Nos camarades antifascistes suisses de Rage ont signalé une petite entreprise de change sur Genève qui emploie un agent au profil bien particulier : Alexandre Gabriac, ancien leader des Jeunesses nationalistes aujourd’hui dissoutes. L’occasion pour nous de revenir sur ce personnage aujourd’hui un peu has-been en France, qui attend le résultat de son appel pour sa condamnation pour manifestation interdite [1]. Au fait, Gabriac, 4000 euros, ça fait combien en francs suisses ?

GAbriac_Suisse

Le bureau de change en question, Alys Impex, se trouve au rue de Berne, au cœur du quartier populaire des Pâquis, et appartient à Ahmad Najjari, un parent de Behnam Najjari, président d’Égalité et Réconciliation Suisse. Pour rappel, ce Behnam avait été perquisitionné en décembre passé et la police genevoise avait trouvé chez lui tout un arsenal, ainsi qu’un drapeau du IIIe Reich pour emballer le tout. Ce n’est pas la première fois d’ailleurs que Gabriac se rapproche d’un soralien suisse : en effet, on l’avait déjà aperçu assurer la sécu d’une conférence de Piero San Giorgio à Grenoble en juin 2012…

On sait donc désormais où se cache Alexandre Gabriac, et pourquoi il s’est fait si discret ces derniers temps. Car ses activités un peu agitées au sein de l’Œuvre française jusqu’en 2013, ne lui avait pas facilité sa vie professionnelle : on se rappelle qu’au moment de la dissolution, il avait perdu son emploi de garde du corps, son employeure ne désirant plus s’afficher aux côtés d’un gros nazi… Dont voici un rapide rappel biographique (on pourra trouver en complément un dossier complet sur le parcours de Gabriac jusqu’en 2011 sur Indymédia Grenoble).

Premiers pas au FN

Si Alexandre Gabriac, né en décembre 1990, adhère au Front national à 13 ans et accède à un poste à responsabilité dès 2007 (il est alors à la fois secrétaire départemental du FNJ en Isère et membre de l’Œuvre française), c’est en octobre 2010 que, sur le site d’informations antifasciste REFLEXes, on s’intéresse au bonhomme pour la première fois : on peut en effet voir une photo de 2008 montrant celui qui est entre temps devenu conseiller régional FN [2] et secrétaire régional du FNJ Rhône-Alpes tendre le bras droit en compagnie de ses petits copains espagnols de la Phalange. Alors que le FN est en pleine phase de "dédiabolisation", l’info pourtant croustillante ne déclenche aucune réaction dans le parti de Marine Le Pen : mieux, en janvier 2011, il est élu au Comité central du parti, dont il est le plus jeune membre.

Gabriac 2008-2010

Pour que le FN réagisse, il faut attendre qu’un média mainstream, le Nouvel Obs , en remette une couche en mars 2011 (en pleine campagne pour les cantonales), présentant Gabriac, le candidat FN dans le canton n°6 de Grenoble, en costume du parfait skinhead néonazi. C’en est trop : malgré ses bons résultats électoraux, Gabriac est exclu du FN en avril 2011. Et pour se laver de tout soupçon, des proches de Marine Le Pen font parvenir à des différentes rédactions un dossier complet sur le "nazi" Gabriac…

Autocollants anti-JN
À l’époque, La Horde leur avait consacré un petit sticker…

Fachos à plumes

Six mois plus tard, Gabriac va créer la structure qui sera celle de ses années fastes : les Jeunesses nationalistes. D’abord basées à Lyon, les Jeunesses nationalistes (JN) vont faire des petits dans quelques villes, dans le sud et l’est de la France, et surtout donner un coup de fouet à l’Œuvre française d’Yvan Benedetti, dont le moins qu’on puisse dire est qu’elle végétait sévère. Apportant du sang neuf et une certaine détermination à l’organisation de Pierre Sidos, Gabriac, davantage chef de bande que théoricien ou chef de parti, va avec les JN à la fois multiplier les "actions" et attirer à lui les caméras et les micros. Il faut dire qu’à l’époque un espace semble s’ouvrir entre un Front national qui cherche à se banaliser et des Identitaires en bout de course : les JN, comme le mouvement Troisième Voie ressuscité un an plus tôt par Serge Ayoub, vont permettre à de jeunes nationalistes de retrouver le frisson de la rue et renouer avec un certain folklore que les Identitaires avaient cherché en vain à dépasser.

Dans le même temps, Gabriac s’inscrit à la fac de droit à Lyon 3 : là aussi, il s’agite, cette fois pour demander la réintégration de Bruno Gollnisch, dont il était l’un des poulains quand il était au FN, et avec qui il a gardé le contact. Il se rapproche aussi du GUD, et entretient de bonnes relations à la fois avec les sections lyonnaise et parisienne.

Gabriac-Fafwatch
Photo : Fafwatch

La force de Gabriac, c’est d’être un véritable globe-trotter : comme l’écrivait REFLEXes en décembre 2011, " tel le petit reporter d’Hergé, il semble incapable de tenir en place. Après avoir tenté de franchir la manche au mois d’août pour aller “ratonner” en Angleterre lors des émeutes d’août 2011, à l’appel de l’English Defense League, il était présent mi-septembre pour soutenir Bruno Gollnisch lors de son retour à l’université Lyon III, malgré sa mystérieuse agression qui lui aurait fait perdre la mémoire sur ces trois dernières années. Le 8 octobre, il montait sur Lille, en co-voiturage avec Renaud Mannheim, chanteur du groupe RAC Match Retour et leader du groupe Lyon Dissident, pour participer à la manifestation de Serge « Batskin » Ayoub." Sortant l’Œuvre de son ghetto et de sa posture de relique poussiéreuse du nationalisme français, sans rien renier de son idéologie, Gabriac va jouer un rôle assez décisif dans les rapprochements qui s’opèrent alors dans l’extrême droite radicale, et dont les parades du 9 mai sont les représentations symboliques.

JN-homophobie

Obsessions homophobes

Mais Gabriac va trouver sa véritable croisade lors du mouvement contre le mariage homosexuel, dit "Manif pour Tous". Refoulant peut-être une homosexualité latente et mal assumée, phénomène courant dans le milieu skinhead (on plaisante, Gabriac, respire), notre bibendum fait une véritable fixette sur la communauté LGBT, et ce avant même que Frigide Barjot n’imprime son premier sweat rose. On le retrouve par exemple en mai 2010 aux côtés d’Yvan Benedetti à Lyon sur le parvis Saint-Jean pour protester contre un kiss-in , ou encore à la Gay Pride 2011 en train de faire des saluts nazis (encore ?). Mais c’est bien à partir de 2012 que les Jeunesses nationalistes vont tenter de s’imposer comme la branche radicale du mouvement homophobe qui va occuper l’espace médiatique et la rue durant environ deux ans. Le rapprochement avec les cathos intégristes s’est fait tout naturellement : l’Œuvre française et Civitas se retrouveront ainsi côté à côte les 13 et 26 mai 2013 contre le mariage pour tous, les Jeunesses nationalistes assurant le service d’ordre.

Cependant, les Jeunesses nationalistes peinent à étendre leur réseau et ça commence déjà à sentir le sapin. Le 29 septembre 2012, les JN organise une manifestation "Maître chez nous" à Paris dans le but de s’implanter dans la capitale, mais l’initiative vire à la farce, grâce à la mobilisation d’antifascistes franciliens : après avoir été empêché de manifester, une trentaine de nationalistes seulement se retrouvent sur le parvis de Notre-Dame sans banderole ni drapeau, dans l’indifférence générale : Benedetti improvise un speech inaudible et tout ce petit monde se fait rapidement embarquer par les flics. Un véritable fiasco, qui n’est que le prélude de la dégringolade à venir.

De la rue aux urnes

Car c’est à l’été 2013 que les ennuis commencent : à la suite du meurtre de Clément Méric le 5 juin 2013, le gouvernement, pour faire bonne figure, va dissoudre l’Œuvre française et les Jeunesses nationalistes, qui n’étaient pourtant pas directement impliqués, puisque notre camarade est tombé sous les coups de membres de Troisième Voie. Suite à cette dissolution, Gabriac la joue bravache en déclarant : " nous allons nous y opposer par tous les moyens possibles, notamment par la voie juridique " ; mais au final, la mesure marquera bien la fin des Jeunesses nationalistes, dont on n’entend plus parler sur la fin de l’année 2013 qu’à l’occasion des différents procès de ses membres pour des agressions précédentes, comme celle de "Toto" à Lyon. On verra d’ailleurs souvent Gabriac faire le déplacement pour soutenir ses "kamarades".

Vénissieux fait front
Des références fascistes assumées, ici le fameux balai rexiste de Léon Degrelle.

Après les années coups de poing, Gariac se range, et va tenter l’aventure électoraliste. En janvier 2014, il est inscrit sur les listes électorales de Vénissieux : avecla liste « Vénissieux fait front », Yvan Benedetti et Alexandre Gabriac obtiennent 11,49% des suffrages aux élections de mars, un résultat sans précédent depuis des années pour une liste d’extrême droite radicale. C’est vrai que le FN n’y avait pas présenté de liste, mais Gabriac se réjouit et déclare : « C’est une énorme satisfaction que de glisser une certaine quenelle à ce système », une allusion à Dieudonné moyennement appréciée dans le milieu de la "résistance blanche".

Gabriac, Amis de Rivarol, avril 2016, StreetPRess

Pour le reste, si on peut croiser Gabriac aux principaux rendez-vous de ceux qui se font appeler "les Amis de Pierre Sidos" en attendant de se restructurer, notre bibendum se fait de plus en plus discret. On a malgré tout pu l’apercevoir lors de l’hommage à Jeanne d’Arc en mai 2015, ou, plus récemment au Banquet des Amis de Rivarol en avril dernier, mais il est absent du bureau politique du Parti Nationaliste Français (PNF), la structure censée remplacer l’Œuvre française. Est-ce à dire que nous en sommes débarrassés ? Rien n’est moins sûr : il est toujours possible que, auréolé de la "gloire" de ses années JN qui, n’en doutons pas, deviendront probablement "mythiques" d’ici quelques années dans le milieu nationaliste toujours avide de légendes, Gabriac fasse un jour son come-back , comme Serge Ayoub en son temps… À suivre donc.
La Horde

Notes

[1Mise à jour : Gabriac a été condamné à deux mois ferme par la cour d’appel de Paris le 27 juin 2016.

[2Il est élu conseiller régional en Rhône-Alpes aux élections de mars 2010, avec plus de 15,23% des voix.