Comment l’extrême droite est devenue islamophobe (3) : contre "l’islamisation de la France"

troisième volet de l’article de Stéphane François, dont nous avons publié ici et là des extraits :

Si le Front national a beaucoup insisté sur les réponses économiques et politiques à donner à la mondialisation, il n’en reste pas moins qu’il a aussi intégré, à l’instar des autres partis populistes européens, la thématique identitaire, surtout depuis l’entrée massive d’Identitaires au sein de ce parti à compter des années 2015/2016. Cette thématique ne fait que reprendre un sentiment diffus au sein de la population française dès la décennie précédente : des témoignages de Français exprimaient la sensation d’être exilé chez soi. En effet, la visibilité de l’islam à compter des années 1980 a bousculé les habitudes de la population française par le port du voile, par l’essor de la consommation de produits halal ou par la multiplication des lieux de culte. Longtemps confiné à l’extrême droite, ces critiques ont trouvé un écho dans l’opinion publique à la fin des années 1990 : les musulmans seraient incapables de s’intégrer, d’accepter les valeurs de la civilisation européenne… Et surtout, l’islam serait un danger pour les valeurs libérales françaises : la laïcité, le droit des femmes, le droit à l’avortement, la liberté de mœurs, etc.

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Quand le RN instrumentalise le féminisme pour justifier son islamophobie…

La visibilité grandissante de l’islamisme à partir du 11 septembre 2001 a permis aux partis populistes et identitaires de concentrer leurs attaques sur le danger musulman, l’islam étant assimilé non seulement une religion obscurantiste, mais également à une religion fanatique et expansionniste. Aujourd’hui, ce rejet entre en résonance avec les préoccupations des opinions publiques européennes, non pas suite aux attentats perpétrés depuis 2013 par Daesh, mais dès le 11 septembre 2001. Les militants d’extrême droite et une partie de l’opinion publique française sont persuadés que les islamistes ont déclaré la guerre à l’Occident : par attentats évidemment, mais aussi par une « colonisation inversée » à la fois culturelle et ethnique.

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La propagande anxiogène deu FN

En outre, les flux migratoires de ces dernières années, venant du monde arabo-musulman (Proche et Moyen Orient, Afrique) sont vus comme une menace : il s’agirait d’une politique délibérée de partisans d’un projet mondialiste pour remplacer les populations européennes, au sens ethnique du terme, par des populations extra-européennes de confession musulmane. L’un des promoteurs de cette idée est le théoricien identitaire français Guillaume Faye, auteur en 1995 d’un ouvrage intitulé La Colonisation de l’Europe. Discours vrai sur l’immigration et l’islam (Paris, L’Aencre).

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Guillaume Faye

Le rejet de la nourriture halal participe de ce refus d’une supposée islamisation de la France. Ainsi, en 2012, le Front national a porté plainte auprès du Procureur de la république de Nanterre pour tromperie sur la marchandise parce que les Français consommeraient de la viande halal sans le savoir.

Concrètement, à l’extrême droite, le combat contre l’islam s’est superposé au rejet des immigrés. Cela est particulièrement flagrant avec Marine Le Pen. La critique est passée du biologique au culturel : l’immigré est rejeté non plus au nom d’arguments raciaux, mais dorénavant au nom d’arguments civilisationnels (incompatibilité supposée de la culture/civilisation arabo-musulmane à la culture/civilisation européenne/occidentale). Ainsi, elle s’est attaquée aux prières de rue, à ce qu’elle appelle les « mosquées cathédrales » et aux produits halal, expressions selon elle de l’incapacité des arabo-musulmans à s’intégrer. Toutefois, il est important de préciser qu’une partie de cette thématique antimusulmane n’est pas propre au Front national. Elle provient du Bloc identitaire, devenu en 2017 Les Identitaires.

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Propagande du bloc identitaire et occupation en 2012 du chantier d’une mosquée à Poitiers.

En effet, la critique du halal et des prières de rue sont des thèmes qui proviennent de la nébuleuse identitaire, que le Front a repris après la campagne dite « saucisson pinard », organisée par le Bloc identitaire à l’été 2010. L’objectif premier de cette opération était de dénoncer l’occupation de l’espace public par des croyants musulmans. Il s’agissait de montrer d’une manière provocatrice le phénomène des prières de rue dans le quartier parisien de La Goutte d’Or, notamment autour de la rue Myrrha. La condamnation de l’islam y était associée à une défense des produits de « nos terroirs » : le vin et les produits charcutiers. Cette thématique a été reprise par Marine Le Pen : aux journées d’été de son parti en 2011, l’alors nouvelle présidente frontiste a déclaré que « l’arrivée massive, en un temps très bref, vingt ou trente ans, de femmes et d’hommes ayant pour une très grande majorité une culture très différente de la nôtre rend toute assimilation inopérante, voire impossible ».

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