manifestations sont un succès, nous ne devons pas en rester là, ou ce serait une occasion manquée.

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Dans le meilleur des cas, l’investiture de Trump sera massivement perturbée. Et même dans ce cas, pourtant, il se pourrait quand même que le message qu’on retienne des manifestations de protestation soit un message réformiste qui a si lamentablement échoué sous Obama, avec le même genre de politique autoritaro-libérale qui a, dès le départ, préparé l’accession de Trump au pouvoir. Quiconque a réfléchi de façon un peu approfondie à ce qu’est l’émancipation devrait être à Washington pour le dire au monde entier.

7. C’est notre seule chance de combattre Trump dans le contexte légal et policier de l’administration Obama.

Plus tard, quand l’administration Trump mettra en place de nouvelles lois, des programmes de surveillance, des agences gouvernementales et des opérations du FBI, il sera trop tard pour construire une dynamique susceptible de leur résister. Il faut que nous fassions cela maintenant, quand des millions de gens sont en colère, avant qu’il soit bien plus difficile de s’organiser. Ce n’est ni en se cachant dans des petits cercles clandestins ni en restant passifs que nous pourrons garantir notre sécurité. Si personne ne résiste, la répression touchera tout le monde, tôt ou tard. La seule véritable garantie de sécurité est un mouvement puissant qui puisse soutenir ceux et celles qui se feront arrêter et infliger les conséquences matérielles de la répression.

8. La police de Washington aura énormément à faire.

Police Washington DC

À la fin des années 1990 et au début des années 2000, la police de Washington a procédé à une série d’arrestations de masse afin de se débarrasser des manifestations anti-mondialisation qui avaient lieu dans la ville ; à cause de cela, elle a été forcée de payer plusieurs millions de dollars de procédures juridiques. Dans une affaire célèbre, deux « black blocs anarchistes » se sont échappés d’une arrestation de masse (plus de 500 personnes) en passant par les égoûts, et cela a coûté 18 000 dollars par personne.

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Depuis, la police de Washington est bien plus prudente dans sa façon de s’occuper des manifestant-es. Mais son mode opératoire pourrait bien changer pour le 20 janvier, tout est possible, mais dans une situation où une foule hétéroclite se retrouvera dans les rues de Washington, la police aura du mal à isoler les manifestant-es ou à utiliser la violence contre eux-elles sans créer une situation explosive. Si elle se trouve amenée à utiliser les gaz lacrymogènes, les canons à son (LRAD) ou tout autre arme qui frappe tout le monde sans discernement, dans des rues pleines de riches républicains, cela sera une défaite humiliante pour elle. Cela montrera au monde que, contrairement à ce qu’a promis Trump, son investiture n’annoncera pas le retour de l’ordre mais l’ouverture d’une période de chaos qui ira croissant ; cela signifiera également qu’une paix véritable ne pourra voir le jour que selon des termes sur lesquels tout le monde se sera mis d’accord, pas par l’éradication de toute opposition.

9. Tout ce qui arrivera à Washington vaudra 100 actions n’importe où ailleurs.

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Avec toutes les forces de police concentrées sur le Capitole, il sera certes difficile de réussir des actions le long du défilé officiel, mais avec les yeux du monde entier fixés sur Washington, toute action efficace qui aura lieu dans les limites de la ville aura un impact énorme. Des actions dans le reste du pays peuvent aider les gens à construire des contacts localement mais elles seront sans doute éclipsées par le discours au niveau national qui se concentrera sur Washington. Et de fait, si les manifestations à Washington se passent bien, les gens montreront bien plus d’enthousiasme dans le reste du pays pour s’engager au niveau local. De la même façon, toutes les nouvelles tactiques qui auront été mises en œuvre à Washington se diffuseront rapidement à travers toute le pays.

10. Si vous ne pouvez pas venir jusqu’à Washington, il y a plein de façons de vous organiser là où vous êtes…

… comme les débrayages dans les universités, les grèves sauvages, les manifestations et bien d’autres encore. Vous pourriez redécorer votre ville avant le 20 janvier, ou bien choisir une cible et mener une grève offensive pour empêcher toute activité pour la journée. Partout aux États-Unis et à travers le monde, le 20 janvier sera l’occasion de se retrouver entre opposants aux régimes en vigueur. Il faut que pour cette journée, vous soyez prêt-es à parler des actions à venir, afin de pouvoir construire un mouvement, d’une mobilisation à l’autre. Toutes les actions qui auront lieu avant le 20 janvier contribueront à entretenir l’enthousiasme que suscite cette journée, tout comme les actions immédiatement après le 20 janvier contribueront à prolonger la dynamique qui aura été lancée. Il faut penser au-delà de la cible à atteindre !

Si vous trouvez tout cela convaincant, vous pouvez trouver bien plus d’informations sur le site Internet de Disrupt J20, pour savoir comment préparer les manifestations à Washington et dans le reste des États-Unis. Bonne chance, en espérant vous voir bientôt !