Allemagne : Vente aux enchères en soutien aux antifas de Chemnitz

À Chemnitz (Saxe), une exposition intitulée Antifa - Mythos & Wahrheit (Antifa, mythe et vérité) rassemble une dizaine d’objets représentatifs de l’antifascisme contemporain allemand, afin de déconstruire les idées reçues sur les antifas et d’alerter sur la situation particulière en Saxe, où le néonazisme et la violence d’extrême droite atteignent un niveau préoccupant. Afin de rassembler des fonds pour soutenir les antifascistes de Chemnitz, les objets de l’exposition sont mis aux enchères à distance (sur Ebay) jusqu’au samedi 22 août, où la vente se fera en direct. Il est donc possible pour les antifas français de participer à cette vente : nous ferons une présentation détaillée tout au long de la semaine de chacun des objets proposés.

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Le collectif Peng ! qui est à l’origine de cette initiative a écrit le texte ci-dessous pour expliquer leur démarche, traduit par nos soins :

La Saxe a besoin de l’Antifa et l’Antifa a besoin d’argent

Dans le combat qu’ils mènent contre l’extrême droite et le nationalisme, les groupes antifascistes ne peuvent pas compter sur le soutien de l’État. Voilà pourquoi nous procédons à une redistribution ! Nous avons ainsi transféré 10 000 euros issus d’aides de l’État à des groupes antifascistes en leur achetant dix objets qui ont une signification particulière pour l’antifascisme. Ce sont ces objets qui sont exposés depuis le 15 août 2020 aux Sächsische Kunstsammlungen de Chemnitz dans l’exposition intitulée Antifa - Mythos & Wahrheit (Antifa, mythe et vérité). Chaque objet montre la diversité de la résistance antifasciste, la répression que l’État mène contre les groupes antifascistes ainsi que les jugements préconçus diffusés par les médias contre les antifas.

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En effet, l’image diffusée par les médias est toujours la même : les antifas sont des casseurs qui jettent des pierres. Or, il s’agit là de stéréotypes qui sont répétés ad nauseam par les partis politiques (CDU, AfD, FDP), par les services de sécurité et de renseignement et par les médias mainstream, et ce dans le but de les inscrire dans la mémoire collective. Avec sa « théorie du fer à cheval », le politologue Eckhardt Jesse place l’extrême gauche et l’extrême droite aux deux extrémités du spectre politique, au même niveau, faisant de ce fait un parallèle entre les groupes antifascistes et les néonazis violents. Suivant cette logique d’État, le land de Saxe a annoncé la création d’une commission spéciale sur « l’extrémisme de gauche » moins d’un mois après l’attaque d’extrême droite menée contre une synagogue à Halle. Or cette comparaison est absurde, voire même dévastatrice. Oui, il peut arriver qu’en Saxe aussi, une voiture brûle de temps à autre : mais les antifascistes n’en continuent pas moins à défendre l’idée de démocratie et de droits fondamentaux contre les menaces nazies et racistes.

L’exposition Antifa – Mythos & Wahrheit a pour but de figurer la grande diversité du travail antifasciste. Dix objets racontent le combat pour la démocratie et les droits humains, contre les néonazis et le racisme et opposent au dénigrement de l’engagement antifasciste la diversité et la beauté de ce dernier.

Bruyant, expressif, discret, de façon continue, avec spontanéité : l’antifascisme est varié

Une citoyenne engagée est confrontée à de nombreuses procédures judiciaires pour dégradation parce qu’elle a recouvert des graffitis nazis : c’est ce que raconte la bombe de peinture d’Irmela Mensah-Schramm, connue du grand public sous le nom de « Sprayer-Oma » (Mamie-Graffiti).

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Après les assassinats et les attentats à la bombe du Nationalsozialistischer Untergrund (NSU, Clandestinité nationale-socialiste), les autorités en charge de la sécurité ont non seulement ignoré tous les indices donnés par les familles sur les agresseurs mais ont enquêté exclusivement sur les familles et les victimes pendant onze années : c’est ce que raconte l’acte d’accusation des trois NSU-Tribunale.

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La banderole exposée qui porte l’inscription « Le fascisme n’est pas une opinion, c’est un crime » vient du VVN-BdA, une association créée en 1947 par des rescapé·e·s des persécutions nazies : il s’agit de la plus ancienne organisation antifasciste d’Allemagne. À cause de son engagement politique l’année passée, cette organisation s’est vue retirer son label d’utilité publique.

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Mais nous voyons les choses autrement : cela fait trente ans qu’Irmela Mensah-Schramm, âgée aujourd’hui de 74 ans, recouvre des graffitis d’extrême droite et a déclaré la guerre aux appels à la haine néonazis dans toute l’Allemagne. L’année dernière s’est tenu le troisième NSU-Tribunal à Chemnitz et à Zwickau. Des migrant·es, des personnes issues de l’immigration et des réfugié·es y racontent la discrimination et le racisme qu’ils·elles vivent et réclament, avec d’autres personnes présentes, la société d’après les migrations, la société de la multitude. Le VVN-BdA ne se bat pas depuis 63 ans seulement contre la nouvelle montée en puissance du néonazisme, mais il entretient le souvenir vigilant de la Shoah dans la mémoire collective. Chaque objet exposé, chaque histoire raconte un engagement courageux, parle de la lutte contre l’extrême droite et la répression d’État, contre le dénigrement et les propos diffamatoires et contre les procédures judiciaires.

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L’exposition Antifa – Mythos & Wahrheit parle de la réalité de nombreux militant·e·s antifascistes et antiracistes qui se mettent en travers du chemin du racisme et du néonazisme. Parfois bruyant et expressif, parfois discret, de façon continue ou avec spontanéité. Cette diversité, c’est le vrai visage de l’antifascisme !

L’antifascisme sous pression partout dans le monde

Partout dans le monde, l’antifascisme est mis sous pression par la montée en puissance des mouvements racistes et populistes. Le président américain Donald Trump déclare officiellement que l’Antifa est une organisation terroriste. Face à cela, la dirigeante du SPD, Saskia Esken, se range aux côtés des antifas et suscite un tollé général dans les médias allemands ainsi que l’émoi au sein la CDU/CSU qui trouve cela « inconcevable ». Malgré cela, le combat contre le racisme et le nationalisme racialiste est plus nécessaire que jamais aujourd’hui, particulièrement en Saxe. Les tromperies et les mensonges de l’Office de Protection de la Constitution du land de Saxe, qui continue aujourd’hui à agir de la même façon qu’il y a plus de dix ans dans le cadre de l’affaire autour du NSU, les extrémistes de droite radicale au sein du LKA (Landeskriminalamt, police judiciaire du land) et de la police, ou bien encore le juge du tribunal du land de Dresde, Jens Maier, de l’AfD, dont l’ancien ministre vert Joschka Fischer dit qu’il est « nazi ou comment faut-il l’appeler sinon ? » : tous révèlent le racisme présent à tous les niveaux dans les institutions. Pegida et Pro Chemnitz le portent dans la rue et l’AfD le fait entrer dans la vie politique parlementaire avec des résultats électoraux de 27,5%.

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Pour les migrant·e·s, les personnes issues de l’immigration, pour les personnes queer, pour les réfugié·e·s ou les militant·e·s de la contre-culture d’extrême gauche, c’est un combat quotidien de vivre en Saxe. Aucun autre land allemand ne fait aussi souvent les gros titres à cause des violences racistes qui s’y produisent : Clausnitz, Heidenau, Freital, Bautzen, Meißen, Freiberg, Meerane, Löbau, Chemnitz. Il s’agit d’agressions avec voies de fait sur des personnes, d’incendies criminels de foyers d’hébergement, de restaurants kurdes ou juifs (2018, Chemnitz, le restaurant turc Mangal et le restaurant juif Shalom) et de la mise en place de « national befreite Zonen » (les soi-disantes zones de libération nationale). Des groupes terroristes d’extrême droite s’organisent constamment en Saxe : citons Revolution Chemnitz, Gruppe Freital et aussi le Nationalsozialistischer Untergrund (NSU) dont le « réseau de camarades » (comme ils se désignent eux-mêmes) continue d’être actif, aujourd’hui encore, sans être dérangé par les dirigeants politiques en place.

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Alors, de l’argent public pour le travail et l’engagement antifascistes et antiracistes, cela semble aujourd’hui plus que jamais de première importance, à l’heure où des attentats meurtriers ont été commis comme à Hanau et à Halle, à l’heure où un homme politique comme Walter Lübcke a été assassiné chez lui, à l’heure où un groupe au sein de la police se fait appeler NSU 2.0 et menace par courrier et par mail des personnes engagées contre le racisme et le fascisme, à l’heure où toujours plus de nouveaux policiers et soldats d’extrême droite sont découverts, à l’heure où les agresseurs d’extrême droite et ceux qui préparent des attentats sont condamnés à des peines minimales.

Alerta, Alerta Antifascista !
Yalla, Yalla Migrantifa !

Des enchères antifascistes

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Tu veux l’édition reliée des NSU-Tribunale ? Tu collectionnes avec passion des objets antifas ou bien tu as juste envie de soutenir des militant·es antifascistes ? Alors tu es au bon endroit !
Le 22 août, de 16h30 à 18h, nous mettrons aux enchères les dix objets exposés sur la Theaterplatz de Chemnitz. En plus des enchères, il y aura un débat avec Paula Irmschler, Stephan Anpalagan et le Antifaschistischer Jugendkongress de Chemnitz ; ensuite, Irmela Mensah-Schramm, Bernd Langer, le collectif d’action « NSU-Komplex auflösen ! », le VVN-BdA et le Conseil des Femmes UTA e.V. parleront de leurs objets qui ont été exposés.
Impossible pour toi de venir à Chemnitz ? Pas de problème. Tu peux faire des offres pour ton (ou tes !) objet(s) préféré(s) sur Ebay. L’ensemble du programme sera retransmis en ligne. La recette des enchères ira à l’Alternatives Jugendzentrum de Chemnitz.

Peng !-Kollektiv [traduction : La Horde]