Ecofascisme : la rhétorique du virus (théorie et analyse)

Initialement publié par « Organise ! », magasine mensuel de la Fédération Anarchiste Anglaise, ce texte a été traduit et mis en ligne par nos camarades de l’Union Antifasciste Toulousaine. En voici un extrait.

Tandis que le monde est encore plongé dans une nouvelle forme de bouleversement en raison du déclenchement et de la diffusion globale du COVID-19, on a pu voir une semblable montée de l’opportunisme destiné en premier lieu à tirer avantage de la peur et de l’inquiétude. De tous les opportunistes, de tous les prédateurs de la peur, l’une des factions les plus importantes a toujours été l’extrême-droite et plus précisément, le mouvement écofasciste. Les réseaux sociaux ont accentué cela, puisque les messages peuvent être diffusés de façon très large à grande vitesse et qu’il suffit d’un partage pour qu’un élément de propagande bien conçu se répande d’un groupe de personnes à une population beaucoup plus importante, qui participera à sa propagation sans pour autant être profondément convaincue par ses fondements. Il est facile pour quelqu’un de se retrouver à partager des idées fascistes sans vraiment le vouloir – mais nous y reviendrons.

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L’une des racines les plus pernicieuses de l’écofascisme se trouve dans son prédécesseur, le mouvement eugéniste. Bien que les différences entre les deux soient notables, leurs similarités se trouvent dans leurs tactiques plus que dans leur esprit ; les eugénistes cherchent à sacrifier certains groupes d’individus sur l’autel de la supériorité génétique qu’ils imaginent, arguant que l’existence de tel ou tel groupe constitue une dégénérescence de l’espèce. Les écofascistes cherchent à sacrifier certains groupes d’individus sur l’autel de l’environnement, arguant que l’existence de tel ou tel groupe est une cause majeure du désastre écologique. Pour en revenir à Bookchin, on ne peut ignorer que les groupes dont il est question sont presque toujours les mêmes, dans un cas comme dans l’autre : les personnes pauvres, racisées, handicapées.

Le COVID-19 a amené une bonne partie de cette conversation dans la sphère publique. Alors qu’il est généralement considéré de mauvais goût – à raison – de parler d’infections, de maladies ou de plaies pour faire référence à des groupes de personnes, il semble y avoir une certaine indulgence lorsque le groupe en question n’est pas spécifié. Si on parle de l’humanité en général, ça passe , comme si le flou donnait une immunité éthique. Il est relativement courant aujourd’hui de tomber sur un nouveau tweet viral, aux dizaines de milliers de likes, exposant les eaux claires des canaux de Venise ou un cerf sauvage se baladant sous les néons des centres-villes japonais, et déclarant que la Terre guérit ; les cieux dépollués de Californie sont scrutés avec intérêt – peut-être étions-nous le vrai virus depuis le début ?

Aussi étrange qu’il y paraisse, les réflexions de ce type sont devenues de plus en plus banales au fil des semaines, et les preuves que la nature « reconquiert » des zones autrefois peuplées commencent à s’accumuler. Inutile de dire que plus d’un élément de l’idéologie écofasciste marine dans les sous-entendus de cette question ; lorsque quelqu’un se demande si l’humanité est le « vrai virus », il met en place un système dans lequel la Terre est une entité et l’humanité un problème à résoudre. La solution proposée est rarement exprimée directement, mais ce n’est pas nécessaire car la réponse est dans la question ; on se soigne d’un virus en l’éliminant. Sous l’émerveillement de voir un ours sauvage déambuler sur les pavés italiens, se cache la croyance que le monde se porterait mieux sans nous. Ou, plus exactement, que le monde se porterait mieux sans certains d’entre nous, tout en laissant le subconscient de chacun juger qui ces certains devraient être. Qui que cela puisse être, ce sera assurément quelqu’un d’autre.

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