Lu sur Lutte en Nord :

Alors qu’hier s’est ouvert le procès aux assises des assassins de notre camarade Clément Méric, il nous paraît important de rappeler certains faits de l’actualité récente dans lesquels se sont illustrées les organisations fascistes auxquelles appartenaient les assassins Esteban Morillo et Samuel Dufour.

Dès le lendemain du meurtre de Clément en juin 2013, l’ignoble ballet médiatique visant à renvoyer dos-à-dos victimes et assassins commençait. C’est alors qu’est mise en avant la fable de la « guerre de gangs », une version soutenue par l’extrême-droite et dont le but est de créer une écoeurante symétrie entre un jeune militant syndicaliste révolutionnaire, luttant contre les discriminations et pour l’égalité sociale, et des bandes fascistes dont l’activité principale consiste à agresser, et parfois à tuer, ceux qu’ils identifient comme des adversaires : militants de gauche ou personnes racisées.

Aurélien Verhassel , proche de la bande de Serge Ayoub  et chef de la section lilloise de génération identitaire, passera d’ailleurs en délibéré le 11 septembre pour avoir commis une agression raciste dernièrement à Lille.

En plus d’être une insulte aux proches de Clément, considérer sa mort comme résultante d’une banale “guerre des gangs” tend à masquer la réalité d’une extrême-droite structurée en réseaux interconnectés. Ce discours a aussi tendance à isoler ce meurtre d’une série d’actions violentes et mafieuses au coeur desquelles se trouvent pourtant les mêmes protagonistes, qui n’ont évidemment jamais été inquiétés par les dissolutions de 2013.

Les misérables gesticulations de Morillo , recouvrant ses tatouages fascistes, ne sauraient faire oublier qu’il s’agit bien d’un assassinat politique illustrantles méthodes habituelles de cette clique de nervis.

Depuis 2013, l’extrême droite n’a cessé de croître. Des résultats électoraux du FN au développement des groupuscules radicaux, nous traversons une phase de renouveau politique des organisations racistes et islamophobes. Depuis le mouvement homophobe de La manif pour tous, le nombre d’agressions commises par l’extrême droite ne cesse d‘augmenter ; des locaux identitaires et néo-fascistes ouvrent partout en France et des groupuscules royalistes que l’on croyait aux oubliettes réapparaissent.

Dans le nord de la France cela n’a pas été de tout repos, affaires de meurtres, de vente d’armes aux terroristes de l’hyper casher, ouverture d’un local “réservé aux blancs”… nous allons ici retracer une brève chronologie des évènements récents :

En 2011, lors de l’assassinat de Hervé Rybarczyk , à Lille c’est Claude Hermant  qui domine le jeu, il est à la tête d’une organisation identitaire locale : la “maison flamande” (Vlaams huis),. C’est à cette période qu’Hermant décide de fusionner la “ maison flamande ” avec les organisations “ Troisième Voie ” et “ Jeunesses Nationalistes Révolutionnaires ” au sein du “Front Populaire Solidariste” . Troisième Voie et les JNR ont été créées et sont dirigées d’une main de fer le célèbre Serge Ayoub  alias “ batskin ”.
A ce moment, Esteban Morillo , l’assassin de Clément, est membre de ces organisations. A Lille, Yohan Mutte  et plusieurs skins de la maison flamande font quant à eux partis de la garde rapprochée d’Ayoub. Des liens se tissent entre l’extrême droite lilloise et parisienne et des passerelles évidentes apparaissent.

Aurélien Verhassel , actuel chef des identitaires lillois, est alors un des militants de la maison flamande. Il y côtoie notamment Yohan Mutte  mais aussi Tomasz Szkatulski , un skinhead néo nazi régulièrement incarcéré pour des agressions de SDF. Ce dernier fonde alors la marque “Pride”, des vêtements ouvertement fascistes qu’il décide de vendre une boutique tenue par la clique Hermant : “Tribann”.

A ce moment les agressions sont épisodiques, attaques de bars gays, de lieux étiquetés politiquement à gauche, de personnes racisées… Mais les affaires vont s’accélérer et prendre un tournant beaucoup plus dramatique.

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Claude Hermant  tout d’abord est inculpé pour trafic d’armes. Lui et plusieurs de ses proches (sa compagne, des militants d’extrême droite de la maison flamande, un salarié de sa friterie située rue Solférino..) sont arrêtés dans le cadre d’une enquête où il est mis en cause pour des ventes illégales d’armes dans le nord de la France et la Belgique. En effet, il s’avère que depuis des années Hermant vend des armes de guerre sous couvert d’être un “indic” de la gendarmerie.

Ce business, dont les recettes irriguaient très certainement la bande d’Hermant et celle d’Ayoub, s’arrête en janvier 2015 avec la tuerie de l’ Hyper Casher . Les enquêteurs découvrent alors que les armes retrouvées sur le terroriste islamiste Amedy Coulibaly  ont été fournies par Claude Hermant . Cette découverte provoque évidemment l’arrestation de celui-ci et de ses complices.

Une fois de plus cette séquence révélera d’ailleurs les liens entretenus par l’extrême droite et la police. Celle-ci couvrira son “indic” quelques mois afin de se protéger jusqu’à finir par le laisser tomber. L’ambiguïté de cette relation n’est pas nouvelle et bon nombre de policiers fréquentent depuis toujours la maison flamande. Cette proximité permettra d’ailleurs à Claude Hermant  d’obtenir en 2009 une liste de militants antifascistes interpellés au cours d’une manifestation par la police.

Suite à l’affaire Coulibaly, Hermant se retrouve malgré tout devant la justice, ses amis policiers le lâchent complètement et il écope d’une peine de 7 ans de prison. Il est encore actuellement incarcéré.

Une autre affaire dramatique va alors ressurgir. Il y a plusieurs années à Lille une série de décès vont se produire le long de la rivière de la Deûle, on découvre en quelques mois plusieurs cadavres noyés, certains portent la trace de coups, la rumeur prend de l’ampleur, on parle de crimes homophobes, d’un “pousseur de la deûle” etc. Très vite les médias et la police tiennent à calmer le jeu, ils nient toute probabilité d’assassinats, pour eux il s’agit de personnes ivres ou à tendances suicidaires, une triste série d’accidents sans aucun lien entre eux.

Ce n’est pourtant pas ce qu’il s’est passé, et il faudra plusieurs années pour que la vérité éclate au grand jour.

C’est une série de révélations sur des bandes ultra violentes d’extrême droite dans le nord et en picardie qui va permettre d’en savoir plus. Jérémy Mourain , proche d’Ayoub (encore lui), et membre des JNR est alors un ami proche de Yohan Mutte  (membre de troisième voie, des JNR et de la maison flamande).

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Suite à une série d’agressions et de règlements de compte, la justice commence à s’intéresser au groupe de Mourain (white wolf klan). Mourain finit par être jugé et incarcéré. Alors qu’il est en prison et sous écoute policière il téléphone à un ami et lui explique qu’il a tué quelques années auparavant une personne à Lille.

La police fait alors rapidement le rapprochement avec une affaire en cours, celle d’un des meurtres de la Deûle où elle soupçonne la bande Mourain/Mutte et comparses. Lisez à ce propos l’excellent article de MédiasCités.

On découvre alors que non seulement la bande d’Ayoub et d’Hermant aurait tué une voir plusieurs personnes, mais que la police se serait rendue complice des agissements en couvrant partiellement ces agissements. En effet la police, pour des raisons qui nous échappent (et dont elle sera peut-être amenée à expliquer), aurait eu en main des éléments tenus secrets et aurait volontairement gommé la dimenssion politique de l’assassinat d’ Hervé Rybarczyk .

La police va d’ailleurs être dessaisie de l’affaire au profit de la gendarmerie, on apprend alors dans l’article de médias cités :

Mais pourquoi donc la gendarmerie est-elle saisie de l’affaire ? Officiellement, il s’agit de porter un nouveau regard sur une enquête complexe. Mais en off, certains avancent que la police ne serait peut-être pas allée assez loin dans ses investigations. Voire que des policiers entretiendraient des relations très étroites avec l’extrême-droite identitaire“

Lors de ces dernières années de nombreuses autres affaires se sont déroulées, attaque du kebab “ Aspendos ” à Wazemmes par une bande d’extrême droite menée par les identitaires auxquels se joignent des hooligans du Losc, agressions de personnes non blanches rue Masséna, attaque de militants communistes, agressions de militants LGBT, attaques de migrants ou de bénévoles à Calais par le groupe Sauvons Calais (dont le chef Kévin Rêche  est un ami de la quasi-totalité des personnes mentionnées ci-dessus), etc. Une chronologie détaillée et exhaustive serait longue, mais une brève recherche sur le net et dans la presse régionale permet de constater les visées criminelles et racistes de ces militants d’extrême droite.

Avec l’incarcération d’Hermant et la fin de la maison flamande, un espace se libère à l’extrême droite. Aurélien Verhassel , dont nous avons brièvement parlé précédemment, va alors en profiter pour développer un nouveau groupe identitaire sur les ruines des précédents : c’est ainsi qu’apparaît la section lilloise de génération identitaire, conglomérat d’anciens de la maison flamande, de Troisième voie, des JNR, etc. On change le nom mais l’on garde les mêmes méthodes. Yohan Mutte  est un ami de Verhassel, il sera présent aux premières réunions de ce nouveau groupe. Son ami Willy, un autre skin néo nazi, est lui aussi un membre très actif de GI et s’investit dans l’édification de leur local ouvert en 2016 :  La Citadelle .

Verhassel , qui dirige La Citadelle, n’hésite pas à présenter ce local comme “réservé aux blancs”. Malgré son apparence policée il est lui aussi mêlé à des affaires d’agressions racistes. Dans l’une d’entres elles il encourt d’ailleurs 8 mois de prison ferme, verdict en septembre.

Les témoignages mettant en cause des militants de Génération Identitaire se multiplient depuis l’ouverture de leur local. Que ce soit à Lille à Arras où ailleurs, ils n’hésitent pas à faire le coup de poing comme lorsqu’ils ont attaqué en 2018 des étudiants grévistes de l’Université Lille 2. La façade a changé mais les méthodes sont les mêmes et ceux qui ont tué Clément hier sont les mêmes qui ratonnent dans les rues de Lille et de Paris aujourd’hui.

A travers ce texte nous voulons établir une filiation entre le passé et le présent, entre les assassins de Clément et ceux qui à Lille ou à Paris n’hésitent pas à taper les noirs et les arabes, les LGBT et les militants progressistes. Agresser en groupe est une pratique récurrente pour l’extrême droite. Contrairement à ce que soutiendra certainement Morillo et une partie des journalistes : la mort de Clément Méric  n’a rien d’accidentelle, elle est résulte uniquement de la tactique préconisée par Ayoub et Hermant hier et par Verhassel aujourd’hui.

Enfin, nous voulons insister sur le fait que les dissolutions de 2013 ont été un coup d’épée dans l’eau, et l’exemple lillois est d’ailleurs probant : le bar raciste La Citadelle a remplacé l’ancienne « maison flamande ».

Si nous insistons sur ces lieux c’est qu’ils occupent une place centrale dans la structuration locale de l’extrême droite : ils permettent aux militants de se rencontrer, de discuter et de s’organiser pour frapper. Ce n’est d’ailleurs pas un hasard si les agressions de Lille 2 mentionnées précédemment ont été commises par un groupe de Génération Identitaire qui s’est retrouvé à La Citadelle pour commettre son méfait.

Les meurtres de Clément  et d’ Hervé  n’ont donc rien d’accidentel. Ils découlent d’une logique : la violence comme moteur de groupes se revendiquant racistes et fascistes.
Lutte en Nord