À l’occasion du procès qui vise plusieurs membres des identitaires autrichiens, nos camarades de la Rosa Antifa Wien nous rappellent ce que ce mouvement représente en Autriche, et dans quel contexte, pourtant favorable à l’extrême droite, se déroule ce procès.

À Graz (Autriche) a lieu ce mois-ci un procès contre le « Mouvement identitaire autrichien ». Connu en Europe pour leur campagne médiatique dans les Alpes et en Méditerranée, les Identitaires ont été également responsables de plusieurs incidents racistes en Autriche. Les charges retenues contre eux sont les suivantes : incitation à la haine raciale, constitution d’organisation criminelle et appartenance à une organisation criminelle, destruction de biens privés et coercition. Pour plus de détails au sujet de ces charges, allez voir prozess.report qui propose un dossier complet à ce sujet.

Les Identitaires en Autriche

Le « Mouvement identitaire autrichien », pour reprendre la dénomination utilisée par ce groupe d’extrême droite, a été fondé en 2012 à Vienne, sur le modèle du Bloc Identitaire français, par des membres de corporations étudiantes d’extrême droite. Ces soi-disants Identitaires sont rapidement devenus la branche militante de l’extrême droite autrichienne.

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Des Identitaires autrichiens en juin 2016.

Leurs campagnes faisaient presque toujours l’objet d’une couverture médiatique, sans discriminations, et elles étaient largement diffusées par les réseaux sociaux. Pour l’extérieur, les Identitaires se présentent comme de « jeunes conservateurs engagés » qui n’ont rien en commun avec les skinheads néonazis des années 1990.

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Bien qu’ils se défendent d’être néonazis, les Identitaires n’hésitent pas à tendre le bras dans leurs manifs... (photo : Heute)

Ils parviennent ainsi bien souvent à donner d’eux l’image d’une « ONG de droite » qui a été acceptée avec enthousiasme par les médias et les politiciens, ce qui a contribué à légitimer leur propagande raciste. Cette image est cependant en complète contradiction non seulement avec leurs activités qui comprennent des rencontres régulières d’arts martiaux, des entraînements au maniement de la matraque, des attaques violentes contre ceux qui viennent protester contre eux mais également avec leurs contacts avérés avec les néonazis violents.

Le procès

Le 4 juillet, le procès contre le « Mouvement identitaire autrichien » a commencé. Le procureur les accuse de plusieurs crimes, le plus grave étant la « constitution d’une organisation criminelle ». Ce paragraphe 278 de la loi autrichienne est fortement sujet à caution, car il a servi par le passé à criminaliser des militants de la cause animale ainsi que des soutiens des réfugiés. Mais il ne faut pas non plus tomber dans le piège qui consiste à comparer ce type d’organisations aux Identitaires, car il faut éviter de diffuser leur propagande qui vise à les faire passer pour une « ONG de droite » : cela reviendrait en effet à ignorer ou à minimiser leur idéologie néofasciste.

S’ils sont condamnés, les 17 accusés seront emprisonnés pendant plusieurs années, sachant que dix d’entre eux sont accusés d’être membres de l’organisation et sept d’être des « sympathisants actifs ». Une couverture militante du procès, prévu pour durer tout le mois, est assurée entre autres par prozess.report et Radio Helsinki - von unten, les deux fournissant des infos aux moments opportuns, la couverture en temps réel ayant été interdite par le tribunal.

Pourquoi maintenant ?

Ce procès arrive à un moment étrange. Les revendications des « Identitaires », de mauvaise réputation de par le passé, rencontrent désormais largement l’assentiment de l’actuel gouvernement de coalition conservateur/extrême droite. Des centres de détention de masse, des frontières fermées, des coupes dans le système social et éducatif, visant les migrants, et d’autres points typiquement à l’ordre du jour de l’extrême droite sont actuellement mis en place. Durant la campagne électorale menée en 2017, les positions du FPÖ et de l’ÖVP, actuellement au gouvernement, étaient un peu différentes de celles, nettement plus radicales, des Identitaires. Après les élections, des membres des corporations étudiantes et d’anciens membres de groupes paramilitaires néonazis des années 1990 ont même trouvé du travail au sein des ministères occupés par le FPÖ.

Dans ces circonstances, le procès mené contre les « Identitaires » n’est qu’une solution superficielle, si l’on considère que les pratiques racistes du gouvernement autrichien restent inchangées. Un acquittement reviendrait même à renforcer le groupe d’extrême droite, leur donnant l’absolution pour toutes leurs actions. Une condamnation serait à coup sûr un coup sérieux porté aux Identitaires, dont le travail politiques serait limité. Mais à un moment où l’UE met en place ce que revendique la campagne « Defend Europe » en criminalisant celles et ceux qui volent au secours des migrants en Méditerranée, ce n’est pas une consolation.

Peu importe ce à quoi le procès aboutira, se contenter de faire fermer boutique à quelques groupuscules ne saurait être une réponse. Cela ne résoud pas le problème sous-jacent. Les « Identitaires » et leur propagande ne sont qu’une part du discours raciste dominant dans un pays qui n’a pas de consensus antifasciste. Les idées ouvertement antiracistes, antifascistes et d’émancipation ont besoin d’être largement entendues, et pas d’être réduites au silence comme c’est le cas en permanence. Ceux qui ne s’opposent pas aux idées autoritaires fascistes dès maintenant, ou à tout le moins ne manifestent pas leur solidarité avec ceux qui le font, contribuent au climat politique meurtrier actuel.

Smash Fascism !
Rosa Antifa Wien