Lorsqu’on parle de l’histoire générale du Québec, il est difficile de passer à côté des rébellions de 1837-1838 qui ont secoué la province à l’époque. En effet, les membres du Parti Patriote avaient alors décidé de se rebeller contre la couronne britannique et de prendre les armes pour fonder une république laïque et progressiste. Cette rébellion est, dans l’histoire du Canada, ce qui ressemble le plus à une tentative de révolution bourgeoise inspirée par les révolutions américaines et française. De nombreuses commémorations des victimes rebelles sont organisées chaque année, notamment par le mouvement souverainiste québécois qui en ont fait des héros. Pourtant, même s’ils se battaient pour une république, les Patriotes n’étaient pas nécessairement seulement franchophones et leur mouvement de révolte s’était aussi étendu au Haut Canada, surtout anglophone à l’époque. Des études historiques montrent d’ailleurs que c’est probablement dans le cadre de ces révoltes que sont apparues les premières traces d’anarchisme au Québec, mais tout ça n’est pas vraiment le sujet de ce texte.

Comme à chaque année, en date du 15 février, des groupes souverainistes, les Jeunes Patriotes du Québec et le Comité souverainiste de l’UQAM en l’occurence, organisent une marche aux flambeaux pour honorer la mémoire des 12 patriotes révolutionnaires qui furent pendus en réponse aux rébellions de 1837-1838. L’événement attire généralement entre 100 et 200 souverainistes qui défilent alors dans les rues de Montréal. Mais voilà que depuis l’an dernier, ils ont été rejoints par des militants d’extrême droite qui désirent récupérer la symbolique des patriotes et s’incruster dans le mouvement souverainiste québécois.

Comme ils ont été présents l’an dernier sans que personne ne s’en offusque outre mesure, les militants néo-fascistes ont décidé de récidivier cette année. C’est ainsi que la Légion Nationale, groupe influencé par la mouvance identitaire française d’extrême droite et La Bannière Noire, qui se rapproche un peu plus des idées néo-fascistes italiennes, ont lancé un appel à se mobiliser sur leur page Facebook respective entre deux articles repris de la Fédération des Québécois de souche (FQS) ou d’un quelconque autre groupe fascisant. Qui sont ces organisations ?

La Légion Nationale est une organisation de jeunes issus des mouvements boneheads (skinheads néo-nazis) et/ou NSBM (National Socialist Black Metal) qui essaie de se faire passer pour un groupe politiquement correct de jeunes nationalistes qui luttent notamment contre la « corruption », la « criminalité » et la « drogue ». Ils organisent à chaque année, le 9 mai, une marche secrète où ils défilent en souvenir de Sébastien Deyzieu, un jeune néo-nazi français mort lors d’une manifestation en 1994. Ils co-organisent également, conjointement avec la FQS, une manifestation automnale annuelle où ils dénoncent la « dénationalisation et le multiculturalisme », lire ici l’immigration extra-européenne. D’ailleurs lors de la dernière édition de cette « manifestation » d’une vingtaine de personnes qui avait lieu à Trois-Rivières, le militant d’extrême droite Sylvain Marcoux avouait : « C’est possible qu’à travers nos rangs, je ne suis pas dans le secret des dieux, s’infiltrent des gens qui ont des opinions plus racistes [...] mais ça, c’est une question de culture » (Source). Bien drôle de culture…

La Bannière noire, quant à elle, est une organisation également issue des mouvements boneheads montréalais et dirigée notamment par Maxime Taverna, bassiste du groupe de rock identitaire Trouble Makers. Surtout impliqués dans la contre-culture, ils organisent des petits événements fermés comme des conférences sur les mouvements fascistes (grecs notamment) ou des soirées d’échange où l’ensemble des groupes d’extrême droite sont conviés pour tenir des kiosques sur fond de musique et de discours. Leurs événements regroupent généralement de 20 à 30 boneheads. Le groupe a également une émission sur les ondes de Radio Bandiera Nera, antenne du mouvement néo-fasciste italien CasaPound.

Bref, il est plus que temps que les différentes organisations qui composent le mouvement indépendantiste québécois prennent une position claire sur le fascisme et la présence de tels militants dans les événements qu’ils organisent. Ce mouvement est l’un des derniers à encore tolérer les fachos en son sein. Des discussions avec des organisateurs et organisatrices de la marche aux flambeaux qui aura lieu ce vendredi ont permis d’apprendre qu’ils et elles voient ces individus et organisations comme étant indésirables, mais qu’il est plutôt difficile, pour eux et elles, de les expulser. Pourtant, tôt ou tard, un message devra être envoyé afin de faire clairement comprendre aux néos-nazis et autres fachos qu’ils ne sont pas les bienvenus, sinon, comment croire que le mouvement souverainiste n’en est pas un réactionnaire, raciste et xénophobe ? La vaste majorité des militants et militantes indépendantistes ont lutté à nos côtés durant la grève générale étudiante, espérons que les valeurs qu’ils et elles ont démontré (justice sociale, solidarité, combativité, tolérance) n’étaient pas que de la frime…

Pour en savoir plus sur la Légion Nationale : Article du défunt site Fachowatch
Pour en savoir plus sur Maxime Taverna et son band Trouble Makers : Article du défunt site Fachowatch

http://durerealite.wordpress.com/2013/02/14/des-fachos-veulent-defiler-dans-nos-rues/