Lu sur Café Babel le premier volet d’une enquête menée par Safouane Abdessalem sur la façon dont l’extrême droite instrumentalise la question migratoire pour s’implanter dans les Alpes Maritimes, tout en menaçant celles et ceux qui manifestent en actes leur solidarité avec les migrant·e·s.

« Les nègres, dehors ! Toi on va te fumer, te faire la peau, te massacrer ! ». Habituée au calme, la vallée du Paillon traverse ce soir là une zone de turbulences. La scène se déroule à Contes, le 13 avril 2019, dans l’arrière-pays niçois. Regroupés autour du parking de la résidence, une quinzaine de jeunes clament des slogans nazis. Torses nus, tatouages et crânes rasés, certains d’entre eux sont munis d’armes blanches. Prenant pour cible un habitant du hameau, le groupe lance un projectile qui brise une des fenêtres de l’appartement et blesse l’habitant. « La fenêtre a explosé et j’ai senti quelque chose me couper le visage » témoigne-t-il après avoir été transporté à l’hôpital, pratiquement inconscient et sanglé sur une civière. En à peine quinze minutes, son véhicule est détruit, ainsi que toutes les vitres de son domicile.

Hugo n’est pas le seul à être pris pour cible en cette soirée. Membre de l’association favorable à l’accueil de migrants Roya Citoyenne, l’homme de 58 ans héberge ce soir là quatre demandeurs d’asiles. De cette attaque, ils ont été « gravement traumatisés psychologiquement » selon un communiqué de l’association. « Aujourd’hui, il ne veut pas rentrer chez lui. On l’héberge à droite à gauche » soutient Patricia Alunno, proche d’Hugo et ancienne membre du conseil d’administration de l’association. Parmi les assaillants, deux sont actuellement poursuivis. « Le groupe est connu pour faire partie du groupe identitaire local » souligne l’avocat d’Hugo, Zia Oloumi, en désignant Sébastien Toesca, un des « protagonistes qui gravite autour de Philippe Vardon », co-fondateur du bloc identitaire aujourd’hui tête de liste Rassemblement National (RN) aux élections municipales à Nice. Le candidat, autrefois chanteur du groupe de rock identitaire « Fraction Héxagone » n’a pas hésité à apporter son soutien aux agresseurs d’Hugo, en qualifiant leur poursuite d’« intense séquence de propagande » au moment où le procureur de Nice considérait l’attaque comme étant « sans aucune ambiguïté raciste ».

menaces-min
Menaces reçues par Mireille Damiano © Safouane Abdessalem

Discréditer celles et ceux qui viennent en aide aux migrants fait partie des méthodes habituelles de l’extrême droite. Mais certains vont bien plus loin. L’avocate de Roya Citoyenne Mireille Damiano a reçu en juillet 2017 des menaces de mort envoyées par courrier. Sur l’enveloppe, la colonne de Leipzig, titre honorifique nazi de « ville des foires du Reich », est tamponnée au-dessus de la Croix de Lorraine. Anonyme, la lettre contient un photomontage réalisé à partir d’une image d’archives en noir et blanc de femmes pendues dont l’une, écriteau au cou, porte l’inscription « J’ai accueilli un migrant ». Un autre message accompagne le premier : « Le vent tourne et tel (le) qui se croit dans son bon droit risque de connaître un réveil douloureux ». L’avocate décide de porter plainte afin de protéger sa famille. « Mes enfants étaient inquiets pour moi, ils venaient me chercher le soir, c’était un peu compliqué. Il y a ici à Nice une bande d’identitaires issus de groupes violents . »
Lire la suite ici