Canada : l’extrême droite se développe dans la complaisance

Nos camarades antifascistes canadiens du GREDA font dans cet article, à retrouver en intégralité ici et dont nous publions de larges extraits, le point sur les prises de position des élus et des médias vis-à-vis de l’extrême droite. Si nous ne partageons pas la confiance que nos amis accordent à la justice pour traiter efficacement la question, il est intéressant de voir de quelle façon l’État se comporte de l’autre côté de l’Atlantique, en particulier la mansuétude dont fait preuve la police qui entretient de bonnes relations avec ces groupes nationalistes et racistes. On vous conseille aussi la lecture d’un article sur les préparatifs de la manifestation d’extrême droite de ce samedi 25 novembre.

Malgré le caractère haineux des propos de plusieurs membres des groupuscules de l’extrême droite sur les réseaux sociaux (public ou privé), l’État reste de glace. En fait, ce laxisme permet à ces organisations de développer leur propagande en toute quiétude. Alors que l’on intervient contre des complots djihadistes, ce qui est important et nécessaire, on reste de marbre devant l’intolérance et la haine.

Lorsque les élus prennent position

Il est important de souligner deux exemples importants de prise de position des autorités contre la présence de groupes haineux. Le 19 août dernier, à Vancouver en Colombie-Britannique, le maire de la ville ainsi que le Premier-Ministre provincial ont clairement pris position contre l’organisation d’une manifestation islamophobe prévue dans la ville. Plus de 8,000 personnes ont participé à la mobilisation populaire. Les militants islamophobes ont été escortés hors du secteur par les forces policières.

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Vancouver, le 19 août 2017.

Le même jour, à Boston aux États-Unis, le maire de la ville a clairement pris position pour dénoncer l’intolérance et un rassemblement prévu par des suprématistes blancs. Le résultat a été le confinement des 400 suprématistes blancs dans un petit parc, et leur évacuation sous escorte policière face à l’arrivée de 40,000 personnes marchant contre l’intolérance et la haine.

Au Québec, vigilance ou complaisance ?

Le 18 juillet 2017, le Maire de Québec avait fait une sortie en règle contre La Meute, Atalante, les Soldats d’Odin et autres groupuscules brunâtre. (…) « Ça me dégoûte de voir ça parader en ville. Dans les pays où il s’est créé des milices, ça n’a jamais été de belles histoires », dénonce Régis Labeaume, se remémorant le triste souvenir du journaliste et homme politique Adrien Arcand, qui ne cachait pas ses accointances nazies et antisémites. « Moi, je n’accepte pas ça, Idéologiquement, ça me pue au nez des groupes comme ça , poursuit-il. Si on veut combattre l’islamisme radical, il faut le faire dans les limites de la démocratie et du droit . » De concert avec le service de police de Québec, le maire a bien l’intention d’avoir à l’œil ces groupes qui rassemblent « toutes sortes d’hurluberlus » qui « se content des peurs et se gonflent la tête ».« Je leur conseille de marcher très droit et de ne pas faire de coche mal taillée. Il y aura zéro marge de manoeuvre . » (…)

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Storm Alliance et la Meute le 1er juillet 2017 à Hemmingford.

Le Premier-Ministre du Québec a également fait une déclaration sur le 20 août. Philippe Couillard juge qu’il n’est « pas plus acceptable pour les gens d’extrême gauche d’user de la violence » que pour ceux d’extrême droite, mais il affirme du même souffle qu’entre le racisme et la xénophobie et ceux qui s’y opposent, il a choisi son camp. ( La Presse , 21 août 2017). Ensuite, suite à la diffusion d’un reportage sur le développement d’une milice armée au Québec, la milice du III%, présente le 20 août à Québec et assurément le 25 novembre, le ministre de la Sécurité Publique du Québec a fait une déclaration dans le journal La Presse du 12 septembre : Martin Coiteux se dit très au fait de l’émergence de milices armées d’extrême droite au Québec.

À l’aube de la manifestation du 25 novembre, le Ministre de la Sécurité Publique ainsi que le Maire de la ville de Québec prétendent s’en remettre aux services policiers pour la journée.

Les Forces Armées et la Police de Québec silencieuses

Alors que de nombreux témoignages et reportages en témoignent, les groupes d’extrême droite sont présents au sein des Forces Armées canadiennes. Il y a eu plusieurs scandales dans le passé, même une Commission d’enquête dans les années 1990, et la suspension temporaire de 4 membres des Proudboys par la marine canadienne cet été. Pourtant, rien ne bouge de ce côté. Pourtant, le quotidien de Québec, Le Soleil du 6 janvier 2016, titrait, il y a bientôt deux (2) ans : " La Meute dans la mire de l’armée L’armée surveille de près les membres des Forces armées canadiennes (FAC) inscrits dans le groupe Facebook La Meute ." La Meute vante son soutien au sein des Forces armées canadiennes. Malgré tous les reportages, les plaintes formulées, aucune action n’est prise contre ces membres de l’extrême droite.

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Jacques Gagné

Au Service de Police de Québec, on a ouvert une enquête sur les menaces proférées par le chef de la sécurité de la Meute contre des députés de l’Assemblée Nationale. Le Journal de Québec du 18 septembre 2017 titrait : "Un administrateur de La Meute dans l’embarras". L’un des administrateurs du groupe La Meute a lancé un appel pour trouver l’adresse de députés sur Facebook, soutenant qu’il venait d’obtenir son permis de chasse aux dindons sauvages. Le Service de police de la Ville de Québec (SPVQ) a confirmé au Journal qu’une escouade va enquêter.« Aujourd’hui je suis heureux, je viens de terminer mon cours pour obtenir mon permis pour la chasse aux dindons sauvages. PS… Vous pouvez me fournir l’adresse de quelques députés », a indiqué sur sa page Facebook Jacques Gagné, l’un des nouveaux administrateurs de La Meute. (…) Le SPVQ a assuré que des vérifications sont faites dans ce dossier. « Une enquête a été ouverte », a confirmé David Poitras, porte-parole, au Journal . Encore une fois, aucune action connue à ce jour. En fait, un informateur local nous a affirmé être estomaqué par l’attitude des forces policières envers les groupes de l’extrême-droite. Il nous a dit que des policiers ont dit : " ils sont de bonnes personnes avec qui on peut discuter ».

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Et, maintenant lors de la manifestation du Front Patriotique du Québec en avril 2017. Aucune nouvelle à ce jour dans ce dossier également. Il faut bien reconnaître que l’inaction des services de l’État permet une multitude de diffusion de propos haineux, de menaces sans aucune conséquence directe pour les auteurs. Cela mine la crédibilité des institutions et alimente la frustration au sein de la population, particulièrement les groupes minoritaires.

Certains médias complaisants

Le week-end dernier, la Fédération Professionnelle des Journalistes du Québec (FPJQ) a tenu un atelier sur le traitement médiatique de l’extrême droite au cours de son congrès annuel. Cela est une excellente initiative mais il reste beaucoup de travail à faire. Plusieurs médias traitent la manifestation du 25 novembre selon les termes définis par La Meute et les SA. On répète le pauvre parcours de ces derniers face aux dangereux antifascistes. Peu ou pas de critiques sur les véritables propos ou actions de ces groupes et de leurs membres.

Par exemple, dans une récente chronique, on parlait de La Meute versus les "antiracistes". On déterminait alors que le discours de La Meute était respectable alors que les "antiracistes" étaient de dangereux personnages. On parlait même qu’ "ils frappaient des passants"…. La moindre enquête aurait démontré le contraire. On donne des minutes d’antenne aux porte-paroles de la Meute et des SA, on s’inquiète de leur sécurité ! Pourtant même certains chroniqueurs de droite parlent de la Meute et des SA comme des organisations miliciennes cultivant un style paramilitaire !

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De plus, un ancien dirigeant de la Fédération des Québécois de Souche (FQS) se présente maintenant comme un expert de l’extrême droite, tout en affirmant que l’extrême gauche est plus menaçante ou presque. Outre sa condamnation en 2009 pour propagande haineuse, avec une sentence assez particulière : le juge Rémi Bouchard l’a condamné à respecter les conditions d’une période de probation de deux ans, en plus de lui imposer 150 heures de travaux communautaires que Fiset devra effectuer d’ici six mois. La peine maximale prévue par le code criminel pour propagande haineuse est de deux ans d’incarcération.(J.de Qc, 7 avril 2009). Il est maintenant consultant pour le "Centre de prévention de la radicalisation menant à la violence". Outre son passé néo-nazi, il n’a jamais fait condamner qui que ce soit de ses anciens frères d’arme à notre connaissance. Nous savons qu’il est un adepte du survivalisme, selon un documentaire diffusé sur le Canal D, mais il se définit comme un expert. Mais, cela nous donne un nouvel expert, toujours disponible.

Il est temps d’agir

Nous considérons que l’État doit faire appliquer nos faibles mesures législatives contre la propagande haineuse. Cela est nécessaire pour passer un réel message à l’extrême-droite que l’heure de la récréation est terminée. Il faut que les élu(e)s prennent publiquement position contre la haine et l’intolérance et qu’ils passent des paroles aux actes envers l’extrême-droite. Nous voyons que la population se mobilise, comme on l’a vu à Montréal le 12 novembre dernier avec plus de 3,000 personnes dans la rue contre la haine, le racisme et l’extrême droite.
Groupe de Recherche sur l’extrême-droite et ses allié(e)s/GREDA