Visa_Solidaires_Remplacement

L’association antifasciste Visa et Solidaires ont réalisé un argumentaire synthétique pour déconstruire la théorie raciste du "grand remplacement", en vogue dans les milieux d’extrême droite depuis plusieurs années, mais que l’on trouve parfois repris en dehors du cercle qui l’a vue naître. En cliquant sur l’image ci-contre, vous pouvez télécharger le PDF du texte, que nous reproduisons ci-dessous.

Depuis 2010, l’extrême-droite fait référence au "Grand Remplacement" afin de justifier son discours raciste. Né sous la plume de l’écrivain Renaud Camus, ce mythe fait débat au sein des diverses compositions qui forment le fascisme. La mythologie de la disparition de la civilisation occidentale et chrétienne est le pivot central de cette théorie pour le moins fumeuse mais qui semble aussi produire son effet auprès de personnages qui sont régulièrement invités sur les plateaux télé. Banalisée, cette théorie se distille de façon nocive dans les discours et dans les idées mais surtout par la profusion d’images falsifiées qui traînent sur le net. Déconstruire le « Grand Remplacement » fait partie de notre tâche syndicale afin de contenir et de détruire toute idéologie fasciste au sein du monde du travail et dans la perspective de transformation sociale.

D’Eurabia à Renaud Camus

Camp des Saints

Le mythe du « Grand Remplacement » prend ces sources dans un roman de Jean Raspail édité en 1973, le Camp des Saints alertant de l’ínvasion par cargos entiers des plages françaises d’immigrés du Tiers-Monde. Devenu livre de chevet de l’extrême droite ce livre ne fait qu’amorcer le mythe de l’ínvasion et de la disparition de la civilisation européenne et chrétienne. Mais c’est en 2005 que le « Grand Remplacement » fait vraiment surface par le biais de la théorie d’Eurabia, idée développée en 2005 par Gisèle Orebi, essayiste britannique sous le pseudonyme Bat Ye’or dans son livre Eurabia : dénonçant la coopération entre l’Europe et les pays arabes, coopération hostile à l’lsraël et favorisant la politique de l’OLP de Yasser Arafat, developpant l’idée de la soumission des élites politiques et culturelles européennes au monde arabe détenteur de grandes réserves de pétrole.

Camus—Identitaires
Camus invité chez les identitaires lyonnais.

L’idée d’Eurabia s’est élargie depuis, abandonnant l’axe Euro-Arabe pour le remplacer par l’immigration et effaçant les réfèrences à Israël. Renaud Camus, en 2010, étale l’idée que la France et l’Europe sont victimes d’un remplacement de population par un ou plusieurs peuples par le biais de l’immigration, de la fécondité et de la conquête physique et culturelle du territoire par ces derniers mettant en danger la civilisation occidentale. Camus définit ce remplacement comme un tournant historique avec la complicité entre les pouvoirs politiques mais aussi culturels et les musulmans, " bras armés de cette colonisation ".

Les identitaires, le FN, tous conquis

Les identitaires se sont fait connaître de par leurs actions pseudo-spectaculaires (occupation de la mosquée de Poitiers, les tournées "anti-racailles" dans le métro de Lille et de Lyon...) mais ils sont avant tout les sous- traîtants de Renaud Camus. Ce dernier intervient à de nombreuses reprises dans les réunions publiques du Bloc identitaire et de son pendant jeune, Génération identitaire. En novembre 2014, ils lancent le site grand-remplacement.com, dont Camus signe le texte inaugural commençant par un éloge du groupe : « vous connaissez mon amitié pour votre mouvement et pour vous, ma sympathie pour votre action à tous, ma haute considération pour la justesse de vos analyses et mon admiration pour le courage et la pertinence de vos initiatives » .

FN—submersion
Au FN, on joue sur les mots…

Le FN n’est pas clair dans son discours vis- à-vis du cette théorie, Marine Le Pen, dans son entreprise de prétendue dédiabolisation, annonce qu’elle n’adhère pas au « Grand Remplacement » qui pour elle serait une vision complotiste. Mais elle slalome par pur opportunisme entre des déclarations contradictoires dans la presse (cf. l’affaire de l’Occupation). Son père et sa nièce sont plutôt clairs sur cette théorie. JMLP annonce dans certains de ses discours que la période n’est que « le début du commencement » d’un remplacement de civilisation. MMLP annonce de son côté en 2015 : « ll y a aujourd’hui un effet de substitution sur certaines parties du territoire de ce qu’on appelle les Français de souche par une population nouvellement immigrée ». Comme d’habitude, la famille Le Pen est, en facade, divisée...

Le Rassemblement Bleu Marine n’est pas dispensé de mensonge et de cette mythologie. Robert Ménard, édile de Béziers qui défend son fichage des enfants supposés musulmans par déduction du nom de ceux-ci est un grand défenseur des théses remplacistes. S’entourant d’ldentitaires et imposant les livres de Camus dans les bibliothèques dela ville, il nous prouve que la frontière entre tout ce petit monde n’est pas si imperméable qu’ils le prétendent.

Pierre-Cassen-et-Christine-Tasin

Des petits groupes ont fait surface comme Résistance Républicaine ou Riposte Laïque de Pierre Cassen et Christine Tasin, à l’initiative de "l’Apéro Saucisson Pinard" avec l’appui des identitaires, n’a de cesse de fustiger de façon ridicule la supposée religion musulmane des immigrés ainsi que la classe politique et journalistique qu’ils considèrent comme complices de cette "invasion" en les traîtant de "léche-babouches" (sic). En 2013, ce groupe relaie la "Rumeur du 9-3", affaire rapidement démontée parle site Rue89, sur l’invasion de petites villes de région (Niort, Vichy, Le Mans...) par des "gens de couleur" de Seine-Saint-Denis accusés e faire grimper les chiffres de la délinquance... où les chiffres du FN ont progressé dans certaines de ces villes suite à cette affaire !

La réalité des chiffres

Le fantasme du "Grand Remplacement" se fait vite démonter quand on regarde les chiffres de plus près. En 2012, l’Insee dans son rapport, Immigrés et descendants d’immigrés en France , pointe le fait que la France compte 5,3 millions de personnes "nées étrangères dans un pays étranger", soit 8% de la population. Sur ce chiffre on peut compter 1,8 millions de personnes qui viennent de l’Union Europèenne. 3,3 millions viennent du Maghreb, d’Afrique Subsaharienne et d’Asie donc 5% de la population française... on est très loin du cauchemar des Camus, Ménard et consorts ! En prenant en compte les descendant-es des migrant-es, bien que né-es sur le territoire, le chiffre est de 6,7 millions avec, là aussi, 5% provenant du Maghreb francophone, du Subsahara et d’Asie, soit 3,1 millions de personne. Camus par un savant calcul inexpliqué et sans réelle demarche scientifique ajoute les arrivant-es et les descendant-es pour arriver au chiffre de 20% de la population.

Selon la Division des Migrations Internationales de l’OCDE, les flux récents d’immigration avoisinent les 245 ooo entrées permanentes par an (dont 95 ooo Européens), le nombre d’immigrés qui s’installent durablement en France est bas et représente moins de 0,4% de la population totale, contre une moyenne de 0,6% dans l’OCDE. Pour Raphaël Liogier, sociologue des réligions, l’Europe a un taux d’accroissement de migration stable depuis les années 1980 : 3% en Grande-Bretagne, -0,7%° en Allemagne et 1,1% en France. Parmi les dix populations immigrées en Europe, seulement 3 sont à majorité musulmane. Le sociologue dément les théories d’invasion arabo-musulmane relayée par des pseudo-spécialistes et qui prennent de plus en plus racine en Amérique du Nord et en Europe avec l’exemple dramatique du tueur norvègien Anders Behring Breivik, friand de ce fantasme.

François Gemmene, spécialiste des mouvements de population, résume ainsi le "Grand Remplacement" lors d’une émission sur Francez en février 2015 : "[...] elle tient essentiellement du fantasme. Elle s’appuie très largement sur des mensonges et sur des amalgames. L’amalgame le plus frappant étant celui qui est fait entre l’origine et la nationalité. On va compter les descendants des descendants. Cela rappelle les heures les plus noires où on visait une certaine pureté de la population. On a vu ce que ça a donné dans les années 30 avec l’Holocauste. Cela correspond à une rhétorique raciste d’extrême droite ."