Le Blog de veille sur les droits de l’Homme en Serbie nous informe qu’Arnaud Gouillon vient de se voir attribuer la nationalité serbe, en récompense de son action au sein de l’association Solidarité Kossovo, qu’il dirige et préside depuis sa fondation. L’information pourrait sembler anodine, si les médias officiels serbes, qui s’en sont faits l’écho, n’omettaient systématiquement de rappeler l’engagement de Gouillon au sein des Identitaires français, dont il était le candidat aux élections présidentielles françaises en 2012. À nous de leur rafraîchir un peu la mémoire [1]

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Arnaud Gouillon à l’extrême gauche.

Né en 1985 à Grenoble et issu d’une famille d’extrême droite qui affiche un soutien affirmé aux nationalistes serbes dans le conflit qui embrasa l’ex-Yougoslavie tout au long des années 1990, Arnaud Gouillon rejoint les Identitaires en 2003, quasiment dès l’apparition de la structure. Rappelons que le Bloc identitaire est né de la dissolution du groupuscule nationaliste-révolutionnaire Unité radicale, après que l’un de ses sympathisants a essayé d’assassiner le président Chirac le 14 juillet 2002 : le jeune Gouillon, âgé de 18 ans, fait donc partie de la toute première génération des Jeunesses Identitaires, dont il devient rapidement le responsable de la section grenobloise. S’il se fait principalement remarquer par ses qualités d’encadrement, il ne rechigne pas à la violence, comme tout militant d’extrême droite qui se respecte. Présent à la fête du Premier mai 2005 des Identitaires à Nice, il a ainsi été impliqué, avec quelques autres (son frère Bertrand ainsi qu’Olivier Roudier, entre autres) pour des violences racistes commises la veille de la fête dans le vieux Nice.

Mais Arnaud Gouillon ( alias Arnaud Borella) s’est surtout construit sa réputation de sérieux et d’engagement en fondant Solidarité Kosovo, une association satellite des Identitaires à destination des Serbes du Kosovo. On retrouve dans l’association le patron des Identitaires, Philippe Vardon, mais également Gaëtan Bertrand ou encore Nicolas Mirkovic, ancien militant du MNJ et surtout membre du groupe de rock identitaire Elendil au début des années 2000. Solidarité Kosovo s’inscrit dans la stratégie de développement réticulaire des Identitaires comme toutes les autres associations liées au Bloc : par exemple, elle a servi de cheval de Troie aux Identitaires en février 2008 pour s’incruster lors d’une exposition de photos sur le Kossovo à la mairie du XVIIe à Paris. Surtout, comme dans le cas des "soupes au cochon" de l’association Solidarité des Français [2], Solidarité Kossovo défend l’idée d’une aide humanitaire sélective, sur des critères ethniques ou culturels, dans son cas réservée aux Serbes. Elle participe ainsi au projet identitaire racialiste de défense des Blancs européens face à des populations musulmanes qui seraient selon eux forcément hostiles. Pour Gouillon, le Kosovo serait ainsi une terme chrétienne à défendre, menacée par l’expansion islamique…

Un Gouillon pour des couillons

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En 2010, toujours à l’affût d’un nouveau coup médiatique [3], le Bloc identitaire décide de présenter un candidat " de souche européenne " aux élections présidentielles de 2012. L’opération est une fois de plus médiatiquement bien pensée et s’inscrit dans une démarche à laquelle les Identitaires ne cessent de s’accrocher : apparaître comme une force politique neuve. C’est pourquoi, si l’un des deux chefs incontestés du mouvement, Fabrice Robert, est un temps pressenti, c’est finalement Arnaud Gouillon, symbole de la nouvelle génération sans lien avec l’extrême droite folklorique des années 1990, qui est choisi, comme l’avait deviné le site antifasciste REFLEXes.

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Contrairement à Fabrice Robert, qui traîne un certain nombre de casseroles liés à son parcours, Gouillon, à 25 ans, offre le visage lisse que souhaite présenter les Identitaires. Pourtant, le projet défendu est toujours le même, celui de l’ethno-différentialisme : "Ce qui nous intéresse c’est de faire parler de nous pour que l’on parle de l’identité. Pas l’identité métissée d’un Besson qui est l’exact inverse de la définition de l’identité, pas l’identité à la sauce républicaine que toute la classe politique, de la gauche au FN partage, mais l’identité européenne, forgée par 25000 ans d’histoire, enfantée par une chaîne ininterrompue de paysans, d’artisans, de savants, d’artistes, de chefs de guerre comme aucun continent n’en a connu. (…) Nous sommes aussi les seuls à affirmer qu’être Français ne découle pas d’un contrat ou d’un choix de la part de l’étranger. Pour les partis dits nationaux, il suffirait d’expulser les délinquants et les terroristes pour que tout aille bien. Or, le problème n’est pas que cela aille bien ou que cela aille mal, mais de savoir ce qu’est un peuple, et de ce qu’il ne saurait être sous peine de mort." (Fabrice Robert, cité par le blogDroite(s) extrême(s)).

Le 30 novembre 2010, dans le XVe arrondissement de Paris, Arnaud Gouillon fait sa première conférence de presse, et se définit ainsi : “Je suis de culture européenne, de l’ethnie européenne, de sang européen. Je suis un autochtone de souche” . Sur ses affiches de campagne, il est encore plus explicite : " je suis Européen parce que mon premier drapeau c’est ma couleur de peau, et si on peut me la reprocher, on ne pourra jamais me l’enlever. " Cette candidature est moyennement appréciée au Front national, dont Gouillon dit qu’il pose " les bonnes questions " mais apporte " les mauvaises réponses", car le parti frontiste craint une fois de plus de courir après les 500 signatures d’élus nécessaires pour pouvoir se présenter. Marine Le Pen, en novembre 2010, déclare ainsi à propos d’un candidat identitaire : " il serait un concurrent et jouerait un rôle d’empêcher le candidat national d’avoir les parrainages" .

Retour à la case départ

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Quoiqu’il en soit, courant 2011, l’opération tourne au fiasco : non seulement Gouillon n’obtient évidemment pas les 500 signatures nécessaires, mais surtout sa candidature sans relief n’intéresse que peu les médias et pas du tout l’opinion. Notre jeune candidat avait pourtant payé de sa personne, abandonnant provisoirement la direction de Solidarité Kossovo, pour se consacrer à sa campagne. On l’avait vu notamment à deux événements organisés par les Identitaires, le Colloque « Localisme et identité » et surtout en décembre aux Assises Internationales sur l’Islamisation à Paris, organisée dans la foulée des "apéros saucisson-pinard", une opération médiatique réussie des Identitaires. Ironie du sort, l’échec de la candidature Gouillon s’explique en partie en raison de la récupération par Marine Le Pen, nouvellement élue à la tête du parti et chouchoute des médias, de leur démarche d’instrumentalisation de la laïcité (le Bloc s’était en effet associé pour l’occasion à Riposte laïque) pour mieux développer des thèses islamophobes. De plus, ne pouvant ouvertement déclarer la guerre au FN, les Identitaires veulent encore croire à l’époque à un effondrement du FN après les élections présidentielles et législatives de 2012, comme ils l’avaient déjà rêvé en 2010, où les Identitaires avaient parié sur l’éclatement du FN lors du congrès de Tour en janvier 2011 pour la désignation du nouveau président… La suite est connue : Marine Le Pen règne désormais sans partage sur le FN, et la présence d’Identitaires dans sa formation est non seulement inutile, mais contraire à sa stratégie de normalisation.

Gouillon le Serbe

Quoiqu’il en soit, Arnaud Gouillon se fait discret au Bloc identitaire, et retourne à ses activités au sein de Solidarité Kossovo. Il part s’installer à Belgrade, se marie avec Ivana, qui est serbe, et semble se consacrer entièrement à la vie de son association, qui se développe, revendiquant une trentaine de bénévoles. Affichant sur les réseaux sociaux un profil mainstream , Gouillon ne laisse rien transpirer aujourd’hui de ses amitiés passées à l’extrême droite, mais rien non plus ne laisse penser qu’il renie son engagement identitaire. Son association est régulièrement citée en France dans les médias nationaux-catholiques (comme Radio Courtoisie) pour alerter sur le sort des chrétiens serbes, et tout récemment, le 5 mai dernier, le député d’extrême droite Jacques Bompard, proche du milieu identitaire du Sud de la France, a interpelé le ministre des affaires étrangères sur le cas des serbes orthodoxes du Kosovo, en citant l’association de Gouillon. Sur les sites des Identitaires, plus aucune référence n’est faite à celui qu’ils avaient choisi pour diriger la France : dommage, on aurait bien aimé savoir ce qu’ils pensaient d’un de leurs militants si soucieux d’être "de souche" mais si fier d’avoir "abandonné sa patrie" !
La Horde

Notes

[1L’essentiel des informations ci-dessous proviennent du site antifasciste REFLEXes.

[2Lancée le 5 janvier 2004 à côté de la gare de l’Est, cette soupe est portée par la volonté d’ un couple de militants ex-FN et ex-MNR, les Bonnivard. En proposant des repas comprenant systématiquement du porc, elle entendait ainsi procéder à une sélection des personnes à aider, en excluant de fait les SDF juifs ou musulmans. SDF a été rejoint à Nice par Soulidarieta, dirigée par Dominique Lescure, et en Alsace par la soupe identitaire de Chantal Spieler.

[3" Nous nous présentons car, de même que le Bloc est un outil, la présidentielle est également un outil. Un outil de visibilité de politique et donc d’existence politique.  (...)  Nous n’allons pas militer durant deux ans pour que d’autres en perçoivent des bénéfices électoraux par le simple fait qu’ils sont candidats et pas nous."  Le candidat ne serait pas M. Robert mais "un homme jeune, de souche européenne, pour porter le message du retour de la France et de l’Europe.  (...)  Par sa simple présence physique, par son maintien, son allure, notre candidat tranchera avec les Aubry, les Bayrou ou les Sarko." Discours de Fabrice Robert en septembre 2010, cité par le Blog Droite(s) extrême(s).